Vous recevez en
héritage une somme substantielle d'un parent ou d'un ami.
Dans son testament,
le décédé vous a donné ce montant sous condition d'insaisissabilité à titre
d'aliments, il est en effet écrit dans le testament notarié :
«Tous les biens présentement
légués, ainsi que ceux acquis en remploi et les fruits et revenus en provenant,
sont légués à titre d'aliments et seront insaisissables pour quelques dettes
que ce soit de mon légataire, à moins qu'il ne consente à le rendre saisissable
en tout ou en partie.»
Quelques semaines
plus tard, le malheur vous frappe, vous avez cautionné un ami pour une somme
importante, votre ami est devenu insolvable, l'institution financière vous
poursuit et réclame l'héritage reçu et plus encore, vous songez à faire
faillite à votre tour.
La clause du testament vous permet-elle de conserver
le legs reçu malgré que vous fassiez faillite ou cession de vos biens?
Malheureusement non
puisque pour rendre un legs insaisissable, il faut remplir trois conditions.
La première, la
stipulation d'insaisissabilité doit être faite
dans un acte à titre gratuit tel un testament, une donation, dans notre
exemple cette condition est respectée.
La seconde
condition, c'est que l'insaisissabilité soit temporaire et justifiée par un
intérêt sérieux et légitime. Malheureusement, cette seconde condition n'a pas
été respectée dans l'exemple donné.
En effet, la clause en
question ne fait pas état du caractère temporaire de celle-ci, ni de sa
justification pour un intérêt sérieux et légitime.
C'est donc dire
qu'il faut un délai pour la durée de la clause, à titre d'exemple 10 ans, 15
ans, etc.
La
stipulation doit être justifiée par un intérêt sérieux et légitime. Cette
condition va au-delà du simple souhait d'avantager son héritier. Par exemple,
le testateur qui désire conserver un immeuble dans la famille a déjà été
considéré comme sérieux et légitime par la Cour (Deneault -vs- Deneault 1977 [R.D.I.] C.S.).
Ce désir
de vouloir conserver un immeuble accompagné par une clause d'inaliénabilité
(i.e. une interdiction de vendre) et d'une substitution (i.e. le transfert
après un certain temps à une autre personne) ajoute au caractère sérieux et
légitime. C'est ainsi que la clause d'insaisissabilité vous laissant un
immeuble pour vingt (20) ans par exemple, avec l'obligation de le rendre après
ce temps à vos enfants, pourrait être
reconnue (Québec (Fédération des producteurs
acéricoles) c. Doyon, 2005 CanLII 46218 (QC CS).
Finalement,
que ce soit l'insaisissabilité, l'inaliénabilité et la substitution, tous ces
actes juridiques qui contiennent ce genre de clause, doivent être publiés dans
les registres appropriés et ce, dans les meilleurs délais après l'ouverture
d'une succession par exemple, afin d'éviter qu'une publication tardive ne soit
considérée comme étant effectuée en fraude des droits de vos créanciers.
En conclusion, vous
devez être attentif quand vient le temps de léguer ou de donner vos biens, le
simple fait d'écrire que le bien donné ou légué est insaisissable n'est pas suffisant,
vous devez obligatoirement rencontrer les conditions établies par la loi.
Au plaisir!