La campagne électorale québécoise n'était pas encore
officiellement déclarée et les formations politiques en présence ont commencé
la valse des promesses électorales. Québec solidaire y est allé de sa prestation
poupons où on offre aux parents un montant de 870 $ par mois pour pallier les
manques de revenus dans l'éventualité qu'ils se retrouvent orphelins d'une
place de garde. Le Parti québécois a promis pour sa part la passe-climat qui
offrira à toutes les citoyennes et tous les citoyens du Québec un accès
illimité à tous les modes de transport collectif pour la modique somme de 365 $
par année soit 1 $ par jour. Le Parti conservateur a promis les baisses
d'impôt les plus importantes de l'histoire du Québec. Les libéraux ont recyclé
les vieilles promesses en santé en ce qui a trait à l'augmentation des
effectifs médicaux et à l'accès à médecin de famille pour tous. Les libéraux
ont d'ailleurs déjà dévoilé leur programme électoral en juin dernier alors que
la Coalition avenir Québec a promis la création d'une agence santé et un plan
bleu sur l'eau. L'équipe de candidats de Sherbrooke de la CAQ y est allée d'un
premier engagement sur les Grands rendez-vous sherbrookois. J'aurai l'occasion
de revenir sur cet engagement dans une prochaine chronique. Le ton de la
campagne qui s'est amorcée officiellement dimanche dernier a été donné. Ce sera
une campagne axée sur les besoins individuels des électrices et des électeurs.
Un monde où le Je efface complètement le Nous. Réflexions libres
sur la politique au 21e siècle au Québec.
Le marketing politique triomphe...
La campagne électorale est à peine
amorcée que l'on peut constater avec regret et tristesse que le clientélisme
électoral s'impose comme ton privilégié pour tous les partis politiques. Il ne
faudrait pas commettre l'erreur de penser que cela est nouveau et qu'il
n'existait pas avant les années 1960. Il suffit de rappeler les années de
« Duplessis donne à sa province » pour renouer avec un type de clientélisme la
faveur du monde agricole et rural. Néanmoins, on aura raison de penser que ce
phénomène est devenu généralisé depuis les 25 dernières années. Plus que
jamais la politique est affaire de communicateurs professionnels et de
fabricants d'images. Celles et ceux qui ont cette perception de la politique
contemporaine au Québec ont raison. Ils ont raison par le fait que jamais les
partis politiques n'ont autant investi par les techniques du marketing
qu'aujourd'hui. C'est depuis la campagne américaine à la présidence gagnée par
Barack Obama en 2008 que tout a basculé.
Barack Obama qui a modifié le
processus politique en ajoutant aux vieilles recettes de marketing politique,
une véritable révolution : l'introduction et l'utilisation des métadonnées.
La révolution Obama en matière de mise en marché électoral tient à une chose
toute simple. Une campagne électorale s'appuie sur le savoir des techniques et
des stratégies du marketing moderne utilisées par n'importe quelle organisation
qui cherche à répondre et à satisfaire le besoin d'un consommateur en lui
proposant un produit ou un service. Les campagnes électorales du président
Obama sont le résultat de la mise en œuvre des meilleures pratiques pour les
organisations tant privées que publiques en matière de marketing.
Ainsi les stratèges d'Obama ont mis en
œuvre une stratégie qui misait sur le microciblage, l'utilisation des
métadonnées et l'utilisation des médias sociaux. Les partis politiques fédéraux
canadiens ont aussi mis en place des stratégies similaires et c'est ce qui a
valu la victoire au Parti libéral de Justin Trudeau en 2015. La Coalition
avenir Québec a accès à cette expertise par la présence dans son organisation
de l'organisatrice, madame Brigitte Legault, formée dans le sérail libéral.
Depuis, tous les partis politiques font de la politique faisant appel aux
techniques de marketing ciblées les plus modernes. Il n'est donc pas étonnant
d'assister à un ton de campagne électorale où l'électeur-individuel est roi.
