Avez-vous vu les résultats du sondage de Léger ? La
Coalition avenir Québec (CAQ) et le premier ministre François Legault y
caracolent dans la stratosphère. Près de 50 % des Québécois, 46 % des
gens interrogés disent que leur vote irait à la CAQ de François Legault
laissant loin derrière le Parti libéral du Québec Dominique Anglade à 20 %
et Québec solidaire à 14 %. Le Parti québécois a un score misérable de 12 %
à peine 6 petits points devant le nouveau Parti conservateur d'Éric
Duhaime. De tels résultats ne peuvent que favoriser une certaine forme
d'arrogance de la part du gouvernement qui a déjà une certaine prétention à
penser qu'il agit comme le veut la population de laquelle il est redevable. La
pandémie vient amplifier le problème puisqu'au nom d'une santé publique au dos
large, le premier ministre Legault se fait le défenseur du bien commun et il
n'aime pas tellement que l'on discute ses positions. Pourtant, avec le taux de
vaccination qui progresse, l'opposition va reprendre ses droits et nous
pourrons débattre des lubies de François Legault et de son gouvernement.
L'immigration, le talon d'Achille
Parmi les lubies les plus persistantes de François Legault,
il y a celle concernant l'immigration. Pour le premier ministre, l'immigration
est un outil de développement économique. Un point c'est tout. Avec le
gouvernement Legault, le slogan électoral « En prendre moins pour mieux en
prendre soin », galvaudé lors de la dernière campagne électorale, devient
aujourd'hui « si vous voulez un immigrant, mesdames messieurs du patronat,
payez le 56, 000 $ par année, sinon oubliez cela ! » Comme si
l'immigration n'était pas un outil de générosité à la disposition des
gouvernements des pays riches pour venir secourir une armée de pauvres et de
déshérités de la planète, qui déplacés par une guerre ou par les changements
climatiques ont besoin d'une main secourable pour les aider à se construire un
avenir ?
Avec les années, le Québec, qui a une certaine maîtrise de
son immigration en raison de son caractère distinct, était parvenu à un certain
équilibre entre ses besoins et sa générosité en augmentant les seuils année
après année. Tout n'était pas parfait, mais pendant longtemps, le Québec figurait
parmi les juridictions les plus accueillantes pour les réfugiés et les
immigrants. Cela n'est plus vrai aujourd'hui. Les tensions issues des
politiques de la CAQ qui légitiment les discours anti-immigration des mouvances
nationalistes empirent les choses. La collision des valeurs, des religions
diverses et des cultures différentes doit se résoudre en fonction et seulement
en fonction de l'identité francophone majoritaire blanche. Celles et ceux qui
l'oublieraient ont avantage à prendre la mesure de ce gouvernement qui trouve
légitime de supprimer des droits religieux en utilisant la classe dérogatoire comme
dans la sacro-sainte Loi de la laïcité, la Loi 21. Il est triste de
constater que notre sécurité identitaire proverbiale amène notre gouvernement à
légiférer sur des querelles de bout de chiffons.
Négocier à la Legault
Les employés syndiqués de l'État québécois qui sont
présentement à négocier leurs conditions de travail peuvent se réjouir de la
volonté du gouvernement Legault de décréter qu'un salaire de 56 000 $ par
année est le seuil minimal de l'acceptabilité en matière d'immigration. Eh bien
monsieur Legault, donnez des mandats à vos négociateurs à vos tables de
négociations en ce sens et vous ferez des centaines de milliers d'heureux. Ils
sont nombreux, devrais-je écrire nombreuses, car ce sont souvent des femmes, à
ne pas recevoir un salaire de 56 000 $ par année de l'État québécois. Vous
voulez des exemples, les infirmières, les éducatrices en garderie, les préposés
aux bénéficiaires, les agents de bureau, les ouvriers, les métiers spécialisés
comme les électriciens et les mécaniciens, les concierges, etc.
Le gouvernement Legault a choisi dans les présentes
négociations de mieux payer les enseignantes et les enseignants, les
infirmières et les infirmiers de même que les préposés aux bénéficiaires au
détriment des autres employés de l'État. Cela se discute. Un rattrapage était
essentiel pour ces emplois. Il faut néanmoins prendre en compte le fait que
c'est une injustice qu'une ou qu'un préposé aux bénéficiaires dans un CHSLD
soit payé plus cher qu'un autre ayant les mêmes tâches dans un centre
hospitalier. Quoi qu'il en soit, dans ce dossier comme dans celui de
l'immigration, François Legault veut dicter les conditions d'un règlement à son
heure et à ses conditions. C'est ce qu'il nous a laissé entendre dans le point
de presse qu'il a tenu il y a deux semaines, un dimanche avec sa présidente du
Conseil du Trésor, Me Sonia Lebel. Les présidents des centrales
syndicales n'ont pas tardé à réagir à cette opération de relations publiques du
premier ministre Legault même s'ils sont bien conscients qu'ils n'ont quasiment
aucun rapport de force en ce temps de pandémie. Les coffres de l'État sont
vides. Plus d'argent. Comme on le dit en anglais, le message de Legault était
simple take it or leave it.
Un printemps politique à l'automne ?
Après la rudesse de l'hiver, nous retrouvons toujours la
douceur du printemps. C'est ce qui attend probablement les partis d'opposition
à Québec. En ce temps de pandémie où nous faisons face à une crise sans
précédent, il est normal que l'on se rallie à notre gouvernement. Cela est vrai
chez nous comme ailleurs. D'autant plus qu'il faudrait être de mauvaise foi
pour ne pas reconnaître le bon travail accompli par le gouvernement Legault
durant cette crise. Bon ne signifie pas excellent et la gestion de cette crise
n'a pas été un parcours sans faute. Il faut cependant rappeler qu'avec la
progression de la vaccination, la fin des mesures de confinement, la politique
réelle reprendra peu à peu ses droits.
Ce gouvernement habitué à la solidarité d'une forte majorité
de Québécoises et de Québécois autour de sa gestion de la pandémie devra
réapprivoiser le fait qu'il sera critiqué et que ses idées et ses projets
peuvent être contestés. Nous vivons en démocratie libérale. Personne, pas même
le premier ministre Legault qui triomphe dans les sondages d'opinion, n'est
exempt de critiques et la discussion démocratique doit avoir lieu. Les idées et
les projets de ce gouvernement par rapport à la création des maternelles quatre
ans, la construction des dispendieuses maisons des aînés, l'abolition des
commissions scolaires, la défense et la promotion de la langue française, les
réformes essentielles des politiques d'aide à la jeunesse, le traitement inique
de nos aînés, le sous-financement de nos services publics, les choix budgétaires
et le sort réservé chez nous aux gens racisés et de manière plus générale à nos
politiques d'immigration sont autant de sujets qui seront à l'ordre du jour
l'automne qui vient. Pour la plupart de ces dossiers, il y a plusieurs façons
d'envisager les choses. Ce qui suscitera des débats. On verra alors comme le
disait si bien l'ex-premier ministre libéral Robert Bourassa qu'en politique « six
mois, c'est une éternité », les sondages d'aujourd'hui paraîtront alors comme
l'expression d'une belle époque pour les sympathisants de la Coalition avenir
Québec et de François Legault. Je les invite à faire preuve de prudence en
regardant l'horizon politique et surtout à ne pas jouer aux fanfarons et à se
gonfler les bajoues, car après l'hiver de la pandémie, il y aura un printemps
politique...