En préparation de ma chronique, il m'arrive parfois d'être à la recherche de sujets d'intérêt pour alimenter mes propos. Depuis quelques jours, le sujet incontournable qui s'impose à tous les chroniqueurs et qui fait la manchette avec ses nombreux rebondissements est, sans contredit, la déchéance de deux personnalités publiques des suites d'allégations d'inconduites sexuelles formulées par plusieurs de leurs victimes.
En l'espace d'une semaine, messieurs Rozon et Salvail sont passés aux yeux de tous d'individus appréciés, voire adulés à des gens avec qui toutes relations d'affaires, relations sociales ou même d'amitiés ont été rompues. Ces révélations ont même eu un effet outre-mer puisque messieurs Rozon et Salvail avaient pu étendre leurs empires en Europe. Nous apprenions ce matin que la maison d'édition Lafond ne commercialiserait pas en France le livre des recettes pompettes de monsieur Salvail et que la diffusion de l'émission La France a un incroyable talent qui doit reprendre l'antenne ce jeudi pour une douzième saison le fera sans monsieur Rozon comme juge.
Toutes ces dénonciations obtenues des suites d'un travail d'enquête journalistique qui dure selon ce que l'on apprend depuis trois ans dans le cas de M. Salvail, n'auraient peut-être jamais été rendues publiques n'eût été de l'affaire Weinsten qui ébranle le milieu artistique américain depuis quelques semaines et qui a mené l'actrice Alyssa Milano à démarrer un mouvement de dénonciation par le mot-clic #moi aussi. Ce mouvement s'étend à plusieurs pays maintenant et d'autres têtes vont tomber sans doute.
Nous ne pouvons que nous réjouir du fait que des victimes dénoncent finalement leurs agresseurs. Il est grand temps que les mentalités changent et que les femmes ET les hommes qui sont victimes d'agressions sexuelles ou d'inconduites sexuelles n'aient plus de craintes à s'en plaindre.
Mais ce mouvement devrait apporter une réflexion plus approfondie sur ce qui cause ce type de comportement. À l'ère où la pornographie est accessible à tous par quelques clics sur un clavier d'ordinateurs (incluant tablette et téléphone intelligent), ne serait-il pas indispensable d'offrir à nos jeunes des cours d'éducation sexuelle obligatoires au cours desquels le respect de l'individu, la nature et la validité du consentement seraient enseignés au même titre que la contraception et les ITS ?
Cela n'empêcherait sans doute pas que d'autres personnes soient victimes de ces gestes inappropriés mais cela pourrait peut-être contribuer à en diminuer le nombre. Évidemment, la marche est haute. Qu'il ne suffise de penser que les Américains ont élu comme président un grossier personnage alors qu'ils l'avaient entendu dire des obscénités que je n'ose pas retranscrire ici.
Les allégations et ses conséquences
Ceci étant dit, il faut être vigilant. Des allégations d'agressions sexuelles ont des effets dévastateurs sur la personne visée et aussi bien sûr sur son entourage, sa famille, ses collègues de travail et ce, qu'elles soient vrais ou fausses.
Il y a une distinction importante à faire entre des allégations d'abus sexuels ou de gestes à caractère sexuel non souhaités que l'on dénonce publiquement et une plainte formelle d'agression sexuelle. Dans le cas de la première situation, la crédibilité de cette dénonciation ne sera pas soumise à l'appréciation d'un tribunal et quoiqu'elle puisse être faible, des séquelles majeures subsisteront dans l'esprit populaire.
Dans le cas d'une plainte formelle, non seulement la présomption d'innocence doit prévaloir mais aussi, la crédibilité du plaignant ou de la plaignante sera soumise à l'appréciation d'un juge. C'est sans doute pourquoi plusieurs victimes hésitent avant de porter plainte en plus de toutes les autres raisons évoquées par les Julie Snyder, Pénélope McQuaid et autres victimes au cours des derniers jours. Mais même dans l'éventualité d'un acquittement, force est d'admettre que des gens qui ont été innocentés de ce type d'accusations en porteront éternellement le fardeau.
Depuis le début de ma pratique, il m'est arrivé bien entendu de représenter des gens accusés d'agressions sexuelles. La plupart, après évaluation du dossier, m'ont mandaté afin de plaider coupable entrainant ainsi toutes les conséquences criminelles qui s'y rattachent (emprisonnement, dossier judiciaire, inscription au registres des délinquants, réprobation sociale, etc). Certains toutefois ont contesté les accusations portées contre elles niant avec énergie ces accusations.
Je peux vous affirmer sans hésiter qu'il m'a été donné de voir des gens faussement accusés où les prétendus victimes ont inventé une histoire parfois sans se rendre compte de toutes les conséquences que cela pouvait entraîner chez l'accusé. Je me souviens entre autres d'un dossier où un jeune homme étudiant à l'Université Laval à Québec avait été accusé par une collègue de classe de l'avoir violée alors qu'elle avait accepté de l'héberger pour la nuit. La preuve a révélé que cette jeune fille avait consenti à l'activité sexuelle mais craignant que son conjoint alors en voyage n'apprenne son infidélité par la transmission d'une ITS, (ils n'avaient pas utilisé de condoms), elle a choisi de déposer une plainte pour agression sexuelle contre son amant d'un soir.
Heureusement, mon client avait été acquitté et quoique ce dossier remonte au milieu des années 1990, je suis convaincu qu'il en porte encore des séquelles. Aurait-il pu à son tour déposer une plainte pour méfait public contre cette dame ? Soit, d'avoir avec l'intention de tromper, amené un agent de la paix à commencer ou à continuer une enquête. Voilà un bon sujet pour une prochaine chronique.