Le Code civil du Québec régit l'ensemble de nos relations avec nos concitoyens, notre famille et nos voisins. C'est ainsi que l'article 976 C.c.Q. énonce:
«Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.»
Dans une décision récente datée du 31 août 2016, la Cour supérieure a eu à se prononcer dans le dossier 550-17-007234-139 sur les faits suivants : un incendie a eu lieu et a causé des dommages aux équipements de télécommunication de Vidéotron, c'est ainsi que la gaine de protection d'un câble coaxial et de 5 câbles de fibre optique, a fondu lors de l'incendie causant des dommages évalués à 75 000,00 $. Le propriétaire de l'immeuble où a eu lieu l'incendie est-il responsable des dommages causés aux câbles de Vidéotron?
Le tribunal soutient qu'il existe trois conditions pour qu'il y ait responsabilité : les parties doivent être voisins, les troubles doivent découler de l'exercice du droit de propriété et finalement l'existence de troubles anormaux.
Faisant référence au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Ciment st-Laurent c. Barrette, le tribunal citera les propos suivants de cette décision :
«Malgré son caractère apparemment absolu, le droit de propriété comporte néanmoins des limites. Par exemple, l'article 976, C.c.Q. établi une autre limite au droit de propriété lorsqu'il dispose que le propriétaire d'un fonds ne peut imposer à ses voisins de supporter des inconvénients anormaux ou excessifs. Cette limite encadre le résultat de l'acte accompli par le propriétaire plutôt que son comportement. Le droit civil québécois permet donc de reconnaître, en matière de troubles de voisinage, un régime de responsabilité sans faute fondé sur l'article 976 C.c.Q., et ce, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la notion d'abus de droit ou au régime général de responsabilité civile. La reconnaissance de cette forme de responsabilité établit un juste équilibre entre les droits des propriétaires ou occupants de fonds voisins.
(Le surligné est de nous)
C'est ainsi que la juge Tessier passe en revue chacune des trois conditions qu'elle a énumérées. Elle conclut que les parties sont voisins et que le feu est relié au droit de propriété, mais qu'en est-il de l'inconvénient anormal?
Se référant cette fois-ci à la Cour d'appel, la juge retient que cette dernière établit deux critères à l'inconvénient anormal :
«La gravité et la récurrence. Pour la récurrence, la juge cite à nouveau la Cour d'appel dans l'arrêt Katz où des propriétaires ont vu leur responsabilité retenue pour avoir engagé «un entrepreneur en excavation qui a occasionné des dommages aux terrains voisins sans au préalable avoir pris les dispositions nécessaires pour éviter l'effondrement d'une résidence. Relativement à la gravité, la juge réfère toujours à une décision de la Cour d'appel pour convenir que le trouble doit être «insupportable.»
C'est ainsi qu'après avoir pris en considération le droit et la jurisprudence, la juge Tessier écrira :
«Le trouble de voisinage doit être issu d'un acte ou d'un geste, d'une omission de faire ou de prendre des mesures appropriées du propriétaire pour préserver, remédier, corriger ou atténuer le bruit, les odeurs, la poussière, la fumée, l'écoulement des eaux et l'effondrement du sol.»
Et conclura :
«Ainsi, à la lumière des critères élaborés par la jurisprudence, le recours en dommages pour troubles de voisinage n'est pas fondé. Aucun trouble n'est attribuable aux faits et gestes du défendeur.»
Pour la juge, il ne s'agit que d'un accident et j'ajouterais d'un cas fortuit qui n'entre pas dans le cadre de la responsabilité établie par l'article 976 C.c.Q.
Au plaisir.