Il n'y a pas quoi être fier de ce que nous sommes parfois. Au-delà des discours de bonnes intentions et des rappels évoqués sur l'importance d'un certain decorum en certains lieux et certaines circonstances, les commentaires émis dans l'espace public dans ce que l'on peut appeler les affaires Catherine Dorion ne sont pas autre chose que l'expression d'une forme larvée de sexisme pour une bonne part. C'est aussi la manifestation d'une certaine candeur qui fait en sorte que l'on se laisse prendre au jeu de la provocation recherchée pour attirer l'attention des médias et par voie de conséquence du public.
Néanmoins, dans la foulée de ces commentaires, j'ai porté attention aux propos de la députée de Sherbrooke de Québec solidaire, madame Christine Labrie quant à sa dénonciation de l'intimidation sous toutes ses formes à l'Assemblée nationale du Québec. Si l'on se donne la peine de lier la déclaration de madame Labrie à celle de la ministre de l'Environnement libérale Catherine McKenna, on touche peut-être un pan sensible de notre réalité qui se caractérise par le caractère systémique d'une forme de discrimination latente envers les femmes dans l'espace public. Tentons de comprendre, si vous le voulez bien, les tenants et les aboutissants de cette incivilité ambiante et du mépris affiché ouvertement envers les femmes œuvrant dans l'espace public. Plongée dans les non-dits.
Madame Catherine Dorion, députée de Taschereau
Il n'y a pas beaucoup à dire sur la députée de Taschereau, Catherine Dorion qui multiplie les gestes de provocation pour attirer l'attention des médias. Que ce soit par ses tenues vestimentaires, ses coups de gueule soigneusement mis en scène, la députée de Taschereau a un sens inné du marketing et de la formule politique. Elle sait bien se servir des médias sociaux pour se mettre en scène. Rien à redire sur l'expression de ses talents. Je n'ai pas non plus à juger si elle représente bien ou non la population du comté de Taschereau à l'Assemblée nationale. Je laisse au soin aux gens de Taschereau de porter ce jugement le jour venu.
Je suis de ceux qui croient que pour contrer la propension de cette députée à provoquer pour attirer l'attention, nous devons l'ignorer, ce qui à mon sens serait beaucoup plus efficace que de tomber dans le travers des débats que cherche à soulever madame Dorion. Les femmes ont parfaitement le droit de se vêtir comme bon leur semble. Elles peuvent dire ce qu'elles veulent. Madame Dorion aussi. La seule question qui me titille dans ces multiples provocations c'est à savoir le respect que madame Catherine Dorion peut ou non porter à l'institution qu'est l'Assemblée nationale et à la démocratie parlementaire.
La légitimité des institutions démocratiques
Il faudrait cependant que la députée de Taschereau nous le dise un jour si elle croit ou non que le vrai pouvoir est dans la rue ou dans nos institutions parlementaires. Le comportement de madame Dorion et ses déclarations peuvent laisser croire que le monde formel de la démocratie parlementaire est un monde autre que le sien, celui des riches et des puissants. Ce qui justifierait, si je comprends bien ce qu'elle tente de nous dire par ses comportements et ses déclarations.
À gauche du spectre politique où évolue madame Dorion, c'est un vieux débat que celui de participer ou non au processus démocratique de type parlementaire bourgeois. Jadis, quand je militais à gauche comme sympathisant trotskyste, j'avais eu de longs débats avec mes collègues militants sur cette question. Mon attachement aux institutions démocratiques et au processus parlementaire m'avait alors amené à rompre avec la gauche dans une mouvance où les atrocités des États dits communistes se multipliaient dans le monde d'alors comme les charniers du régime Polpot au Cambodge pour n'en citer qu'un exemple.
C'est un vieux débat que celui du rapport d'une élite bien-pensante à l'exercice du pouvoir dans une société démocratique. En France, Jean Jaurès, le fondateur du parti socialiste et du quotidien L'Humanité, avait clairement fait le choix de la démocratie parlementaire pour changer le monde en fonction des besoins de la classe ouvrière privilégiant le pouvoir des institutions sur celui de la rue. Mais ce débat est permanent. Je ne doute pas qu'il puisse encore faire rage parmi les militants et sympathisants de Québec solidaire aujourd'hui. Ce que je ne sais pas c'est si la députée de Taschereau agit au nom d'une position précise et articulée dans ce vieux débat ou si ce n'est qu'une curieuse coïncidence. Plus de lumière sur cette question permettrait de mieux comprendre.
Le sexisme envers les femmes en politique
Néanmoins, ce qui est plus important à mes yeux c'est le traitement différencié que l'on réserve aux femmes dans l'espace public et dans le monde politique. Je ne peux qu'être interpellé aux propos tenus par la députée de Sherbrooke de Québec solidaire, Christine Labrie, sur son constat d'un climat d'intimidation à l'Assemblée nationale. Comme le rapporte le site Web de Radio-Canada : « La porte-parole de Québec solidaire en matière de lutte contre l'intimidation dénonce l'ambiance malsaine qui règne au Parlement. Selon elle, des réactions de députés lors de débats, des insultes lancées hors micro, du bruit en Chambre lors de prises de parole, des interlocuteurs hués sont des formes d'intimidation que vivent régulièrement les députés. Ce que je ne trouve pas normal, c'est que quand quelqu'un énonce ses idées, on tente de toute part, et tous les partis font ça, de faire comprendre à la personne que son point de vue est inadéquat... Bien qu'elle reconnaisse que l'Assemblée nationale est un lieu de débats et que ceux-ci puissent être animés, Christine Labrie réclame la fin de cette culture parlementaire qui dure depuis longtemps. C'est tout à fait normal qu'on débatte [...] ce n'est pas une raison pour que ça dérape tous les jours, au point où les gens se manquent de respect ».
Si l'on croise cette déclaration de madame Labrie avec celles de sa collègue Marie-Chantale Chassé, de la Coalition avenir Québec, qui déplorait récemment le fait que les femmes devaient prendre plus de place dans les débats à L'Assemblée nationale, on doit reconnaître qu'il y a quelque chose qui devrait mener à une réflexion à l'égard de nos institutions et de nos comportements envers les femmes dans l'espace public. Le cri du cœur de la ministre libérale de l'Environnement du gouvernement Trudeau, Catherine McKenna dénonçant les propos haineux dont elle a fait l'objet doivent être aussi pris en compte tout comme les propos haineux contre les femmes journalistes et chroniqueuses sur les réseaux sociaux. C'est bien de clamer la main sur le cœur que dans nos valeurs toutes québécoises l'égalité entre les femmes et les hommes trônent en toute première place, mais ce serait mieux de reconnaître que nous vivons une époque où il existe envers les femmes une discrimination systémique et que trop souvent cela s'exprime dans l'espace public. Que nous en soyons conscients ou non, que l'on veuille l'ignorer ou pas pour se donner bonne conscience, il faut se dire et se redire que les femmes vivent encore aujourd'hui le temps de mépris et du sexisme éhonté...
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