La vie
est ainsi faite. Un chapelet de journées qu'on égraine comme ça, une après
l'autre.
On sait
qu'on a pas mal de journées au compteur quand on réalise que le référent du
« chapelet qu'on égraine » échappe probablement à une grande partie
de la population!
J'en
prends une au hasard. Un samedi pluvieux. En décembre. Le genre de journée où
l'humidité se fraie un chemin sous les vêtements et même sous la peau,
perçoit-on. « Ça traverse! », dirait l'autre.
Petite
visite d'un proche à l'hôpital. J'emprunte l'entrée la plus proche de la
voiture. Il pleut, pas à peu près! Une entrée qui n'a rien de principale! Une
jeune dame est installée, juste de l'autre côté de la porte. Un petit bureau
d'accueil improvisé. Elle me dit bonjour et, visiblement un peu méfiante, elle
me dit « je vais devoir scanner votre passeport vaccinal... » Il y
avait des points de suspension jusque dans son regard. Elle appréhendait ma
réaction, je crois. « Pas de trouble, même que ça me rassure! » La
partie que je vois de son visage se détend. Elle n'aura pas de trouble avec
moi. Je jase un peu et m'aperçois qu'elle essuie régulièrement des commentaires
poches. Elle est le messager sur lequel le frustré (ou la frustrée, bien sûr!)
se défoule. Rapidement, on tombe dans le bla-bla habituel. Je lui souhaite une
agréable journée, sourire dans la voix. Ça compense pour celui qu'elle ne voit
pas.
À
l'étage, pas beaucoup de membres du personnel. Probablement pas assez. Mais
beaucoup de « Bonjour! Comment ça va ce matin? ». « Oui, je vous
arrange ça dans pas long, madame! », « Dites pas ça, vous êtes toute
belle! ». « Votre fille vous a apporté ça? Vous êtes gâtée! »
Je
rapporte ici des bouts de phrases entendus au rythme des chambres que je
dépasse sur ma route. Et je me dis qu'à défaut d'être curatifs, les bons mots
qu'on sème, même si la tâche est souvent très, voire trop lourde, sont autant
de petits ponts qu'on bâtit entre deux personnes. Entre deux humains. Je me dis
que c'est aussi une bonne manière de prodiguer des soins tout en maintenant la
dignité des patients.
Plus
tard, le même jour, j'assiste au spectacle de danse de l'école de notre
petite-fille. Une image me revient en boucle : la mise en scène avait
prévu une chorégraphie finale regroupant tous les participants. Des 3-4 ans
jusqu'aux bien plus grands! Toutes les troupes étaient soit sur scène, soit
déployées tout autour de la salle. Tous ces jeunes à danser sur la même pièce.
De la danse hip-hop qui charriait une énergie heureuse, qui rassemblait subitement
danseurs et spectateurs.
Je me
suis alors dit que l'art est une nécessité dans le quotidien de nos vies.
Puis, au
soir de cette journée, un souper de Noël avec des collègues. De la bonne humeur
et une animation proposée par des serveurs/comédiens désireux de nous faire
passer un bon moment. Des serveurs/comédiens qui semblaient se nourrir de leur
prestation autant qu'on se nourrissait du repas servi! (Pour les plus curieux,
je parle du Manoir aux mystères de Ste-Catherine-de-Hatley).
Au
lendemain de cette journée, ma foi, assez chargée, je fais ce constat que la
vie est faite d'une série de journées rigoureusement égales en temps, mais dont
le contenu est terriblement variable.
Je me
dis qu'il est facile de juste débouler les jours du calendrier en
s'anesthésiant de toutes sortes de façons.
Je me
dis aussi que ce qui reste de la multitude des gestes qu'on pose dans une
journée, c'est souvent de petits moments heureux, lumineux. Et je constate,
rassuré, qu'on peut être les artisans de ces petits moments si tant est qu'on
s'en donne la peine un peu.
Vous
trouvez que je deviens fleur bleue? Un peu ésotérique, même? Pardon? Vous dites
jovialiste?
Pantoute,
je vous rassure!
Juste
conscient que les moments de petits bonheurs qu'on sème à gauche et à droite
nous font au moins autant de bien à soi qu'à l'autre. Et que c'est une pas pire
base pour bâtir nos journées. Celles qui composent nos vies, après tout...
Clin
d'œil de la semaine
Tous les
jours finissent en I. Sauf celui qui prend la peine de s'endimancher...