Lorsque l'on
met en vente sa maison, bien souvent on déclare certaines choses capitales tel
que les infiltrations d'eau passées, les dernières rénovations faites avec la
date, celles à venir ainsi que la non-conformité à la réglementation
municipale. L'inspection pré achat aide aussi à en connaître un peu plus sur la maison.
Mais certaines
choses ne se découvrent pas par une visite de maison ni par une inspection pré
achat. Qu'en est-il de l'obligation de dévoiler une mort violente que ce soit
le fruit d'un suicide, de violence conjugale ou encore d'un vol qui a mal
tourné ?
Le Code civil
du Québec est muet à cet égard. Cependant, l'Organisme d'autorégulation des
courtiers immobiliers du Québec (OACIQ) en a fait une divulgation obligatoire
dans sa déclaration du vendeur (clause D13.8) depuis l'été 2012. L'OACIQ
justifie sa position en arguant que le
courtier doit dévoiler tout facteur pouvant diminuer la valeur de la propriété.
La question se
lit précisément comme suit : « À votre connaissance, y a-t-il déjà eu un
suicide ou une mort violente dans l'immeuble ? ». Donc, il s'agit de déclarer
ce que l'on connaît même si l'on n'habitait pas les lieux au moment du drame.
Bien entendu, il est impossible de déclarer ce que l'on ne connaît pas.
La Cour
Supérieure a confirmé cette position dans l'affaire Fortin c. Mercier 2013
CANLII 5890 (QC CS). Dans cette cause,
le défendeur a acquis une maison d'une succession dans le but de la rénover et de la mettre en vente par un
courtier. Ce dernier apprend que les anciens propriétaires se sont tous deux
suicidés par pacte de suicide dans la résidence en vertu du rapport du coroner
et demande à Mercier de le déclarer dans le formulaire « Déclaration du vendeur
» qui est remis aux acheteurs. Pour donner suite au refus de Mercier, le
contrat de courtage prend fin.
Ayant été
incapable de vendre l'immeuble via un courtier, le vendeur se tourne vers Du
Proprio où il omet sciemment cette information. Un couple de jeunes acheteurs
font l'acquisition de cette maison et finalement apprend le drame qui a frappé
les anciens propriétaires par le biais de leur nouveau voisin et refuse
d'habiter la nouvelle propriété. Ils entreprennent un recours contre le vendeur
afin de faire annuler la vente. La Cour se prononce en faveur de l'annulation
de la vente et réitère que cette obligation déontologique créée par l'OACIQ de
dévoiler toute mort violente ou tout suicide est pertinente. Le Tribunal confirme aussi qu'un tel
évènement est de nature à influencer
une transaction immobilière.
Ce jugement a
été suivi en 2019 dans l'affaire Abalain c.
Cohier-Couture 2019 CANLII 4988
(QCCQ) où cette fois le vendeur avait déclaré une mort par suicide qui s'était
produite avant même son acquisition dans le cabanon à l'arrière de la maison.
La demanderesse acquiert donc la maison en 2015 et apprend au printemps 2016
par le voisin que le suicide s'était produit dans la chambre principale, ce qui
a été confirmé par le rapport du coroner. La demanderesse a tenté de mettre la maison en vente et n'a pas
trouvé preneur et réclame aujourd'hui des dommages-intérêts pour la baisse de
valeur de sa maison qu'elle attribue au fait qu'elle doit déclarer ce décès
dans la chambre à coucher des maîtres. La Cour a retenu la position de la
demanderesse à savoir que la défenderesse a faussement affirmé que le suicide a
eu lieu dans le cabanon condamne la défenderesse à payer la dépréciation de
l'immeuble suivant la fausse déclaration inscrite à la déclaration du vendeur.
Un vendeur averti en vaut deux !
Me Karine Jobin, avocate
Monty Sylvestre, conseillers
juridiques inc.