Si je
fais des cercles géographiques autour de moi, je suis Sherbrookois. Puis,
Québécois. Et Canadien. Même si les États-Unis se sont approprié le nom (du
haut de leur eux-mêmes!), je suis Américain. Et ainsi de suite.
Mais
dans le type de société qu'on a dessiné au fil des dernières décennies, je suis
d'abord moi-même avant de faire partie d'une collectivité.
Nous
avons convenu d'une charte des libertés individuelles. Des droits fondamentaux
qui mettent de l'avant la race, l'orientation religieuse, l'orientation
sexuelle, etc.
Et cela
est juste et bon.
Mais.
Au
moment où nous sommes occupés à revendiquer notre place toute personnelle dans
la société, que nous sommes prêts à défendre, bec et ongles, ce qui nous
définit sur une base toute personnelle, voilà que surgit ce moment où on
constate que tout ça finit par nous diviser en multiples parcelles.
Depuis
sa création jusqu'au tournant des années 1950, le Québec français était sous
l'égide de l'église catholique qui s'occupait de baliser tous les aspects de la
vie quotidienne. Si plusieurs bons côtés ont émergé de cette situation, disons
qu'on a quand même évolué, de génération en génération, dans un cadre strict
basé sur la culpabilité de ne pas répondre au dogme religieux.
Deux
exemples : les personnes homosexuelles devaient cacher leur orientation à
tout prix. La conséquence : l'excommunication. Donc, le rejet total. Ou
encore, les cas de suicide. L'église prétendait que tout le réconfort se
retrouvait, pour les humains de bonne volonté, dans la parole de Dieu. Il
devenait donc inacceptable que quelqu'un mette fin à ses jours. Ainsi,
plusieurs personnes ont été enterrées à l'extérieur de l'espace défini du
cimetière de la paroisse pour bien signifier, par la honte liée à un exemple
permanent, que le suicidé a désobéi lâchement à Dieu et est donc éternellement
répudié. Pire encore, une personne qui survivait à une tentative de suicide pouvait
être emprisonnée ensuite! Tout pour aider... Et le dimanche, on nous répétait que
Dieu était amour infini...
Bref,
nous avons grandi, comme société, dans un cadre qui nous définissait
complètement.
Puis,
sur environ 20 ans, tout a basculé. Et nous avons pris conscience de nos
libertés individuelles.
Je
répète. Je trouve tout ça très bien. Je n'adhère pas aux mouvements qui veulent
revenir à un cadre universel dans lequel chacun doit se mouler, envers et
contre soi-même, souvent.
Nous
sommes partis d'un groupe relativement homogène, avec ses règles connues, et
nous voilà divisés en toutes petites bulles individuelles. Plusieurs de ces
bulles sont sur le point d'imploser, grugées, entre autres, par l'anxiété de
performance.
Réunir.
Jusqu'à se réunir.
Réunir,
c'est joindre ce qui est désuni, séparé.
Mais
qu'est-ce qui nous réunit, à la fin ?
À la
base, je dirais les activités de groupe. Vous savez, ce qui met en contact réel
des humains?
Au lieu
d'opter pour un terrain de jeu complet derrière chaque résidence, pourquoi ne
pas aller au parc et laisser les gens interagir?
Au lieu
de se fier à ce qu'on lit sur les médias sociaux et, ainsi, de s'approprier l'opinion
des autres, pourquoi ne pas participer aux rencontres organisées (mais souvent
boudées!) pour jaser des différents enjeux dans nos milieux de vie respectifs ?
Si une
catastrophe naturelle peut créer des mouvements de solidarité dans lesquels ni
la race, la religion ou le sexe comptent plus que le geste posé, je me dis
qu'on doit être capable de vivre plus solidairement en groupe, sans pour autant
remettre en question son identité propre.
Je crois
vraiment que le mouvement vers les libertés individuelles était essentiel. Et
je sais que tout n'est pas réglé. Je crois maintenant qu'il est temps de
repenser à réunir ces bulles individuelles pour gagner en force collective.
Et je
fais la gageure suivante : plus on aura d'occasions de se regrouper, plus
on comprendra que la spécificité de l'autre ne le rend ni meilleur ni pire et,
qu'à la fin de l'exercice, chacun a autant besoin de l'autre pour faire sa vie.
Après
tout, il ne faut pas attendre que tout soit parfait à notre oeil pour être
collectivement plus heureux.
Clin
d'œil de la semaine
« Nous
ne sommes pas pareils, et puis, pourtant, on s'émerveille au même printemps! »
Chanson Ayoye, Offenbach