Au moment où l'on supprimera des programmes du ministère de l'Éducation
dans les collèges, l'importance de se souvenir de nos liens avec le passé de
l'Antiquité, du Moyen Âge et de la Renaissance apparait on ne peut plus crûment
dans les débats actuels qui ont cours dans l'espace public. Qui apprendra à
notre jeunesse dorénavant qui est Tomás de Torquemada, le grand responsable de l'inquisition
espagnole qui a fait plus de 18 000 victimes au 15e siècle, 10 220 personnes
furent brûlées et 6860 autres condamnés à être brûlées en effigie. Sans
compter le régime de terreur qui s'est abattu sur la population de l'époque.
Les Juifs en particulier ont été l'objet de l'opprobre de Torquemada. Certains
historiens, dont Juan Antonio Llorente, estiment à 2000 le nombre de victimes
juives. Ce qui a fait dire à certains historiens que l'inquisition de Torquemada
fut le premier holocauste de l'histoire. Tout cela au nom de l'unité du
catholicisme dans le royaume et de l'intolérance religieuse par l'Inquisition
de 1478 à 1834. (Source Encyclopedie
Universalis)
Mais que vient faire l'inquisition de Torquemada dans
EstriePlus ce matin ? Il y a selon moi un rapprochement à faire entre
l'intolérance religieuse d'hier et celle qui s'insinue dans nos vies et dans
nos universités aujourd'hui. Réflexions sur l'intolérance contemporaine.
L'intolérance ici et maintenant
Je crois que je n'aurai pas à déployer beaucoup d'efforts
pour obtenir votre aval, chère lectrice et cher lecteur, pour vous convaincre que
nous voyons se déployer sous nos yeux de multiples formes d'intolérance au nom
de principes de bien-pensants. Songeons par exemple à l'intolérance de certains
groupes envers des produits culturels comme la pièce SLĀV de
Robert Lepage ou encore à ces ridicules débats sur les safe space dans
nos universités qui mènent à la censure de conférenciers comme le chroniqueur
et intellectuel Mathieu Bock-Côté à l'Université du Québec à Montréal.
Au nom de grands principes, des groupes s'érigent en censeur
de la bien-pensance et il serait désormais interdit de prononcer certains mots,
de défendre certaines idées dans l'espace public parce qu'ils sont réputés être
des atteintes aux droits de certains. Cela va de l'existence de certains
personnages historiques dans notre mémoire collective à la police de la pensée
qui veut que les blancs soient des victimes des actes de leurs ancêtres pour
les discriminations et les actions qu'ils ont pu faire à l'endroit des
autochtones, des minorités racisées, des femmes et de tous ceux qui se sentent
infériorisés par le système social actuel.
Par exemple, ce débat qui fait rage sur le refus du premier
ministre du Québec de reconnaître le concept de racisme systémique comme étant
la caractérisation de la société québécoise. J'ai eu l'occasion de m'exprimer
sur ces sujets délicats dans des chroniques antérieures, je veux quand même
rappeler ici que je suis plutôt en accord avec notre premier ministre François
Legault sur son approche. Non à une querelle de mots, mais oui à des actions
qui vont enrayer et même faire disparaître le racisme de nos rapports sociaux.
Ceux qui pensent que cela est un débat simple et facile auraient intérêt à lire
la chronique de samedi dernier de Paul
Journet intitulé Tentative de
démêlage collectif parue dans La Presse. Mais le pire de tous les débats c'est celui qui porte atteinte à la
liberté de penser dans nos universités.
L'affaire de l'Université d'Ottawa
Nous avons appris cette semaine que la professeure Verushka Lieutenant-Duval a été suspendue le 23 septembre à la
suite d'une plainte déposée par une étudiante pour avoir prononcé le N-word
interdit dans le cadre d'un cours où elle cherchait à expliquer que certains
termes utilisés contre des minorités dans l'histoire étaient parfois
réappropriés dans un sens positif et formateur pour l'identité du groupe victime
de l'utilisation d'un terme péjoratif à l'origine. Le crime de la professeure
est d'avoir prononcé le mot maudit N-word. Un étudiant de l'Université d'Ottawa
Kerry Menelas a affirmé au journal Le
Droit d'Ottawa que : « Je ne peux pas me permettre de dire qu'elle est
raciste, mais elle a utilisé un mot raciste dans un cours. C'est inacceptable
et c'était aussi un comportement non éthique pour un professeur et
irrespectueux en même temps ». Voici ce que je pense de cela. Cela n'a pas de
bon sens. Pire encore, la direction de l'Université d'Ottawa a agi avec la pire
des lâchetés en suspendant cette professeure et qui plus est sans l'entendre.
Dans quel monde vivons-nous ?
Si cela était un cas isolé, je n'en ferais pas le sujet
d'une chronique, mais rappelez-vous cette autre professeure de l'Université
Concordia qui a été l'objet de représailles pour avoir cité le titre de l'essai
de Pierre Vallières Nègres blancs
d'Amérique sur la situation coloniale, de son point de vue, des Canadiens
français à la sortie des années 1960.
Que fait-on de la liberté
de penser, de la liberté d'expression et surtout de la liberté académique des
professeurs et de la liberté de réfléchir des étudiantes et des étudiants ?
Tout cela crée une atmosphère semblable à celle de la révolution culturelle de
Mao Tsé Toung en Chine et qui a donné lieu à de nombreuses arrestations de Chinoises
et de Chinois qui pensaient le monde différemment. Je compare les situations en
sachant que c'est différent, mais je suis inquiet de voir s'insinuer dans notre
espace public le début d'une intolérance qui peut mener au pire. Cela je le
dénonce de toutes mes forces.
L'exaspération
Ce qui m'exaspère de ce débat c'est que je
suis profondément convaincu que les races, cela n'existe pas. C'est une pure
conception de l'esprit. Pour moi, tous les humains, quels que soient le sexe ou
les affinités qu'ils s'attribuent, qu'importe la couleur de leur peau ou leur
langue, sont égaux et méritent un traitement juste et équitable de l'État et de
nous tous. Bien sûr, le colonialisme, l'esclavage, le capitalisme, le
libéralisme sont autant de phénomènes de société qui ont influencé le cours des
choses. Il y a bien sûr des phénomènes fondés sur l'ignorance et la bêtise qui
s'appelle le racisme, le sexisme, la misogynie, la discrimination et bien
souvent ce sont les femmes, les minorités différentes des majorités qui en font
les frais. Cela c'est du racisme, du sexisme et que sais-je encore. C'est le
devoir des pouvoirs publics de combattre ces phénomènes au nom du fait que nous
sommes tous égaux et que nul ne doit souffrir d'un traitement différencié au
nom de ses caractéristiques personnelles. Cela ne signifie pas pour autant
qu'une collectivité nationale comme la nation québécoise ne doit pas légiférer
pour protéger sa nation, par exemple avec des lois comme la loi 101 afin
de préserver la langue et la culture française et d'assurer la pérennité de
notre petite nation francophone noyée dans un océan anglophone.
Il faut dialoguer bien sûr, mais refuser de discuter sur de
fausses prémisses comme celles que cherchent à nous imposer les nouveaux
Torquemada du 21e siècle au nom d'une bien-pensance. Sinon,
nous ferons face à une nouvelle inquisition...