Les enjeux liés à l'utilisation croissante des outils
numériques dans la société sont nombreux et complexes. L'expertise pour adresser des problèmes tels l'impact
des fonctions cognitives, les rapports sociaux ou la santé mentale des jeunes
est encore en développement.
Charles-Antoine Barbeau est étudiant en médecine
psychiatrique à l'Université de Sherbrooke. Dans une perspective d'engagement
social, lui et deux collègues-étudiants cherchaient des moyens de sensibiliser
et éduquer les gens au bien-être numérique. L'idée maîtresse était de créer
différentes activités s'adressant aux jeunes, parents, enseignants et autres
individus, pour les amener à mieux saisir les divers problèmes que peut
entraîner l'utilisation de ces technologies. « En ce moment, c'est un enjeu
réel, surtout dans la vie des enfants. Une collègue voyait beaucoup d'entre eux
en psychiatrie qui vivaient des problématiques avec les écrans, la dépendance,
ou l'attention. On s'est dit que ce serait bien de lancer un atelier de
sensibilisation pour ça, » d'explique M. Barbeau.
Constatant l'ampleur du travail à faire pour lancer leur
projet, les étudiants ont rapidement compris que de l'aide serai nécessaire
pour l'amener à terme. Ils ont donc fait appel à la communauté de leur faculté
pour leur donner un coup de main, afin de couvrir le plus d'aspects que possible,
pour en faire un outil pédagogique complet.
En mai 2019 Bien-être numérique
(BEN) présentait l'atelier Autodéfense
numérique, qui propose aux adolescents de la 3e à la 5e
secondaire de réfléchir sur leur propre consommation de temps d'écran, soit en
moyenne 7 heures par jour, dans un environnement ouvert et sans jugement. Le
succès a été au rendez-vous dès le départ puisque moins d'un an après ses
débuts, c'est plus de 500 élèves du secondaire, du collégial et des centres
d'éducation aux adultes qui ont pu suivre une vingtaine d'ateliers distincts.
À leur grand étonnement, le BEN a
également été sollicité par les institutions publiques, les commissions
scolaires, et même par le gouvernement du Québec, dans le cadre de
consultations sur les écrans et les jeunes. Plus de 300 membres du corps
enseignant, de l'administration scolaire ainsi que des intervenants
communautaires ont ainsi assisté à des conférences offertes par l'équipe de
BEN.
Fort de cet engouement et sollicité de toute part, le jeune
doctorant a voulu pousser la réflexion plus loin, en s'adjoignant des professionnels
et chercheurs d'autres horizons. De trois personnes au début du projet, l'équipe
est passée à trois groupes de travail : un dédié à l'éducation, un autre à
la recherche, et un dernier aux communications. « C'est vraiment un projet
qui est devenu multidisciplinaire. On a des étudiants, de jeunes professionnels
bénévoles qui proviennent de milieux comme la communication, l'éducation, la
médecine, la santé publique, en kinésiologie, et en marketing. On a vraiment
les cerveaux de plusieurs disciplines qui s'intéressent à expliquer ce qu'est
le bien-être numérique, » précise Charles-Antoine Barbeau.
La croissance fulgurante du projet
a un peu pris de court le jeune homme et ses partenaires, qui devaient le
conjuguer avec leurs études. BEN est devenu un organisme à but non-lucratif et
un conseil d'administration est devenu nécessaire pour la suite des choses. La
Fondation CIEL (Centre d'Intelligence en Ligne), initiée par l'entrepreneur
Alexandre Champagne, a dernièrement, pris le relai pour la gestion, la coordination,
la promotion et le financement des opérations.
La pandémie aura évidemment
bousculé la planification de la campagne 2020. « Il a fallu qu'on s'adapte
dans un premier temps. On était prêts à avoir une saison énorme et la COVID est
arrivée. Donc toute l'équipe s'est ‘'revirée de bord''; on a lancé sur notre
site web une plateforme d'articles pour sensibiliser au bien-être numérique en
période de confinement. L'idée est de partager des astuces et des témoignages;
les ados parlent beaucoup d'eux, mais on ne leur laisse pas beaucoup la parole.
Donc on leur a laissé cet espace pour qu'ils racontent leur relation avec le
numérique pendant le confinement; comment ils ont vécu ça. On a aussi adapté
notre atelier en classe pour en faire un atelier en ligne. » M. Barbeau
précise que cette version d'atelier en ligne en est encore au stade de pilote,
mais que la formule est appréciée par ceux qui l'ont utilisée jusqu'à
maintenant. Le format se veut plus intimiste, plus près du forum de discussion,
pour permettre une prise de parole des participants. On veut rendre disponible
cet atelier à travers la province dans les prochains mois.
Comme il s'agit d'un projet
évolutif, d'autres experts et chercheurs qui s'intéressent à des aspects qui n'avaient
pas été abordés, viendront ajouter leur savoir au contenu de la plateforme BEN.
Un volet recherche est également lié
Les jeunes du secondaire qui ont l'obligation de faire des
heures de bénévolat pendant leur année scolaire, sont invités à s'inscrire
auprès de l'organisme. « On les guide dans leur projet de bénévolat;
autant pour donner leurs commentaires sur notre contenu, mettre à jour nos
choses avec leur perspective, autant que pour les amener à développer des
projets de sensibilisation dans leur milieu, leur école. On leur laisse carte blanche;
on agit à titre de mentors, » de
conclure M. Barbeau.
Tous ces efforts n'auront pas été vains puisque la nouvelle référence
en bien-être numérique au Québec vient de recevoir une tape dans le dos majeure,
en se voyant octroyer le prix du Projet par excellence au dernier gala Forces
Avenir, le 7 octobre dernier. Une bourse de 15 000$ accompagnait cette prestigieuse
mention, ce qui donne un nouveau souffle au projet...et de nouvelles possibilités
pour aller plus loin encore.
bienetrenumerique.com