« Ça
me stresse, les examens du Ministère! »
« Ouin,
ben au moins, y a pas de dissertation! Pis t'as des choix de réponses, tu peux
toujours y aller par élimination! »
C'était
en 1978. Secondaire 5. Le stress des derniers examens du secondaire.
Moi,
pourtant, les dissertations, j'aimais ça! Évidemment, je n'en parlais pas trop,
ce n'était pas le genre de choses dont on se vantait. D'ailleurs, au niveau
collégial, j'ai même marchandé mes services de rédaction à des amis. Je ne
vantais pas de ça non plus!
J'entends
encore le professeur nous dire : « Dans un texte d'une page, donnez
votre point de vue sur tel sujet, en expliquant ce qui motive ce point de vue.
L'opinion vous appartient, je vais m'attarder à vos arguments. Et à la qualité
du français, évidemment. »
Un
exercice pourtant essentiel
Tout
joue contre les dissertations de nos jours. En fait, tout joue contre les
réflexions qu'on s'oblige à faire par rapport à un sujet.
Les
médias sociaux exigent que notre pensée tienne en quelques mots seulement.
Twitter fonctionne comme ça. Et je sais que, sur les statuts de Facebook,
plusieurs ne veulent pas cliquer sur la mention « lire
la suite ». « Pas
le temps pour ça! »
On cherche
donc la phrase-choc. Celle qui vargera bien plus qu'elle énoncera. Une phrase
courte et percutante. Une phrase bang!
Il y a
aussi le fait qu'on semble apprécier le fait que les médias sociaux pensent à
notre place. On peut s'exprimer à coup de « j'aime »
ou « j'adore »
et on peut facilement se désabonner de celle ou celui qui nous propose des idées
contraires aux nôtres.
On ne
garde ainsi que les éléments qui font notre affaire.
Et c'est
très bien ainsi : Facebook et Instagram sont des médias sociaux. Je peux
bien choisir de socialiser avec qui je veux, non? Ben oui!
Mais si
mon média social est la principale source de mon information et que je choisis de
me limiter à celles et ceux qui pensent comme moi, tout ça appuyé par l'aide
des algorithmes, voilà que je ne suis informé que par un point de vue.
Les
phrases passe-partout
Le hic,
c'est qu'on finit par se retrouver en situation où on a à répondre à des
questions.
« Tu
es contre ça, toi? Mais pourquoi? »
La
question est toute simple. Mais tellement embêtante en même temps! Je me suis
fait répondre, un bon jour : « va voir mon Facebook, tu vas tout
comprendre! »
À ce
moment précis, je rêvais d'être un professeur qui aurait pu répondre : « à
l'intérieur d'une page, explique-moi ce qui te motive, sans avoir recours à
Google ou aux médias sociaux ».
Mais ça
ne se fait pas.
C'est là
que les phrases passe-partout deviennent une bouée intéressante. Du genre :
« C'est contre mes valeurs! »
Ah! Bon.
Rarement,
on va plus loin. C'est une phrase qui ferme la porte aux discussions : « ce
sont mes valeurs. Les valeurs, c'est profond. J'ai le droit à mes valeurs.
Faque, on n'en parle plus. C'est tout. »
« J'ai
droit à mon opinion » est une autre phrase
passe-partout. En cas d'urgence, on peut l'appuyer ainsi : « j'exige
qu'on respecte mon opinion ».
Le
test du texte
Depuis
2006, j'ai dû signer près de 800 chroniques. Vous dire le nombre de fois
que j'ai modifié un point de vue initial en alignant des mots pour l'expliquer,
c'est fou! C'est la grande vertu de cet exercice qu'on peut toutes et tous
faire, en jetant la feuille ensuite si on le veut. Au moins, ça aide à trier
les idées.
Je
m'inquiète beaucoup de cette tendance à ramener notre idée à une phrase-choc,
ou pire, à essayer de faire entrer nos arguments dans une série d'émoticônes.
Les
enjeux devant nous méritent notre réflexion. Pas juste nos impulsions.
Clin
d'œil
Je
décide que la vertu est une valeur. Et comme « on
ne peut être contre la vertu », ben voilà, j'ai un pouvoir de
superhéros!