Il faut être fier du degré d'obéissance et de consentement manifesté par la très grande majorité des citoyennes et des citoyens du Québec relativement aux consignes et aux directives données par les autorités sanitaires et gouvernementales en lien avec la crise de la pandémie actuelle de la COVID-19. Nous saurons nous en féliciter bientôt quand on fera le bilan des vies que nous aurons collectivement sauvées au Québec grâce à notre discipline collective.
Comme le dit le proverbe, à tout malheur, bonheur est bon. Ce temps d'arrêt obligé dans la course folle de nos vies constitue une occasion inespérée pour réfléchir à un autre grand enjeu planétaire et sanitaire comme celui de la lutte aux changements climatiques. Il faut en parler, car l'une des conséquences probables de la lutte à la présente pandémie pourrait malheureusement se traduire par une raréfaction des ressources financières que nous pourrons consacrer à cet autre combat aussi nécessaire que celui que nous menons actuellement au coronavirus. Réflexions sur une catastrophe sanitaire latente...
Rappel des faits
Le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur les changements climatiques publiés en août 2019 était alarmant. Dans ses principales conclusions, on peut y lire : le degré de certitude que l'activité humaine est responsable des changements climatiques se situe à 95 %. Avis au climatosceptique. Les experts sont certains que c'est l'activité humaine qui est responsable des changements climatiques. C'est 80 % de moins que la certitude de trouver la mort en contractant la COVID-19 et voyez la panique qui s'est emparée de notre planète. Cela devrait donner à réfléchir non ?
Dans ce même rapport, nous apprenons aussi que le niveau d'élévation des océans s'élève à 98 cm en 2010 par rapport à la période de 1986 à 2005. Ces 98 cm pour bien me faire comprendre de tous, c'est plus de 38 pouces donc trois pieds deux pouces et presque qu'un mètre. C'est pas rien. La hausse des émissions de gaz à effet de serre s'établissait à 54 % pour la période 2002 à 2011 par rapport à la situation qui prévalait en1990. Si bien que si rien n'est fait et que tout continue comme avant, les températures moyennes atteindront une hausse de près de cinq degrés Celsius en 2100. 2100 c'est demain pour nos enfants et nos petits-enfants.
Nos arrière-petits-enfants seront alors dans la force de l'âge. Les conséquences de cette crise climatique se traduiront par la disparition de territoires habités, par des mouvements migratoires sans précédent, par des vagues de chaleur fréquentes, par une hausse des épisodes d'inondation pour les zones habitées qui vont détruire les habitations et les récoltes et provoquer des famines. 20 à 30 % des espèces animales et végétales sont menacées d'extinction en cas de hausse des températures de 1,5 à 2,4° par rapport aux 20 dernières années du XXe siècle.
Des impacts aussi dévastateurs que la pandémie du Coronavirus
Les impacts seront majeurs : sécurité alimentaire affectée notamment dans les régions dépendant de la pêche ; baisse des rendements céréaliers (blé, riz, maïs) dans les régions tempérées et tropicales ; baisse des ressources d'eau potable dans les régions subtropicales sèches ; risques accrus dus aux inondations, glissements de terrain, tempêtes ; hausse des déplacements de population et risques de conflits accrus pour l'accès aux ressources.
Pourtant, malgré ce portrait dévastateur que nous dicte la science de notre avenir, les actions des gouvernements, des entreprises et de la population sont très timides. Plusieurs craignent que la présente crise pandémique plutôt que de favoriser une prise de conscience nécessaire va plutôt handicaper nos volontés à cause du manque de ressources financières qui devront être consacrées à la relance de l'économie et pour venir en aide aux gens éprouvés économiquement par la crise pandémique du coronavirus. Pourtant, le défi est grand. Il faudrait que nous puissions, ensemble, mettre nos énergies comme nous le faisons si bien dans la présente crise pandémique au Québec pour réduire l'émission des gaz à effet de serre de 70 % d'ici 2050 par rapport au niveau de 2010 si l'on veut contenir la hausse du réchauffement climatique en deçà des deux degrés Celsius. Tâche titanesque, convenons-en, qui demandera des changements d'habitudes. Nous en sommes capables comme le prouve notre discipline collective devant la pandémie actuelle.
Comment faire ?
L'occasion nous est offerte de réfléchir collectivement à notre vie actuelle caractérisée par la surconsommation, la production de choses inutiles, les inégalités de la richesse au profit d'une minorité de privilégiés. Si pour sauver des vies, principalement notre vie, nous sommes prêts à sacrifier nos habitudes, pourquoi ne serions-nous pas capables de faire de même devant la crise climatique ? Comme le disent les Chinois, le mot crise signifie opportunités nouvelles. Nous avons donc l'opportunité de remettre en question notre mode de vie actuelle grâce à ce temps d'arrêt obligé à l'échelle planétaire. Il faudrait profiter du moment pour changer les choses.
Précisons que ces changements demandent des figures et des porte-parole incarnés qui ne dramatiseront pas outre mesure les effets de cette crise climatique appréhendée. Il nous faut un trio aussi crédible que celui de Legault-Arruda et McCann et des propos aussi mesurés pour passer à une vitesse supérieure en matière de lutte aux changements climatiques. On peut aussi imaginer une stratégie d'intervention qui permettra à la vaste majorité de la population d'accompagner les changements dans une saine résilience. Le fond de la question c'est que nous devons abandonner l'individualisme ambiant pour une solidarité collective. Il faut faire société autour de la lutte aux changements climatiques.
Des exemples illustreront ma pensée. Le télétravail mis à contribution dans la présente crise de pandémie devrait devenir une norme pour plusieurs afin de décongestionner nos routes et nos autoroutes et limiter la production des gaz à effet de serre par le transport. Les voyages en avion devraient être limités pour tous. Les visites virtuelles des musées, des pays sont autant de façons de découvrir le monde qui peuvent nourrir notre curiosité de découverte. Ce qui ne signifie pas que l'on ne voyagera plus, mais beaucoup moins.
La présente crise pandémique nous offre le spectacle de ce que signifie un monde globalisé interrelié comme le nôtre en cas de bris dans la chaîne, nous devons donc imaginer le monde à plus petite échelle, à celui de plus petites communautés. L'État-nation sort de cette crise comme réhabilitée après des années de mépris. La principale de référence des gens dans un monde ne crise c'est leur État. Au Québec, cela aura un effet sur la résurgence de l'idée de pays on peut d'ores et déjà en être certain.
Bref, la crise de la pandémie du coronavirus est une excellente occasion pour repenser le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui. Nous vivons dans un monde qui s'étiole et qui sera remplacé par un autre plus convivial, plus humain et plus à taille humaine. Pour celles et ceux qui n'en sont pas encore convaincus, je vous recommande de lire le livre de Nathaniel Rich publié au Seuil en 2019 intitulé : Perdre la terre.
Ce monde sera celui de nos enfants et de nos petits-enfants. On ne peut s'empêcher de penser que coronavirus est un avertissement de la planète qui dit aux hommes et aux femmes un message quant à son point de rupture. Saisissons le moment pour agir pour l'Avenir. Ne dit-on pas que l'occasion fait le larron ?