La visite du
pape François au Canada la semaine dernière a été le point de mire des médias,
des commentateurs et des chroniqueurs. L'aubaine imaginez, un événement à
couvrir en pleine canicule. Du vrai bonbon pour les médias. De quoi nous faire
oublier l'essentiel. Le pape François est venu chez nous pour faire pénitence,
selon ses propres mots, pour exprimer ses regrets et sa honte du comportement
de membres de son église envers les peuples autochtones. Et non pas de son Église.
Le pape François a-t-il vraiment réussi son pari de pèlerinage pénitentiel La
réponse à cette question n'appartient qu'à ceux et celles visés et victimes des
exactions de l'Église et de ses représentants, soit les membres des communautés
autochtones. Néanmoins, les autres aussi nous avons à nous faire une opinion. Enjeux
et actualités d'une visite du pape au Canada?
Génocide autochtone et allochtone
La
commission-vérité et réconciliation, mise en place par le gouvernement du
Canada, a conclu à un génocide pour décrire les actions du gouvernement du
Canada envers les peuples autochtones. Terme repris par le pape François à son
retour à Rome. Un génocide culturel ce n'est pas rien dans l'histoire d'un
pays.
Ce pays, le Canada , est notre pays. Ce qui fait que nous sommes nous
aussi, les allochtones, concernés par cette question. Nous vivons dans un pays,
issu du colonialisme français et anglais, qui a mis en place une politique
génocidaire envers les peuples
autochtones. D'ailleurs, le pouvoir colonial avait les mêmes politiques envers
tous les peuples différents du leur même si l'intensité et la gravité des
politiques mises en place étaient différentes. Nous n'avons qu'à rappeler la
déportation du peuple acadien et des politiques discriminatoires envers les
Canadiens français sans rappeler la
répression des patriotes au lendemain des troubles de 1837-1838 dans les
territoires coloniaux du Bas-Canada et du Haut-Canada. La Rébellion canadienne
de 1837-1838 mérite d'être mieux comprise pour comprendre la nature du
colonialisme. L'historien Yvan Lamonde, dans un exposé clair et pédagogique, vient
d'en faire le récit dans un livre
éclairant que tous et toutes devraient lire.( Yvan Lamonde, Les
Colonies du Haut et du Bas-Canada avant et à l'époque des rébellions, Québec, Presses de l'Université Laval,
2022, 252 p,) Dans ce livre inspirant, Lamonde nous fait voir que le Bas-Canada et
le Haut-Canada amorcent leur coexistence avec un écart démographique important
et une culture politique relativement
différente, mais sous une structure de gouvernement colonial identique . Yvan
Lamonde compare ces nations qui évoluent côte à côte dès 1791, dans un contexte politique déjà tendu, où se dessinent les rébellions qui auront lieu en 1837 et 1838.C'est édifiant et nous
comprenons très bien ce qu'est la nature du pouvoir colonial. C'est ce même pouvoir colonial dans une essence similaire qui a
mis en place des politiques génocidaires envers les peuples et nations autochtones.
Cet esprit colonial est toujours présent aujourd'hui dans notre vie politique
même s'il se présente sous des habits différents.
Le pape et la politique
Il est de bon aloi de croire à la fable que le
voyage du Saint-Père au Canada était un pèlerinage pénitentiel. Si l'on se
réfère au vocabulaire de l'Église catholique, on doit comprendre que
l'expression faire pénitence signifie : « Acte qui consiste dans
L'Église catholique à reconnaître ses fautes au cours de la confession et
accepter la punition choisie par le pécheur ou à effectuer celle prononcée par
le prêtre dans une optique d'expiation des péchés ». Si on peut voir dans
la visite du pape François des traces éloquentes de reconnaissance des fautes
de chrétiens membres de l'Église qui ont mal agi, une version de la pomme
pourrie dans le sac, on ne retrouve aucune allusion claire à la faute de
l'église comme institution d'avoir été complice des politiques génocidaires du
pouvoir colonial. La même complicité de la même Église avec le même pouvoir colonial
anglais qui a réprimé sauvagement les Canadiens français lors de la rébellion
de 1837. À ce sujet, aucune admission claire de la part du pape. Certes, il
faut y voir un souci de ne pas donner prise à de lourdes poursuites civiles
contre l'Église qui se traduiront selon toute vraisemblance, en vertu de la
jurisprudence de notre époque, à des millions et des millions de dollars
d'indemnités à verser. Entre la vertu et l'éthique morales, L'Église sans
surprise a choisi la voie politique comme elle le fait toujours dans des
moments stratégiques mettant en cause son organisation.
Faisant fi de ses grandes vertus morales,
l'Église catholique ne faillit pas seulement envers les peuples autochtones,
mais aussi envers ses propres ouailles qui même si elles sont en moins grand nombre aujourd'hui qu'hier
n'en mérite pas moins plus de respect et de considération que ceux qu'on lui
accorde en ce moment. Le pape François, outre son pèlerinage pénitentiel, s'est
efforcé à faire une vaste opération de relations publiques afin de réhabiliter
l'image de l'Église fortement entachée chez nous non seulement en se faisant
complice du génocide culturel des peuples autochtones, mais aussi par sa
complicité crasse avec le pouvoir colonial ainsi que par son mutisme envers les
exactions ses membres qui ont commis des milliers d'agressions sexuelles envers
les enfants au cours du 19e et 20e siècle. Ce n'est pas demain que
l'image de cette institution sera réhabilitée pour qui est minimalement
informée.
La preuve du
lien actuel avec le pouvoir colonial
Si l'on souhaitait avoir une preuve de la complicité
actuelle de l'Église du pape François avec le pouvoir colonial et ses suites, nous
n'avons qu'à nous référer à son discours lénifiant sur la feuille d'érable et
le multiculturalisme canadien. Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau,
devait trépigner d'aise à entendre le
pape François se livrer à l'éloge du multiculturalisme alors qu'il était ici
pour faire un pèlerinage pénitentiel à l'endroit des victimes des pensionnats parmi les peuples autochtones. Le pape
François a été mal informé sur la nature du multiculturalisme au Canada. Cette
politique adoptée en 1971 pour contrer
le nationalisme québécois dans la foulée de la Commission Laurendeau-Dunton et
institutionnalisée avec le rapatriement unilatéral de la constitution
canadienne en 1981 est le fer de lance des restes du pouvoir colonial au
Canada. Le pape François en faisant l'éloge de cette politique à prouver que
les repentirs de l'Église envers les peuples autochtones que je peux croire sincères, ne sont pas élargis à la cause du
mal soit à la complicité de son Église avec le pouvoir colonial et ses artefacts
contemporains.
En fait, le pape François pour la réussite de l'opération
de relations publiques de son Église mise d'abord et avant tout sur
l'analphabétisme des citoyens. La pire
manifestation de notre ignorance collective selon le dramaturge allemand Berthold Bretch. Citons ce grand homme de
théâtre « Le pire des analphabètes, c'est l'analphabète politique.Il
n'écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne
sait pas que le coût de la vie, le prix des
haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et
des médicaments dépendent des décisions politiques .L'analphabète politique est
si bête qu'il s'enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu'il déteste la
politique. Il ne sait pas, l'imbécile, que c'est son ignorance politique qui
produit la prostituée, l'enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits
et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds
des entreprises nationales et multinationales. »
Aujourd'hui avec Berthold Bretch, je partage
non indignation envers tous ces analphabètes qui rendent possible et crédible
un discours de promotion du pape François sur les bienfaits du
multiculturalisme canadien. Je dénonce le multiculturalisme papal (« Papalis multicultarismus ») de François ....