Vous habitez dans un secteur boisé, les arbres y sont majestueux et vieillissants. Vous voyez à leur entretien, malheureusement ce n'est pas le cas de votre voisin qui ne fait rien les concernant.
C'est ainsi que certains arbres situés chez votre voisin deviennent plus envahissants, des branches s'avancent sur votre terrain, nuisent à votre circulation, font ombrage à la toiture de votre garage, causent des dommages à vos biens suite à la chute des branches, des feuilles, des fruits et de la sève, l'un est mort et menace de tomber.
Vous avez fait parvenir une mise en demeure à ce voisin négligent, il fait couper l'arbre mort, mais omet d'effectuer l'entretien requis. Outre le fait qu'il refuse l'élagage des arbres, il devient de plus en plus harcelant à votre égard.
Vous demandez alors à un arboriste de faire le constat de la situation. Ce dernier confectionne un rapport avec des recommandations que vous faites parvenir avec une mise en demeure à votre voisin, exigeant qu'il se conforme aux conclusions, dont l'élagage et la coupe de certains arbres. Votre voisin exécute en partie les recommandations en coupant certaines branches.
Non satisfait des travaux exécutés par votre voisin, vous demandez un nouveau rapport à l'arboriste qui vous confirme que seul le tiers des travaux suggérés ont été effectués. Vous transmettez donc ce nouveau rapport à votre voisin avec une réclamation de 20 000 $ à titre de dommages et intérêts.
À bout de force, vous décidez d'entreprendre des procédures judiciaires, quelles sont vos chances?
Récemment, dans une décision rendue le 2 mars 2018 , le Tribunal a eu à se pencher sur un dossier dont les faits sont similaires à ceux relatés. Dans ce jugement, la juge relate tout d'abord le droit applicable, elle rappelle que toute personne doit agir de bonne foi, qu'aucune personne ne peut agir en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive ou déraisonnable, que les voisins doivent accepter des « inconvénients normaux » sans excéder les limites de la tolérance.
Elle souligne également que le Code civil prévoit qu'un propriétaire peut demander à son voisin de couper les branches d'un arbre qui s'avancent chez lui ou qui lui nuisent (art. 976 C.c.Q.).
Elle conclut en évoquant le fait que toute personne doit se comporter de façon à ne pas nuire ou causer de préjudice à autrui et si tel est le cas, cette personne doit réparer le préjudice causé (art. 1457 C.c.Q.).
À l'examen de la preuve soumise et particulièrement du rapport de l'arboriste, la juge retient :
- Ombrage continu et humidité prolongée sur le versant sud-ouest de la toiture;
- Dégradation accélérée des bordeaux;
- Frottement répétitif au même endroit et soulèvement de bordeaux, etc.
Plus loin la juge écrira :
« ... La présence des branches, feuilles, fruits et sève causent certains dommages et une dégradation prématurée des bardeaux de la toiture, des joints du pavé uni et de l'asphalte du stationnement. »
C'est ainsi que la juge reconnait la responsabilité de cette voisine négligente et l'oblige à élaguer les arbres maintenant et pour le futur, tous les deux ans.
Relativement aux dommages réclamés, la juge diminue ceux concernant la voiture, car elle considère que le demandeur aurait dû les minimiser en stationnant le véhicule ailleurs ou en utilisant une toile pour le protéger.
Le Tribunal accorde également, 5 000 $ à chacun des demandeurs pour le préjudice causé par les gestes et propos de la défenderesse.
En conclusion, il faut retenir qu'en qualité de propriétaire d'un terrain, vous êtes responsable des arbres qui s'y trouvent et de leur entretien; à défaut de le faire, un juge peut vous forcer à agir.
Au plaisir
Me Michel Joncas, avocat
Fontaine Panneton Joncas Bourassa & Associés
1. Dumont c. Dubois, 2018 CanLII 840, (QCCS)