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Stéphanie Grenier et le théâtre social


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Geneviève Kiliko Par Geneviève Kiliko
Mercredi le 27 janvier 2016

Travailleuse sociale de profession, Stéphanie Grenier a mis sur pied un projet de théâtre social il y a de cela 9 ans. Elle y faisait alors son stage à l'organisme Le Tremplin 16-30 de Sherbrooke. Au départ, cette idée visait à réinsérer socialement les jeunes des appartements supervisés situés dans l'établissement de l'organisme. De fil en aiguille, cette initiative collective, menée de front par Stéphanie Grenier, s'est étendue à la population générale pour devenir la Troupe de théâtre « Artifice ». « Artifice » comme un feu, qui part d'un point et qui va dans tous les sens, en donnant un résultat éclatant et imprévisible. Chaque lundi, de 18 h 30 à 20 h 30, du mois de septembre au mois de mars, c'est un groupe de passionnés des arts de la scène qui se réunit pour différentes raisons. La principale étant d'unir leurs solitudes, pour partager un agréable moment en compagnie de quiconque désire participer à un projet collectif qui se détache de la performance, et qui prône davantage le processus social et la solidarité. Au cours de la semaine de relâche, soit les 3 et 4 mars prochain, la Troupe Artifice présentera sa pièce de théâtre « Dur à avaler », qui traitera de la politique et des traitements médicaux. Elle sera présentée au théâtre St-Leonard du Séminaire de Sherbrooke à 19 h 30. L'entrée est à base de dons volontaires.

La naissance du projet de théâtre social au Tremplin

Lors de son stage au Tremplin, lorsqu'elle effectuait sa maîtrise en service social, Stéphanie voulait rendre son expérience avec les jeunes plus collective. Elle a soudainement eu l'idée d'utiliser l'art de la scène pour regrouper les jeunes. « Ayant un intérêt pour le théâtre, sans avoir d'expérience de metteur en scène, j'ai décidé de relever ce défi, en sachant très bien que les objectifs du théâtre social sont vraiment différents. On se doit d'être beaucoup plus nuancé et il faut une grande capacité d'adaptation, car les choses changent souvent. »

Suite à ce stage, elle a poursuivi son projet, mais dans une perspective plus large : atteindre la population générale. Des accompagnateurs la suivent depuis plusieurs années, et donnent de leur temps bénévolement dans cette troupe tout comme Stéphanie; notons, entre autres, Maxime Michaud (travailleur social), et Mélanie Brière (psychosociologue). Tout le monde est sur le même pied d'égalité, les accompagnateurs et les membres participent activement aux ateliers. « Nous, les cinq intervenants bénévoles, sommes seulement présents pour accompagner la structure. Le contenu est le produit de tous les membres qui s'impliquent activement dans le projet. » mentionne Mélanie Brière.

Depuis les quatre dernières années, les membres écrivent maintenant les pièces de théâtre, ce qui crée une épreuve supplémentaire. « Au début, on prenait des pièces déjà écrites, mais graduellement, les membres ont voulu écrire les scénarios du début à la fin. Cette année, ils sont 6 écrivains. » confie Madame Grenier.

Le théâtre social : au service de l'expressivité!

Certains « membres », comme on les appelle, c'est-à-dire les comédiens de la troupe, s'investissent dans ce projet collectif depuis plusieurs années. Stéphanie Grenier remarque une différence notable chez certaines personnes qui étaient plus recroquevillées sur eux-mêmes au début du processus. « Il y a une différence dans l'expression des idées, dans l'affirmation de soi et tout cela a des répercussions positives chez les membres. », dit-elle. Pour Patrick Côté-Claisse, membre actif depuis plusieurs années, il est venu dans la troupe pour éviter l'isolement. « Ça m'a beaucoup aidé lorsque j'étais dans un épisode dépressif. Ce projet a installé une structure dans ma vie. On se joint à la troupe pour toutes sortes de raisons. Certains se trouvent talentueux sur scène et souhaitent mettre leurs talents à profit. Pour ma part, je me trouve particulièrement drôle, mais personne ne rit. » mentionne Patrick en ricanant de bon cœur. Sa copine Tammy, qu'il a rencontrée dans cette troupe de théâtre, a intégré ce groupe pour une autre raison. « Je suis venue dans cette troupe pour explorer mes cinq sens, pour rencontrer des personnes, et pour me défouler. », dit-elle.

