L'égo. Nécessaire égo, dirais-je, si on souhaite se définir
comme être humain. L'égo c'est la conscience de ce que nous sommes comme
humain. C'est une notion importante pour définir le type d'interaction qu'on
aura avec nos pairs, entre autres.
Ça prend un minimum d'égo pour apprécier suffisamment ce
qu'on vaut pour être aidant pour notre entourage. Cette conscience de ce que
nous sommes s'exprime par la confiance en soi qu'on dégage.
C'est un peu là que ça se complique.
Pour être aidante, utile et saine, la confiance qu'on a en
nous-mêmes doit être reconnue comme rassurante pour autrui. Trop de confiance
gâche la sauce. Ça se sent quand une personne est imbue d'elle-même, qu'elle en
vient à regarder l'autre avec un brin (petit ou gros brin, cela dit!) de
condescendance.
Savoir ce qu'on représente, ce qu'on est, ne mène pas
nécessairement à se croire supérieur aux autres. Ou meilleur que l'autre.
Quand l'égo devient trop centrique, on finit par oublier que
l'autre aussi a une valeur.
La vie en société devient alors difficile.
Difficile, en effet, de parler de société ou d'interaction
sociale saine, si on croit que notre personne est au centre de toutes les
situations!
L'évolution du Québec moderne a été bouleversée, vers 1960,
par une révolution sociale sans précédent. On l'a dite tranquille, cette
révolution, surtout parce qu'elle s'est réalisée sans recours aux armes et à la
violence.
Je vous propose une photo d'un centenaire, de 1860 à
1960 : la société était guidée, moralement, socialement et même
politiquement, par l'église catholique et ses prêtres et ses religieuses.
Le mot d'ordre : oublie-toi toi-même. Mets-toi au
service de Dieu. « N'empêche pas la famille » (et, en passant,
n'utilise pas de préservatifs ou d'autres moyens de contrôle des naissances, ce
serait mal!). Confesse-toi de tous tes péchés, chaque semaine idéalement.
Demande conseil au curé quand une question est épineuse. Sois au service de ta
famille et de ton Dieu.
Pas surprenant qu'au tournant des années 1970 (et encore de
nos jours), des centaines d'ouvrages (souvent relevant de la psycho pop!), nous
ramenaient à notre moi intérieur, à l'importance de notre « moi-même »,
de la reconnaissance de ce que ce moi mérite, de ce travail qu'il faut faire
sur soi pour que ce « soi » soit reconnu à sa juste valeur.
C'est une photo d'une époque, comme je le disais. Je tourne
les coins ronds. Volontairement. Je cherche à montrer des contrastes.
Mais ne nous demandons pas pourquoi l'égo est si omniprésent
dans la société! Tout est orienté vers ça.
La boîte de photos
Quand je me prends au jeu de fouiller dans les boîtes de
photos de ma mère, j'y retrouve des éléments de son histoire.
Dans sa prime jeunesse, les photos étaient bien rares. Une seule
d'entre elles peut, toutefois, générer des échanges très longs tellement elle peut
ouvrir l'univers des souvenirs!
Les photos de cette époque sont des clés pour entrer dans l'univers
d'une personne. Pas si nombreuses, les clés, mais tellement précieuses!
Quand je fais le parallèle avec aujourd'hui, des photos, on
en a. Les téléphones intelligents en sont pleins. On n'a jamais pris autant de
photos qu'on ne regarde pas vraiment ensuite!
Mais la vague encore très présente des égoportraits trahit
mon malaise par rapport à la vie courante qui baigne les années 2020 : des
milliers, voire des millions de photos, prises sous forme d'égoportrait.
Cette situation en soi devient une photo sociale de notre
époque!
Quelqu'un me montre des photos de voyage. Les photos
défilent et un constat se dessine. Toutes les photos ont un point en commun.
Elles se décrivent toutes en disant : « ça, c'est moi et la Tour Eiffel
derrière ». Ou moi et le Sahara derrière ». Ainsi de suite.
Si j'anticipe une proposition de photo décrivant l'année
2024, j'irais pour ceci : une photo d'une très vaste classe pleine de
citoyens qui doivent maintenant apprendre à mettre la vie de leur collectivité
au premier plan et à se définir comme un partenaire de cette vie. Leur égo
servira à prendre conscience de leur valeur personnelle, bien sûr, mais dans
une perspective où la valorisation viendra du fait qu'on ramera dans un sens
plus commun que maintenant.
Bref, qu'on ramera tous dans le sens de devenir des citoyens
accomplis dans une collectivité où la bienveillance tiendra une très grande
place.
Voilà ce que serait ma proposition photo de l'année 2024.
Mais, au final, je ne sais pas trop si c'est une photo ou
carrément de l'art naïf...
Clin d'œil de la semaine
Un portrait de notre société ne peut être un égoportrait...