Le printemps tarde à venir, mais les pistes cyclables ouvriront bien un jour ou l'autre. Voici le récit d'une aventure qui pourrait vous arriver.
Alors que vous circulez pour la première fois sur une piste cyclable, vous contournez sans problème, en compagnie d'une amie, une barrière se trouvant sur ladite piste. Cette barrière a été placée pour empêcher les véhicules hors route d'y circuler, d'y pénétrer. Au retour, au sortir d'une courbe en S, vous apercevez devant vous, à la dernière seconde, la barrière en question. Sans perte de contrôle, vous vous tassez vers la droite, vous cessez de pédaler sans freiner afin d'éviter l'obstacle, vous passez par l'ouverture prévue et tout à coup, bang, vous frappez un bloc de béton.
Qui est responsable... vous parce que vous n'étiez pas assez attentif ou la Ville qui est responsable de l'aménagement de la piste cyclable?
Dans l'affaire Bouchard c. Ville de Val-d'Or, le juge Lachance a été confronté à une situation similaire . C'est ainsi que le juge se pose la question suivante : « ... la Ville a-t-elle pris les précautions raisonnables pour la protection et la sécurité des cyclistes? »
Après avoir fait un examen de la jurisprudence sur le sujet, il se penche sur le Guide technique de Vélo Québec : Aménagements en faveur des piétons et des cyclistes.
Il retient certains passages du guide, dont celui-ci :
« En milieu rural ou périurbain, le contrôle de l'accès des quads est l'élément principal à prendre en considération. On utilise alors des bornes soit une barrière, avec des ouvertures de 1.0 mètre pour permettre le passage des piétons et des cyclistes tout en empêchant celui de la part des quads,... » (Par. 77)
Le juge établit très clairement que les recommandations du guide n'ont pas force de loi, mais qu'elles sont utiles pour comprendre la circulation à vélo, l'aménagement des pistes sécuritaires et analyser la conduite d'un cycliste.
C'est dans ce contexte que le juge établira :
« Le 11 août 2013, l'aménagement des lieux et l'état de la pis-
te à l'endroit réservé pour le passage côté droit de la barrière
comportaient un piège, une situation dangereuse et cachée
pour les cyclistes » (Par. 81)
« La Ville a été négligente en ne fournissant pas aux cyclistes le 11 août 2013, un espace suffisant pour circuler sans danger et sans perte d'équilibre dans un passage où il était en outre nécessaire de zigzaguer en l'empruntant, une manœuvre difficile pour un cycliste qui, comme la demanderesse, devait tourner à droite et se ramener à gauche pour éviter le bloc de béton. » (Par. 95)
Le juge qualifiera de « surprise » la présence d'un gros bloc de béton caché par de la végétation, il écrira :
« L'installation de trois énormes blocs de béton de biais en
remplacement du poteau vandalisé servant autrefois à
délimiter l'espace pour contourner la barrière constitue
une négligence » (Par. 101)
pour affirmer :
« Cet aménagement utile sans pour empêcher le passage
des VTT n'assurait pas la sécurité de l'usager de la
piste, il ne protégeait pas raisonnablement la deman-
deresse. » (Par. 105)
Nonobstant les fautes commises par la Ville, le juge ne retiendra qu'une responsabilité de 60% pour cette dernière, considérant que la demanderesse était quant à elle, responsable de son malheur à raison de 40%.
En effet, le juge a considéré
« ... que la demanderesse manquait de l'attention nécessaire
pour lui permettre d'apercevoir la barrière visible se dressant
devant elle. » (Par. 110)
et se fondant sur le témoignage de l'amie qui circulait avec la demanderesse qui avait affirmé que « quand il pleut, on ne regarde plus à terre. » il conclura :
« Le témoignage de son amie suffit à nous convaincre que
la demanderesse ne regardait pas normalement en avant
d'elle. » (Par. 112)
La demanderesse alors âgée de 53 ans ayant une perte d'intégrité physique de 7.5% (DAP) s'est vue accorder une indemnité de 43 460 $ réduite de 60%.
En terminant, si jamais une telle situation vous arrive, il est essentiel de faire parvenir à la Ville où l'accident s'est produit, dans les quinze (15) jours dudit accident, une mise en demeure par courrier recommandé, l'avisant de ce dernier et vous aurez alors six (6) mois à compter du jour de l'accident et pas un jour de plus, pour entreprendre des procédures contre la Ville en question pour tous les dommages matériels et trois (3) ans pour les dommages corporels. Daniel Gardner a d'ailleurs publié un ouvrage des plus instructif sur le sujet « Le préjudice corporel »
Au plaisir,
Fontaine Panneton Joncas Bourassa & Associés
Me Michel Joncas