Le syndicat des copropriétaires d'un immeuble décide de rehausser son immeuble d'une quinzaine de pieds. Ce rehaussement a comme conséquence de faire en sorte que plus de neige s'accumule sur le toit de l'immeuble voisin, excédant ainsi la capacité portante dudit toit.
Les propriétaires voisins font faire une expertise qui conclut qu'effectivement leur toit reçoit plus de neige et que ce dernier doit être remplacé. Il en coûtera 160 195,00 $ pour ce faire.
Suite à cette réclamation, le syndicat s'adresse à son assureur pour que ce dernier prenne fait et cause pour lui. L'assureur refuse prétextant que les dommages réclamés ne sont pas des «dommages matériels découlant d'un sinistre et couverts» par la police d'assurance. En effet, l'assureur affirme que l'immeuble n'a jamais été endommagé, que les travaux effectués ne constituent qu'une mise aux normes du bâtiment. Le tribunal qui a instruit le dossier n'a pas retenu cet argument , puisqu'avant le rehaussement et les travaux, l'immeuble supportait la neige.
Pour le juge, «Les dommages sont uniquement les coûts des travaux nécessaires pour prévenir une perte» (par. 23), mais sont-ils couverts par la police d'assurance?
Dans son jugement, le juge cite plusieurs dispositions de la police et fait état également des exclusions, dont celle-ci :
«2. Exclusions : sont exclus de la garantie.
J. Biens défectueux ou bien n'ayant pas subi aucun dommage.
Le "dommage matériel" d'un bien défectueux ou d'un bien n'ayant subi aucun dommage, causé par ...
(1) Un défaut, une lacune, une insuffisance ou un danger dans "votre produit" ou vos "travaux".
(2) Un retard ou un manquement par vous ou par une personne agissant pour votre compte dans l'exécution d'un contrat conformément à ses modalités.»
Pour le juge, «cette exclusion ne s'applique qu'en regard des dommages causés par des défauts, lacunes ou dangers contenus dans «vos produits» ou «vos travaux» (par. 41), ce qui n'est pas le cas dans le dossier sous étude.
Donnant une interprétation large au contrat d'assurance, il considère que cette exclusion fait en sorte que l'assureur couvre «... les dommages matériels de biens qui n'ont subi aucun dommage.» (par. 45).
C'est ainsi que le tribunal obligera entre autres l'assureur à prendre fait et cause pour son assuré, à prendre en charge les frais liés à la défense et à rembourser les honoraires et déboursés de ses avocats.
S'agissant d'une décision interlocutoire, c'est-à-dire qui n'est pas finale, l'assureur a demandé à la Cour d'appel, la permission d'en appeler de cette décision.
En appel , le juge a motivé comme suit sa décision :
«...Je retiens uniquement des procédures que le toit existant aurait perdu son usage utile en raison des actions de l'assuré. Cela n'est pas une catégorie d'action ou de dommage clairement exclue par la police (par. 7)»
L'assureur a tenté sa chance devant la Cour suprême du Canada qui a décidé de ne pas entendre le dossier
Que faut-il retenir de ce jugement?
Tout d'abord, chaque contrat et chacune des situations est unique. Une lecture attentive d'un contrat d'assurance s'impose au regard de chacun des événements qu'un assuré peut rencontrer. Le Code civil du Québec impose un cadre légal aux assureurs et les tribunaux interprètent largement les clauses des contrats, mais vous devez être vigilant quand vous vous assurez et ne pas hésiter à poser des questions à votre assureur ou votre courtier.
Au plaisir.
Michel Joncas, avocat