Cette semaine, l'actualité a été marquée par les importantes crues des eaux dans plusieurs régions du Québec. Heureusement, en Estrie, nous avons été plutôt épargnés. Les élections en France et l'arrivée d'un nouveau président qui est parvenu par l'alliance de plusieurs factions à contenir la poussée de l'extrême droite du Front National de Marine Le Pen a également retenu notre attention.
Mais puisque je m'adresse à vous principalement à titre de chroniqueur de l'actualité judiciaire, j'ai constaté comme vous qu'il est de plus en plus fréquent que des personnes accusées d'infractions criminelles pour lesquelles il est possible de demander la tenue d'une enquête préliminaire se voient nier ce droit par le dépôt d'un acte d'accusation direct.
L'ex vice-première ministre Nathalie Normandeau, l'ex-ministre Marc-Yvan Côté, 5 coaccusés en matière de trafic d'influence, tous les accusés du projet muraille en matière de trafic de stupéfiants, les accusés dans la tragédie de Lac-Mégantic, ainsi que deux accusés, Bédard et Bonin, qui doivent faire face à des accusations portées en matière de concurrence déloyale devront subir leurs procès sans avoir eu la possibilité de tenir une enquête préliminaire. Et ce ne sont là que quelques exemples récents.
Sur le site Internet du DPCP (Directeur des Poursuites Criminelles et Pénales), il est précisé qu'il s'agit d'une procédure exceptionnelle. Force est d'admettre que l'exception est en train de devenir la règle. Encore plus depuis l'arrêt Jordan dont il a été question dans une chronique antérieure relative aux arrêts de procédures lorsque certains délais sont dépassés.
L'enquête préliminaire n'est pas qu'un vestige du droit anglais malgré ce qu'en disent ceux qui croient qu'on devrait abolir complètement cette procédure. Cette enquête, lorsqu'elle est demandée, peut permettre à la défense ainsi qu'à la poursuite d'explorer certains aspects litigieux d'un dossier, de mieux évaluer la preuve testimoniale, bref, de prendre le pouls d'un dossier adéquatement afin de mieux diriger le débat au cours du procès.
Dans plusieurs cas, la tenue d'une enquête préliminaire peut éviter la tenue d'un procès soit parce que la défense constate que la preuve est claire et suffisante entraînant ainsi un plaidoyer de culpabilité ou encore, la poursuite se doit d'admettre que la preuve qu'elle possédait est ébranlée par le contre-interrogatoire l'amenant alors à reconsidérer l'opportunité de poursuivre.
Le législateur a prévu un mécanisme en édictant qu'une partie souhaitant la tenue d'une enquête préliminaire doit en faire la demande. Au surplus, une séance de gestion présidée par un juge qui fixe cette enquête vient cibler les sujets sur lesquels elle portera ainsi que sur le nombre de témoins qui seront entendus. L'époque où l'enquête préliminaire n'était qu'une répétition générale avant le procès est bien révolue et son utilité ne fait aucun doute dans mon esprit. Je suis convaincu que la majorité de mes confrères et consœurs partagent mon opinion.
Il est encore plus choquant de constater que la poursuite, lorsqu'elle emprunte cette voie, refuse d'en expliquer les motifs en prétextant n'avoir aucune obligation légale de le faire, ce qui est vrai. Toutefois, un peu de transparence à cet égard serait de bonne guerre.
Bonne semaine
Me Patrick Fréchette