Le bénévolat : l'âme d'une société

Pour Stéphanie Grenier, le bénévolat est une activité importante dans sa vie quotidienne. Elle s'implique au niveau de l'itinérance depuis déjà plusieurs années. Chaque année, elle contribue au dîner de Noël qui se déroule à La Chaudronnée, afin de créer des liens entre les personnes. « Je me préoccupe beaucoup de l'alimentation des gens. Je suis sur le conseil d'administration de la Chaudronnée ainsi que sur le comité organisateur du Tremplin. J'aime m'impliquer dans les ressources communautaires qui aident à la marginalité et à la sécurité sociale. Et puis l'art a tout son sens, dans la mesure où c'est un médium qui fait du bien. On fait une pause sur le "mal", et nous créons. Je pense qu'on en a besoin, il faut aller vers ça... »

« Le bénévolat, c'est un ancrage pour moi et c'est vital. Ça aide beaucoup au niveau de l'isolement. Juste le fait d'être attentif à l'autre, ça fait une différence. Si tout le monde faisait un peu de bénévolat, une panoplie de projets sociaux pourrait perdurer dans le temps. » poursuit-elle.

Du travail de rue à l'Université de Sherbrooke

Stéphanie enseigne comme chargé de cours à l'université de Sherbrooke en service social. Elle épaule les stagiaires qui sont présentement en stage dans leur parcours académique. Elle aimerait bien amener des gens qui vivent des situations difficiles (marginalité, pauvreté, etc.) à l'université, afin que ces derniers puissent enrichir les cours en livrant leurs témoignages. « À la place de parler des gens qui vivent des situations difficiles dans notre société (par exemple, dans les cours magistraux à l'université), cela aurait davantage de sens qu'ils puissent venir en parler de vive voix devant les étudiants. Je peux bien parler de santé mentale et de pauvreté, mais qui est plus crédible entre moi et celui ou celle qui a vécu cette expérience au cours de sa vie? », dit-elle.

« Dur à avaler », présenté au Théâtre St-Léonard le 3 et 4 mars à 19 h 30

Après plusieurs mois de travail, la Troupe de théâtre Artifice sera enfin prête à recevoir les spectateurs pour leur pièce écrite et jouée entièrement par les membres de la troupe. « Dur à avaler » traite de politique et des traitements médicaux. Tous les membres y ont mis temps et plaisir. Ils sont fiers du résultat même si ce dernier n'est pas une fin en soi. « Le théâtre est un prétexte pour favoriser l'expression collective et l'expression corporelle. Même l'écriture de la pièce en tant que telle est un processus qui encourage l'apprentissage de la démocratie. », affirme Maxime Michaud.

La Troupe Artifice : presque 10 ans déjà!

Stéphanie Grenier fêtera l'année prochaine les 10 ans de ce projet collectif, et compte bien le faire connaître davantage aux gens de la population. Elle s'investit, corps et âme, dans cette troupe et croit au théâtre comme un moteur de changement profond dans la vie des gens. « Stéphanie est le cœur et l'âme de ce projet, si ce n'était pas d'elle, personne ne pourrait arriver à ça. Elle est toujours positive; elle sait transformer n'importe quelle circonstance et en faire quelque chose de bien. Pour ma part, plus les années passent, plus le projet me tient à cœur comme Stéphanie... », dit Patrick Côté-Claisse.


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