En bail d'habitation, nul doute que le locataire bénéficie
du droit dans le maintien des lieux même si la propriété est vendue. Quelques
exceptions s'appliquent à la règle du maintien dans les lieux moyennant un
préavis. Mais qu'en est-il pour un bail à usage commercial?
Dans le cas d'un bail commercial, le principe général fait
en sorte que le nouveau propriétaire peut évincer le locataire à moins que le
bail soit publié au registre foncier. Le registre foncier est un système sur
lequel les droits sur chaque lot sont inscrits. On peut y retrouver notamment
les hypothèques, les ventes, les servitudes et les baux. Donc pour que le bail
commercial soit opposable aux tiers, il doit avoir été publié au registre
foncier en temps opportun.
C'est dans le premier alinéa l'article 1852 du Code civil du
Québec que cette exception prend sa source : « Les droits résultants du bail
peuvent être publiés » ainsi que du deuxième alinéa in fine de l'article 1887
du Code civil du Québec :
« [...] Si le bail est inscrit au
bureau de la publicité des droits avant que l'ait été l'acte d'aliénation ou
l'acte à l'origine de l'extinction du titre, il ne peut résilier le bail. »
Donc, il est clair que le bail doit être publié AVANT que
l'acte de vente soit publié au registre foncier. Ce principe a été énoncé par
la Cour d'appel en 1995 dans l'arrêt Société Générale (Canada) c. Consumers
Distributing Company Ltd. [1996] R.J.Q. 561 et a été à plusieurs reprises
repris par la jurisprudence.
Dans cet arrêt, Consumers Distributing Company Ltd. avait
loué un local commercial pour opérer son commerce de détail sur la rue
Ste-Catherine Est à Montréal de Marcil Mortgage Corporation mais sans publier
le bail au bureau de la publicité des droits du registre foncier. Ce bail était
d'une durée de 15 ans avec une option de renouvellement de 5 ans. Pendant la
durée du bail, à la suite d'un premier changement de propriétaire et d'ennuis
financiers par ce nouveau propriétaire, Société Générale (Canada) devenait
propriétaire de l'immeuble par jugement de dation en paiement.
Conformément à la loi, Société Générale fit alors parvenir
un avis de résiliation de bail au locataire qui a refusé de quitter les locaux.
En Cour supérieure, Société Générale (Canada) a perdu son recours, le juge
considérant que Société Générale connaissait l'existence du bail même s'il
n'avait pas été publié. En appel, la Cour a donné raison à Société Générale
(Canada). La juge Otis appuie ses conclusions sur le fait que l'article qui
prévoit la possibilité de publier le bail est d'ordre public et qu'on ne peut y
renoncer. Le législateur ayant ainsi pour but de faire une différence entre le
bail publié ou non et ce, même si le nouveau propriétaire en connaît l'existence.
La seule façon de pouvoir maintenir son droit dans les lieux sans passer par la
publication serait que nouveau propriétaire s'engage à prendre en charge les
obligations du bail à même l'acte de vente. Le seul fait de mentionner ces baux
ne les rend pas opposables pour autant.
Donc, en résumé :
Quand : avant la publication de l'acte d'aliénation
Comment : par la publication au registre foncier
Pourquoi : pour éviter l'éviction du locataire
Karine Jobin, avocate
Monty Sylvestre, conseillers juridiques inc.