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Vulgaires enchères électorales

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 31 août 2022

La campagne électorale québécoise n'était pas encore officiellement déclarée et les formations politiques en présence ont commencé la valse des promesses électorales. Québec solidaire y est allé de sa prestation poupons où on offre aux parents un montant de 870 $ par mois pour pallier les manques de revenus dans l'éventualité qu'ils se retrouvent orphelins d'une place de garde. Le Parti québécois a promis pour sa part la passe-climat qui offrira à toutes les citoyennes et tous les citoyens du Québec un accès illimité à tous les modes de transport collectif pour la modique somme de 365 $ par année soit 1 $ par jour. Le Parti conservateur a promis les baisses d'impôt les plus importantes de l'histoire du Québec. Les libéraux ont recyclé les vieilles promesses en santé en ce qui a trait à l'augmentation des effectifs médicaux et à l'accès à médecin de famille pour tous. Les libéraux ont d'ailleurs déjà dévoilé leur programme électoral en juin dernier alors que la Coalition avenir Québec a promis la création d'une agence santé et un plan bleu sur l'eau. L'équipe de candidats de Sherbrooke de la CAQ y est allée d'un premier engagement sur les Grands rendez-vous sherbrookois. J'aurai l'occasion de revenir sur cet engagement dans une prochaine chronique. Le ton de la campagne qui s'est amorcée officiellement dimanche dernier a été donné. Ce sera une campagne axée sur les besoins individuels des électrices et des électeurs. Un monde où le Je efface complètement le Nous. Réflexions libres sur la politique au 21e siècle au Québec.

Le marketing politique triomphe...

La campagne électorale est à peine amorcée que l'on peut constater avec regret et tristesse que le clientélisme électoral s'impose comme ton privilégié pour tous les partis politiques. Il ne faudrait pas commettre l'erreur de penser que cela est nouveau et qu'il n'existait pas avant les années 1960. Il suffit de rappeler les années de « Duplessis donne à sa province » pour renouer avec un type de clientélisme la faveur du monde agricole et rural. Néanmoins, on aura raison de penser que ce phénomène est devenu généralisé depuis les 25 dernières années. Plus que jamais la politique est affaire de communicateurs professionnels et de fabricants d'images. Celles et ceux qui ont cette perception de la politique contemporaine au Québec ont raison. Ils ont raison par le fait que jamais les partis politiques n'ont autant investi par les techniques du marketing qu'aujourd'hui. C'est depuis la campagne américaine à la présidence gagnée par Barack Obama en 2008 que tout a basculé.

Barack Obama qui a modifié le processus politique en ajoutant aux vieilles recettes de marketing politique, une véritable révolution : l'introduction et l'utilisation des métadonnées. La révolution Obama en matière de mise en marché électoral tient à une chose toute simple. Une campagne électorale s'appuie sur le savoir des techniques et des stratégies du marketing moderne utilisées par n'importe quelle organisation qui cherche à répondre et à satisfaire le besoin d'un consommateur en lui proposant un produit ou un service. Les campagnes électorales du président Obama sont le résultat de la mise en œuvre des meilleures pratiques pour les organisations tant privées que publiques en matière de marketing.

Ainsi les stratèges d'Obama ont mis en œuvre une stratégie qui misait sur le microciblage, l'utilisation des métadonnées et l'utilisation des médias sociaux. Les partis politiques fédéraux canadiens ont aussi mis en place des stratégies similaires et c'est ce qui a valu la victoire au Parti libéral de Justin Trudeau en 2015. La Coalition avenir Québec a accès à cette expertise par la présence dans son organisation de l'organisatrice, madame Brigitte Legault, formée dans le sérail libéral. Depuis, tous les partis politiques font de la politique faisant appel aux techniques de marketing ciblées les plus modernes. Il n'est donc pas étonnant d'assister à un ton de campagne électorale où l'électeur-individuel est roi.

Un phénomène américain, canadien et québécois

Dans le domaine des campagnes électorales, le Québec n'a pas de statut de société distincte. Nous sommes au diapason de ce qui se fait aux États-Unis et au Canada. On comprend que si notre époque actuelle est dominée par les techniques du marketing politique et du clientélisme électoral avec les logiciels à l'avenant, le Québec n'a pas donné sa place dans son histoire récente en matière de marketing politique. Comme dans d'autres domaines, nous sommes influencées par nos voisins du Sud, mais nous innovons aussi. À mon avis, jamais avant l'élection de 1976 du Parti québécois et de son chef René Lévesque, les artistes ne furent mis autant à contribution que chez nous au Québec. Le nationalisme québécois avait ses troubadours...

Dans un tel univers, où l'utilisation des technologies de communication et des meilleures techniques de marketing qu'offrent l'utilisation des métadonnées, il n'est guère surprenant que l'on ait assisté à la montée de phénomène politique comme celui de Donald Trump aux États-Unis. Avec de l'argent et une équipe marketing aguerrie, on peut désormais faire élire n'importe qui ou n'importe quoi.

Celles et ceux qui s'intéressent à ce phénomène bien contemporain peuvent lire avec profit le livre de Bruce I. Newman intitulé The Marketing Revolution in Politics. What Recent U.S. Presidential Campaigns Can Teach Us About Effective Marketing. Publié en 2016, ce petit livre de 224 pages vous donnera la pleine mesure de l'envahissement du monde politique américain par les techniques et les stratégies les plus avancées de marketing. Vous comprendrez mieux à lire cet exposé de Newman comment nous sommes devenus des consommateurs d'idées et que nous sommes identifiés comme des idées agrégées pour obtenir notre vote.

Avec l'utilisation de ces techniques, l'instinct, le bien commun et les préférences d'un candidat deviennent bien aléatoires et superfétatoires. Seul compte désormais, les opinions et les croyances de ces milliers d'électeurs, agrégés en banque de métadonnées sur lesquels une organisation s'appuie pour se faire élire. Dans un tel contexte, l'influence des conseillers politiques traditionnels a bien peu de poids eu égard aux riches contenus des banques de métadonnées et aux résultats des sondages. Le phénomène Trump s'est bâti sur ces techniques et il continue d'être présent dans la vie politique américaine même après sa défaite. Plutôt qu'un fait isolé, l'utilisation des banques de métadonnées est aujourd'hui devenue la norme en marketing politique.

 Ici maintenant, Québec 2022

Je ne sais pas si mon propos saura vous convaincre, mais je dois faire le triste constat que le triomphe de l'utilisation des banques de métadonnées par les partis politiques et leur machine électorale font en sorte que les élections sont aujourd'hui orientées vers les besoins des électrices et des électeurs au même titre que les marchands en font l'utilisation pour récolter nos dollars de consommation. Le pire c'est que cette utilisation des métadonnées n'est pas un phénomène de droite ou de gauche, mais une tendance globale et transversale qui trahit l'esprit de notre temps où nous sommes totalement mobilisés par nos intérêts individuels et où nous peinons à faire société ensemble.

Dans une telle mouvance, il ne faudra pas s'étonner de voir apparaître dans un avenir prochain des logiciels d'aide aux votes qui comptabilisera les engagements électoraux des différents partis politiques selon notre revenu et notre condition économique et sociale. On pourra ainsi choisir d'accorder notre vote au parti politique qui nous offre le plus. Notre choix électoral sera fait en fonction du plus offrant. C'est regrettable de faire le constat que notre conscience politique collective est aujourd'hui réduite à quelque chose qui s'apparente à de vulgaires enchères électorales...


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