Depuis plus de 20 ans, je
suis un téléspectateur assidu de l'émission déjantée Infoman diffusée à
Ici Radio-Canada. La semaine dernière, nous avons eu droit à un pot-pourri de
publicités électorales américaines des républicains, qui ma foi donnait des
frissons. Armes d'assaut bien en vue, propos incohérents sur le grand mensonge,
guerre culturelle, tout y passait. On peut en rire, mais c'est à pleurer.
Il ne faut pas croire que ces
élucubrations au sud n'ont aucun effet et ne se font pas ressentir ici plus au
nord chez nous. L'élection à la tête du gouvernement conservateur de l'Alberta,
la leader Danielle Smith, une ancienne radicale de droite qui s'est transformée
en complotiste en chef de l'Ouest canadien, en constitue un exemple éloquent.
La démocratie libérale est à la dérive. Même le journalisme n'a plus la cote
comme l'indique le sondage sans prétention de l'émission de TVA du vendredi
soir Le monde à l'envers de Stéphane Bureau, près de 70 % des
téléspectateurs de ce dernier vendredi n'ont plus confiance aux journalistes.
Cela explique pourquoi le résultat des élections américaines de mi-mandat du 8 novembre
prochain est important pour mesurer l'ampleur de la crise de la démocratie aux
États-Unis bien sûr, mais aussi ailleurs en Occident et chez nous bien sûr. Les
frontières des idées sont de plus en plus poreuses entre nos deux pays. Le
point sur les élections américaines de mi-mandat.
Les effets délétères du trumpisme
Les États-Unis ne se portent pas
bien. Les effets délétères du trumpisme se font de plus en plus sentir. Sans
compter que l'ancien président est toujours présent et qu'il pèse de toute son
influence sur les destinées des États-Unis d'Amérique. Une forte majorité de
candidats républicains croient et professent le grand mensonge de l'élection
volée et de l'illégitimité du président démocrate actuel Joe Biden. Pire
encore, dans plusieurs États des partisans de l'ex-président Donald Trump
prennent le contrôle des postes clés dans le processus électoral pour ainsi, si
nécessaire, invalider les résultats des prochaines élections. Nous savons que
pour les partisans de Trump et les représentants de l'extrême droite
américaine, une élection juste et légitime ne peut qu'élire des représentants
républicains. La déliquescence d'une démocratie se mesure à l'aune du respect
de conventions établies et de règles respectées par tous les participants sinon
la démocratie ne peut exister. La confiance n'est plus là dans les institutions
et cela pave la voie à toutes les dictatures. L'épiphénomène du trumpisme est
en voie de se cristalliser en une donnée permanente de la vie politique
américaine venant contribuer à détruire la démocratie libérale aux États-Unis.
Cela doit préoccuper les Canadiens que nous sommes. Ce qui se passe au sud
pourrait bien surgir ici au nord. L'attitude du nouveau chef conservateur
canadien Pierre Poilièvre envers la presse parlementaire à Ottawa est un signe
annonciateur de la vision de ce dernier sur la démocratie canadienne. Plus près
de nous encore, certains membres du parti conservateur d'Éric Duhaime plaident
à une élection frauduleuse au Québec. Nous ne sommes pas à l'abri des illibéraux.
Les enjeux des élections de mi-mandat
Les États-Unis comme les autres
pays du monde sont aux prises avec des problèmes d'inflation qui rendent la vie
difficile aux Américains. Le coût de la vie est le problème no 1 des
États-Unis. Nous savons comme l'a dit un jour de 1992, James Carville, le
stratège du président Bill Clinton, « It's the economy, stupid ». L'inflation actuelle repose sur plusieurs causes dont le
bris des chaînes d'approvisionnement faisant suite à la pandémie, la pénurie de
la main-d'œuvre, la guerre en Ukraine et des facteurs liés au prix de
l'énergie.
