Dans
mon dernier article sur Estrie Plus, nous avons abordé les risques d'acheter un
immeuble sans garantie légale et l'impact d'une telle renonciation dans le
cadre d'un éventuel recours contre le vendeur de l'immeuble.
Or,
au cours des derniers mois, une clause est de plus en plus présente dans les
actes d'achat immobilier : l'achat
« aux risques et périls
de l'acheteur ». Cette stipulation existe depuis plusieurs années, mais aujourd'hui, son
ajout est devenu presque systématique lors d'une renonciation à la garantie
légale d'un immeuble.
Pourtant, il y a une différence entre la renonciation à la garantie
légale et l'achat
« aux risques et périls de l'acheteur », et l'un ne vient pas automatiquement
avec l'autre. En effet, un acheteur renonçant à la garantie légale peut tout de
même avoir un recours contre son vendeur si ce dernier ne révèle pas des vices qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer. Au contraire, si l'acheteur
acquiert l'immeuble sans garantie légale et à ses risques
et périls, il ne peut se retourner
vers son vendeur, même si ce dernier connaissait le vice et qu'il ne l'a pas déclaré. À noter que cette règle ne s'applique pas aux vendeurs
professionnels, lesquels ne sont généralement pas exonérés par une telle
clause.
L'impact
d'une clause « aux risques et périls » est majeur pour l'acheteur, mais
également pour l'ensemble des futurs
acquéreurs de l'immeuble. La récente décision
de la Cour d'appel Ouellette
c. Blais,
2022 QCCA 858 le montre
bien.
Les
faits de cette affaire se résument comme suit. En 2018, un couple achète un
immeuble avec garantie légale. Constatant l'existence de vices cachés, le
couple dépose une demande en dommages et intérêts contre leur vendeur, M.
Blais.
M.
Blais se retourne contre les propriétaires antérieurs de l'immeuble, estimant
que les vices cachés allégués existaient déjà au moment
où il a lui-même acheté l'immeuble, en 2013. Il appelle
donc en garantie M. Laforce, lequel a vendu l'immeuble en 2001, et M. Constant
qui a vendu l'immeuble en 1982. Toutefois, il n'appelle pas en garantie son
propre vendeur, puisqu'en 2013,
M. Blais a acheté l'immeuble sans garantie légale
et à ses risques et périls.
Le
tribunal doit alors déterminer si M. Blais peut appeler en garantie les anciens
propriétaires, bien qu'il ait renoncé à la garantie légale et qu'il ait acheté
l'immeuble à ses risques et périls.
Selon
M. Blais, sa renonciation à la garantie légale ne vaut qu'à l'égard de son
propre vendeur, mais n'a pas pour effet de rompre la chaîne de transmission des
garanties légales quant aux vendeurs antérieurs. En d'autres termes, il est
d'avis qu'il dispose tout de même d'un recours contre M. Laforce et M.
Constant, ceux-ci ayant vendu leur immeuble avec garantie légale.
Tant
en première instance qu'en Cour d'appel, les tribunaux ne sont pas de cet avis.
En effet, la Cour d'appel confirme
que le vendeur d'un immeuble
poursuivi pour vices cachés qui a acheté
« à ses risques
et périls » ne pourra espérer obtenir
le secours des anciens propriétaires même si ces derniers avaient vendu l'immeuble avec garantie légale
à l'époque. La chaîne de transmission des garanties
légales ayant été rompue en 2013, les anciens propriétaires ne peuvent être
tenus responsables des vices affectant l'immeuble.
Cette
décision rappelle l'impact majeur d'une clause « aux risques et périls »
pour d'éventuels recours en dommages
et intérêts, tant contre le vendeur immédiat
qu'à l'égard de l'ensemble de propriétaires antérieurs de l'immeuble. La Cour d'appel
rappelle d'ailleurs que l' « exclusion de la
garantie au moyen d'une clause expresse de type - vente sans aucune garantie
légale aux risques et périls - constitue
un avertissement sérieux
fait à l'acheteur que le bien est vendu sans aucune
garantie en dépit des vices qui peuvent l'affecter ».
En
conclusion, la renonciation à la garantie légale n'implique pas automatiquement
l'achat aux risques et périls,
et les acheteurs devraient bien comprendre les impacts de cette stipulation avant de l'inclure dans leur offre. De plus, lors de l'achat
d'un immeuble, les acheteurs devraient systématiquement consulter les anciens
actes de vente au Registre
foncier pour déterminer si un acheteur
antérieur a déjà fait l'acquisition de l'immeuble à ses risques et périls,
puisque cette clause a pour effet de rompre la chaîne de transmission des
garanties légales et d'empêcher un recours contre l'ensemble des propriétaires
antérieures à la vente.