Ma sœur et son amour producteur de films, sont partis l'hiver
dernier aux États-Unis en motorisé.
Direction : le Grand Canyon. Durée : indéterminée. Le
but : filmer le processus du voyage pour leur série qui s'appelle SurfnTurf .
Dès le début, quelques surprises moins plaisantes les
attendaient : température difficile : neige, grésil... problèmes de
moteur, pneu crevé, etc. Ils ont fait
face à chaque difficulté bravement et calmement, ayant toujours en tête leur
destination et le désir d'y arriver le plus tôt possible.
Or, au fur et à mesure du voyage, ils ont réalisé que leur but
devenait de moins en moins important. Que ce qui prenait le relais était le
voyage lui-même et comment ce voyage les transformait intérieurement. Pour diverses raisons, ils ont abandonné le
but qu'ils s'étaient fixé quant à leur destination. Ils ont commencé à ralentir et à regarder
davantage les merveilles qui étaient là sous leurs yeux.
Ils ont réalisé que l'important, finalement, était le moment
présent, le voyage qui les « voyageait ».
Au fil des jours, ils ont rencontré des gens qui les ont
enrichis de diverses façons et l'un d'eux leur a parlé du concept de l'errance
en voyage.
Depuis, ce concept m'habite et alimente mes réflexions sur la
vie et sur ma vie plus particulièrement. Se permettre l'errance en voyage ouvre
la porte à la magie de la vie, à des rencontres qui nous nourrissent
profondément, à découvrir des endroits qu'on aurait manqués si on s'en était
tenu à garder le cap sur une destination précise.
De la même façon, se permettre l'errance sur le chemin de la vie
nous permet de relaxer et d'accueillir ce qui est là tout de suite et ici même.
Il est bien d'avoir des buts et des projets, mais quand nous oublions de vivre
chaque seconde parce que notre esprit est toujours fixé sur le futur, nous
passons à côté de tout ce qui fait la richesse de la vie d'une part, mais plus
important, nous développons une façon d'être constamment dans le futur qui nous
empêche précisément, une fois arrivés à notre destination d'apprécier ce qui
est là, de le vivre et s'en imprégner.
Nous sommes arrivés, mais nous ne nous déposons pas parce que
nous sommes tellement habitués de vivre dans des projets futurs qu'une fois
qu'on a fait le tour de notre destination, notre esprit est déjà fixé sur la
prochaine destination.
Avez-vous remarqué comment se passent majoritairement les
vacances? En général remplies d'une liste de choses à voir, à faire, à visiter,
les journées passent à toute vitesse. Nous voulons en faire le plus possible. Puis
deux ou trois jours avant la fin, nous sommes déjà en mode retour. Nous pensons
au retour avec nostalgie que les vacances sont terminées, ou avec la hâte de retrouver
nos petites habitudes. Nous sommes toujours dans nos vacances, mais nous n'y
sommes plus en fait. Et quand on y réfléchit bien, nous n'y avons jamais
vraiment été. Nous nous sommes contentés de survoler ces journées, de les
emplir au maximum sans les vivre de l'intérieur. Nous ne nous sommes pas arrêtés pour donner à
la vie le temps de nous offrir ses surprises.
C'est une bonne idée d'introduire dans nos vies ce concept
d'errance : de se donner des temps où tout n'est pas planifié, où
« on verra ce que cette journée nous apportera ». Une journée où vous êtes en congé, essayez de
laisser de côté tous les « je dois faire ceci et cela ». Abandonnez
vos petites habitudes. Laissez votre corps et vos respirations vous
diriger : une petite marche juste pour respirer, une petite sieste... sans
l'avoir planifiée à l'avance.
Au début, c'est un peu déstabilisant, on a peur de s'ennuyer ou
de manquer des choses. Mais à le pratiquer, on se rend compte que c'est en fait
accepter de danser avec la vie et cesser de vouloir tout diriger. Cela nous
apporte la joie!