Il vous est probablement déjà arrivé d'entendre la musique de vos voisins qui reçoivent des amis un samedi soir, ou de voir leurs enfants courir dans la rue tout en s'époumonant. Que ce soit à cause du bruit ou pour toute autre raison, vous devez vivre avec les désagréments causés par votre voisinage.
Ceux mentionnés précédemment, bien qu'ennuyeux, se produisent régulièrement. C'est donc pourquoi l'article 976 du Code civil du Québec (C.c.Q.) régit les rapports entre voisins en précisant que « les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent ». À l'inverse, cela signifie que les voisins n'ont pas à supporter les inconvénients qui ne sont pas normaux. Mais la question se pose, que pouvez-vous faire si vous subissez un désagrément qui dépasse le seuil de la normalité?
D'abord, ce qui est important de savoir, c'est que le terme « voisin » ne désigne pas seulement les voisins immédiats, il inclut également le voisinage plus éloigné. À titre d'exemple, le Tribunal a déjà tranché à l'effet qu'une personne résidant à 1,5 kilomètre pouvait également être considérée comme une voisine . Ensuite, l'inconvénient ne doit pas être normal. C'est le juge qui a la discrétion de déterminer si l'inconvénient est normal ou non. Pour ce faire, il va fonder sa décision sur le critère de la raisonnabilité qui consiste à se demander ce qu'une personne raisonnable trouverait normal ou anormal dans les mêmes circonstances. Puis, il regardera également la récurrence et la gravité du trouble. Il faut donc que l'inconvénient soit continu ou répétitif, réel et sérieux pour pouvoir constituer un trouble anormal. Ainsi, la Cour a décidé que le bruit causé par de jeunes enfants n'est pas considéré comme un trouble de voisinage, car il ne s'agit pas d'un inconvénient qui soit inusité .
Alors, si vous subissez un réel trouble causé par l'un de vos voisins et que vous souhaitez entreprendre des démarches pour que votre voisin cesse de vous importuner, il est beaucoup plus avantageux, dans un premier temps, de lui expliquer la situation et d'essayer d'arriver à une entente avec lui. Dans l'éventualité où votre voisin ne voudrait pas entendre raison, une mise en demeure pourrait aider à lui démontrer le sérieux de la situation et lui faire reconsidérer la possibilité de faire un compromis.
Subséquemment, si votre voisin ne change toujours pas d'avis, alors il vous sera possible de vous adresser au tribunal pour que le problème se règle. Ainsi, la Cour pourra vous indemniser pour le trouble que vous subissez, ordonner que le trouble cesse, ou encore obliger votre voisin à poser un geste afin que vous ne subissiez plus un tel inconvénient. Par exemple, dans une cause où les habitants résidant près d'une piste de course se plaignaient du bruit, la Cour a précisé que les tribunaux avaient notamment le pouvoir de restreindre les heures d'ouverture du circuit et même de prohiber totalement les activités si le bruit était vraiment intolérable pour les voisins .
D'ailleurs, un arrêt important de la Cour suprême est venu ajouter une précision importante; celle de ne pas avoir à prouver l'existence d'une faute de la part de votre voisin. Ainsi, vous n'avez pas besoin de prouver le comportement fautif de votre voisin, seulement que vous subissez un préjudice. Cette précision facilite grandement le succès du recours puisque le tribunal prendra en considération le résultat nuisible, plutôt que le comportement du voisin. Par exemple, le bruit excessif causé par une thermopompe peut constituer un trouble de voisinage, même si le propriétaire ne commet aucune faute .
En résumé, l'article 976 C.c.Q. vise à préserver les droits de chacun et à maintenir des relations acceptables entre voisins. Dans cette optique, il vous est possible d'intenter un recours pour troubles de voisinage en vertu de cet article si vous subissez un inconvénient anormal, idéalement après avoir déjà discuté du problème avec votre voisin. Pour réussir votre recours, votre devrez notamment prouver que vous subissez bel et bien un préjudice qui découle d'un inconvénient et que celui-ci n'est pas normal.
Karine Bourassa, avocate
Laurianne Caron, étudiante en droit
Fontaine Panneton Harrisson Bourassa & Associés
Homans c. Gestion Paroi inc. 2016 QCCA 1384.
Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, 2008 CSC 64.
Daigle c. Caron, 2006 QCCS 2605.