Un phénomène américain, canadien et
québécois
Dans le domaine des campagnes
électorales, le Québec n'a pas de statut de société distincte. Nous sommes au
diapason de ce qui se fait aux États-Unis et au Canada. On comprend que si
notre époque actuelle est dominée par les techniques du marketing politique et
du clientélisme électoral avec les logiciels à l'avenant, le Québec n'a pas
donné sa place dans son histoire récente en matière de marketing politique.
Comme dans d'autres domaines, nous sommes influencées par nos voisins du Sud,
mais nous innovons aussi. À mon avis, jamais avant l'élection de 1976 du Parti
québécois et de son chef René Lévesque, les artistes ne furent mis autant à
contribution que chez nous au Québec. Le nationalisme québécois avait ses
troubadours...
Dans un tel univers, où l'utilisation
des technologies de communication et des meilleures techniques de marketing
qu'offrent l'utilisation des métadonnées, il n'est guère surprenant que l'on
ait assisté à la montée de phénomène politique comme celui de Donald Trump aux
États-Unis. Avec de l'argent et une équipe marketing aguerrie, on peut
désormais faire élire n'importe qui ou n'importe quoi.
Celles et ceux qui s'intéressent à ce
phénomène bien contemporain peuvent lire avec profit le livre de Bruce I.
Newman intitulé The Marketing
Revolution in Politics. What Recent
U.S. Presidential Campaigns Can Teach Us About Effective Marketing. Publié en 2016, ce petit livre de 224 pages
vous donnera la pleine mesure de l'envahissement du monde politique américain
par les techniques et les stratégies les plus avancées de marketing. Vous
comprendrez mieux à lire cet exposé de Newman comment nous sommes devenus des
consommateurs d'idées et que nous sommes identifiés comme des idées agrégées
pour obtenir notre vote.
Avec l'utilisation de ces techniques,
l'instinct, le bien commun et les préférences d'un candidat deviennent bien
aléatoires et superfétatoires. Seul compte désormais, les opinions et les
croyances de ces milliers d'électeurs, agrégés en banque de métadonnées sur
lesquels une organisation s'appuie pour se faire élire. Dans un tel contexte,
l'influence des conseillers politiques traditionnels a bien peu de poids eu
égard aux riches contenus des banques de métadonnées et aux résultats des
sondages. Le phénomène Trump s'est bâti sur ces techniques et il continue
d'être présent dans la vie politique américaine même après sa défaite. Plutôt
qu'un fait isolé, l'utilisation des banques de métadonnées est aujourd'hui
devenue la norme en marketing politique.
Ici maintenant, Québec 2022
Je ne sais pas si mon propos saura
vous convaincre, mais je dois faire le triste constat que le triomphe de
l'utilisation des banques de métadonnées par les partis politiques et leur
machine électorale font en sorte que les élections sont aujourd'hui orientées
vers les besoins des électrices et des électeurs au même titre que les
marchands en font l'utilisation pour récolter nos dollars de consommation. Le
pire c'est que cette utilisation des métadonnées n'est pas un phénomène de
droite ou de gauche, mais une tendance globale et transversale qui trahit l'esprit
de notre temps où nous sommes totalement mobilisés par nos intérêts individuels
et où nous peinons à faire société ensemble.
Dans une telle mouvance, il ne faudra
pas s'étonner de voir apparaître dans un avenir prochain des logiciels d'aide
aux votes qui comptabilisera les engagements électoraux des différents partis
politiques selon notre revenu et notre condition économique et sociale. On
pourra ainsi choisir d'accorder notre vote au parti politique qui nous offre le
plus. Notre choix électoral sera fait en fonction du plus offrant. C'est
regrettable de faire le constat que notre conscience politique collective est
aujourd'hui réduite à quelque chose qui s'apparente à de vulgaires enchères
électorales...