Outre
l'enjeu de l'inflation, nos voisins sont en pleine guerre culturelle où
s'affrontent les adeptes de la culture de l'annulation et l'extrême droite qui
prend racine notamment dans des mouvements étudiants. Les universités sont au cœur
d'une guerre culturelle féroce et on assiste à une radicalisation des forces
réactionnaires et conservatrices sur les campus américains. Le polémiste
Charles Kirk, président de Students for
Trump et co-fondateur du groupe conservateur Turning Point, dispose d'un fonds de guerre de plus de 40 millions
de dollars pour faire taire les professeurs radicaux, entendre libéraux et
démocrates, sur les campus. Au programme, on prône la suprématie blanche, on
veut combattre la mutilation génitale des enfants transgenres, la théorie
critique de la race et combattre le fléau de l'immigration illégale. Nous
sommes au cœur d'une guerre culturelle qui fracture les États-Unis.
D'autres
enjeux sont importants comme la violence armée, les tueries répétitives,
l'avortement, mais l'environnement et la lutte aux changements climatiques
n'est pas une préoccupation majeure de l'électorat. L'ombre de Trump plane et
malgré ses ennuis avec la justice américaine, il est de plus en plus probable
qu'il soit candidat républicain à la présidence pour 2024 et incroyable, mais
vrai, il aurait d'excellentes chances de remporter la mise. Une fois revenu au
pouvoir, Trump s'empressera de mettre fin à la démocratie faisant ici naître
dans la réalité une nouvelle république Gillian imaginée par la romancière
canadienne Margaret Atwood.
La fiction
peut-elle devenir réalité ?
Que raconte Margaret
Atwood dans son roman dystopique La servante écarlate ? Une histoire
crédible pour donner une idée de l'avenir des États-Unis. Voyons ce qu'en
raconte Wikipédia :
« Dans un avenir
rapproché, la pollution environnementale, les maladies transmises sexuellement
ont entraîné une dramatique chute du taux de fécondité qui se traduit par un
taux de natalité très bas incapable de renouveler la population. C'est alors
qu'une secte politico-religieuse, les "Fils de Jacob", protestante de type restaurationniste
et aux accents fondamentalistes, en a profité pour prendre le
pouvoir, en détruisant la Maison-Blanche, la Cour Suprême et le Congrès lors
d'un coup d'état. Une partie des citoyens américains survivants, ayant échappé
à l'emprisonnement, se sont réfugiés au Canada, et un gouvernement d'exil a été
formé à Anchorage.
Dans cette version dystopique et
totalitaire de la République de Gilead, les dissidents, les homosexuels et
les prêtres catholiques sont condamnés à mort,
par pendaison, ainsi que toute personne enfreignant les dures règles imposées
(ou soupçonnée de le faire). Les déficients mentaux ont
été éliminés. De très nombreuses analogies avec le régime hitlérien, le 3e
Reich, les épisodes historiques d'épuration ethnique et
les camps de la mort, sont perceptibles au fil des différentes saisons. Le
régime peut faire penser à ceux de Franco ou Pinochet.
Les relations hommes/femmes obéissent
dorénavant à des règles très strictes. Le pouvoir est totalement aux mains des
hommes. Une élite occupe les fonctions de commandement, au sein de ce régime,
tandis que les autres servent celui-ci, notamment au sein d'une milice omniprésente.
Les femmes ont été déchues
de leur statut de citoyennes à part entière. Elles ne peuvent ni travailler, ni
posséder d'argent, ni être propriétaires, ni lire, ni écrire. Elles sont toutes
placées sous une surveillance quasi permanente. Elles sont d'autre part
catégorisées et hiérarchisées, selon leur fonction. » (Source : Wikipédia série télévisée.)
Cette dystopie imaginée par Margaret
Atwood deviendra-t-elle réalité sous une forme ou un autre dans un avenir
proche ? Quels en seront les effets sur le Canada, sur les démocraties
libérales ? Après l'élection de mi-mandat aux États-Unis, que restera-t-il des
États-Unis d'Amérique ?