Nous vivons dans un pays riche. Le Canada fait partie des
lieux privilégiés dans le monde pour mener une vie à l'abri de la famine, des
violences incontrôlées, des guerres et où l'on peut jouir d'une grande liberté.
Partout dans le monde, le Canada fait l'envie de plusieurs pour sa qualité de
vie. Pourtant, tout n'est pas si rose au pays des voies ensoleillées. Réflexion
libre sur un pays aux prises avec de sérieux problèmes d'équilibre mental...
Un peu d'histoire
Sans tomber dans le délire, nous devons rappeler que le
Canada n'est pas un pays comme un autre. Il n'a pas été le résultat d'une
conquête à la suite d'une grande victoire militaire et il n'est pas né d'une
révolution comme les États-Unis, la France, l'Angleterre ou même Haïti. Le
Canada c'est une histoire de compromis et de compromission. La conquête
anglaise de 1763 était la guerre des colonisateurs et le territoire de
l'Amérique du Nord n'était pas le théâtre le plus important de cette guerre. Il
n'y a même pas de quoi en faire un bon scénario de film. D'ailleurs, les films les
plus vendeurs que l'on peut aujourd'hui tirer de cette histoire c'est celle de
la conquête sauvage et du vol du territoire par les puissances coloniales de ce
Nouveau Monde que nous habitons. Le Canada en ce sens est fils d'un passé
trouble à peine avouable.
Par la suite, la gestion anglaise du territoire canadien
s'est faite à l'aune du compromis pour des raisons géopolitiques liées à
l'émergence de la puissance de la nation américaine. Compromis du colonisateur
qui a donné aux habitants du territoire conquis le droit d'user de la langue
française et de pratiquer la religion honnie par les protestants, la religion
catholique, les papistes, cette race ignoble d'humain. Puis, au fil des ans, le
colonisateur n'a eu de cesse de mener une politique d'assimilation des
populations qui n'étaient pas anglaises, blanches et protestantes. C'est la
source du génocide perpétré à l'égard des peuples des Premières Nations et des
tentatives répétées de réduire à néant le fait français et catholique par des
politiques anti-langue française partout au pays. Puis, à l'époque
contemporaine, les orangistes d'hier ont revêtu leurs plus beaux habits pour
poursuivre les mêmes politiques assimilatrices et colonisatrices qui ont pris
la forme du multiculturalisme et des droits individuels. Le Canada
d'aujourd'hui a un long chemin à faire pour atteindre la rédemption de son
passé trouble. Si ce pays était un individu, on dirait de lui qu'il éprouve de
sérieux problèmes de santé mentale pour écrire une expression qui s'inscrit
dans l'air du temps.
Le Québec Bashing
L'un des symptômes les plus convaincants des problèmes de
santé mentale du Canada, c'est l'attitude d'une certaine intelligentzia
canadienne-anglaise à l'endroit du Québec. Du point de vue de ces commentateurs
et brillants analystes, le Québec est un repaire de racistes, de xénophobes,
des sortes d'arriérés, prompts à
supprimer les droits et les libertés des citoyennes et des citoyens. Pour eux,
le Québec c'est le berceau de l'anti-démocratie. C'est quand même incroyable
quand on prend la peine de s'y arrêter et d'y penser. Je ne veux pas faire la
litanie des injures proférées dans le Gobe and Mail, le Post et
le Toronto Star à l'endroit du Québec. Même la vénérable CBC donne le
droit de parole à ces porte-parole d'un Canada anglais de bien-pensants et
prétendants à une supériorité morale que leur donnent leurs habits du
multiculturalisme et d'un univers postnational sans identités. Au pays de ces
thuriféraires d'un Canada moderne, il n'y a que les habitants du Québec qui
sont racistes et xénophobes. Imaginez qu'un fou furieux, petit terroriste de
London, assassine une famille de musulmans, le motif est tout trouvé, c'est la
loi 21 du Québec qui en est la responsable. Quel amalgame douteux ! Quelle
ineptie !
Pour un certain Canada, le Québec est la cause de tous les
problèmes du pays. Autre preuve, Jason Kenney, le premier ministre albertain,
voit dans l'abolition de la péréquation au Canada comme solution au refus de ce
gouvernement de taxer ses citoyennes et ses citoyens et pour trouver des
débouchés à ses produits pétroliers. D'autres s'inquiètent de l'utilisation de
la clause dérogatoire du nonobstant dans la constitution canadienne. Pourtant,
cette clause trouve son origine dans le résultat de négociations avec des
provinces canadiennes et où le Québec n'a pas signé ce texte qui lui a été
imposé. Le Québec fait avec, mais il n'était pas l'auteur de cette trouvaille
permettant aux dires de ses détracteurs à cette province de fouler au pied les
droits et libertés des citoyennes et des citoyens.
Parler de constitution
Même si depuis 1995, tous les acteurs politiques de la scène
canadienne s'entendent comme larrons en foire pour ne pas discuter de
constitution ou de questions constitutionnelles, le fruit n'est pas mûr dit-on
comme phrase passe-partout, on comprend que l'évolution normale des choses
obligera plus tôt que tard que le Canada engage un véritable dialogue sur de
nombreuses questions d'ordre constitutionnel.
À l'ordre du jour, on retrouve bien sûr la question sensible
de la reconnaissance des Premières Nations et de leur territoire. Il y a aussi
toute la question de la reconnaissance de la nation québécoise et du partage
des compétences avec les provinces. La question des minorités francophones
s'imposera aussi. Le Canada que certains trouvent parfait depuis 1982 à la suite
du rapatriement unilatéral de la constitution de 1982 ne pourra faire
l'économie d'un véritable débat dans un avenir prévisible. La question de notre
appartenance à l'Empire britannique, les vieilles institutions qui en sont
l'héritage comme l'institution du Gouverneur général sont autant de questions à
revisiter. Le Canada peut-il envisager son avenir sans remettre en cause de façon
fondamentale plusieurs de ses institutions ? Seul l'avenir nous le dira, mais
je crois que nous sommes à l'aube de grandes ruptures.
Et le
Québec ?
Dans tout ce chambardement à l'horizon, le Québec
retrouvera-t-il son appétit pour la question nationale ? Dans un Canada
multiculturel, postnational et anti-Québec, pouvons-nous penser à un avenir
différent ? La seule issue possible c'est un Canada transformé ou un Québec
séparé. Il n'y a pas de réelles autres alternatives viables à l'horizon.
Reconnaître les Premières Nations, reconnaître le peuple québécois et sa
nation, reconnaître le peuple acadien et rompre avec la couronne britannique
sont quelques-uns des points à l'ordre du jour de l'avenir du Canada. Si le
Canada n'est pas au rendez-vous avec son avenir, il risque de faire les
manchettes internationales sous le titre : Pôvre Canada...