Les eaux sont troubles autour de moi.
Dans mon environnement social, j'entends.
La colère monte. On est tannés. Personnellement et
collectivement. Trois fois, cette semaine, j'ai entendu cet argument qui n'en
n'est pas un « je sais qu'il faut être empathique envers les gens qui
travaillent dans le système de santé, mais là, ça fait! »
Je dis que ce n'est pas un argument parce que ce
n'est pas pour être empathiques envers ces gens qu'on maintient des règles plus
strictes (même si ces gens le méritent amplement!). C'est pour permettre au
système de santé lui-même de ne pas s'écrouler complètement.
Notre système était sur respirateur artificiel bien avant
la Covid-19, avouons-le.
Et pourtant, pourtant, pourtant!
Depuis la fin des années 1990, la priorité annoncée
des citoyens et des partis souhaitant se faire élire gravite autour de la
santé.
En fait, soyons plus précis : les priorités
étaient l'économie et la santé. La première étant souvent l'ennemie de la
deuxième. Au fond, collectivement, on s'en foutait un peu. Quand on a la chance
de ne pas avoir besoin de soins de santé, on trouve que le système coûte trop
cher. On entend les problèmes, mais on y va avec la réponse facile : « oui,
je sais bien, mais là, on n'a pas les moyens pis le personnel hospitalier,
franchement, en veut toujours plus! »
Rapportons-nous à la fin des années 1990 et
imaginons la préparation des campagnes électorales des 30 années
suivantes :
-
Monsieur le candidat au titre de Premier
ministre, annoncez que l'économie et la santé sont vos deux priorités. Ça
devrait marcher!
-
Ah! Bon, merci de votre précieuse
expertise, Monsieur le spécialiste en stratégies et communications. On y va de
même!
Et ça a marché. On a brassé les structures, M.
Charest a fait de la santé une priorité prioritaire. On a fini par tout
centraliser, bousculant et rebousculant tout au passage. Tout, même les
patients et les soins.
Puis, vient la Covid et la gestion déficiente des
CHSLD
-
Monsieur le Premier ministre, affirmez
que vous êtes stupéfait et que vous n'acceptez pas ce qui se passe. Que vous
allez régler ça!
-
Que
proposez-vous, Monsieur le spécialiste en stratégies et communications ?
-
Créez une commission d'enquête!
-
C'est bon, ça!
-
Ensuite, recevez les recommandations
avec empathie et chaleur.
-
Et après?
-
Après, il va arriver quelque chose
d'autre pour détourner l'attention, croyez-moi. Rappelez-vous que la mémoire
collective n'existe à peu près plus.
Fin de la caricature. À vous de la trouver
pertinente ou non. Mais dites-vous bien
que j'aurais pu l'écrire pour tous les gouvernements des 20 ou 30 dernières
années.
Dans La Presse, Paul Journet écrivait, à propos des
commissions d'enquête et autres : « Prenez les gens qui demandent une
nouvelle commission quelconque sur la santé, puis enfermez-les dans une pièce
et forcez-les à lire tous les rapports déjà déposés, jusqu'à ce que presbytie
s'ensuive. À leur sortie, si cela arrive, demandez-leur ce qu'ils veulent
savoir de plus. »
Finalement, ma caricature n'était pas
terminée...
J'ajoute un bout de dialogue :
-
Oui, mais, Monsieur le spécialiste en stratégies
et communications, la coroner risque de frapper fort avec ses recommandations,
non?
-
Oui, Monsieur le premier ministre. Mais
regardez bien comment ça va se passer : les médias électroniques exigeront
une analyse complète du rapport de 300 pages à peine 1 heure après sa sortie. Ça
va exclure les analyses, croyez-moi! Ne restera que la presse écrite. Et vous
savez quoi? Les longs textes n'ont pas la cote pour la majorité. Je ne craindrais
rien à ce niveau.
Fin de la caricature.
Comprenez-moi bien. Ce n'est pas une charge contre
l'actuel gouvernement. Pas du tout. Ce serait simpliste.
C'est une cloche que je sonne, à ma petite manière.
Parce que si le problème est collectif, il demandera une solution collective.
Quoi faire, alors?
Il faut changer notre relation avec les élections et
la politique. Plutôt que d'ignorer le processus parce qu'on le trouve inutile;
plutôt que de se fier à la seule allure du ou de la candidate au poste de PM;
plutôt que de n'écouter que la sempiternelle cassette qui ne manquera pas de
répéter le même message prémâché par Monsieur le spécialiste en stratégies et
communications; plutôt que tout ça, il faut s'arrêter un moment et questionner
les actions plutôt que les promesses.
Et questionner. Et lire les programmes de chaque
parti. Et questionner encore.
C'est lourd?
Je sais.
Mais si on mettait autant de temps à s'occuper des
élections (1 fois chaque 4 ans!) qu'on en met à lire sur Google tous les avis
concernant telle bébelle qu'on rêve d'acquérir, on changerait la dynamique des
choses.
Et ça adonne bien : tantôt, à l'automne, on ira
voter!
Clin d'œil de la semaine
J'écoute Anne Casabonne et je me dis qu'elle est
plus crédible quand elle livre le texte des autres...