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Ne tuons pas la beauté du monde

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 20 octobre 2021

On a beau dire, on a beau faire, la pandémie qui sévit parmi nous est loin d'avoir dit son dernier mot. Tous les jours, nous pouvons prendre la mesure des conséquences de ce grand mal du début du 21e siècle qui étend ses tentacules non seulement à notre état de santé physique, mais aussi qui attaque le tissu social et notre capacité de vivre-ensemble. Avec la pandémie, on peine à retrouver le plaisir d'être ensemble comme peut nous offrir les spectacles d'art vivants qui tardent, malgré le relâchement bénéfique des règles sanitaires, à retrouver ses spectateurs et spectatrices. Non la pandémie ne tire pas à sa fin et nous avons encore de nombreuses années à en mesurer toutes les conséquences. Réflexion sur le nouveau monde qui tarde à apparaître.

Dérèglement économique et social

Malgré les chiffres plutôt rassurants sur le taux de croissance économique et de la reprise des activités économiques dans la plupart des secteurs de notre économie, on ne peut pas passer sous silence les profonds dysfonctionnements qui apparaissent ici et là. À commencer par la pénurie de la main-d'œuvre qui inquiète tous les secteurs de l'économie, mais tout particulièrement le réseau de la santé et des services sociaux qui a longtemps fait la fierté de la différence québécoise.

Sur le plan social, on s'est longtemps fait une fierté du modèle québécois qui faisait du Québec une sorte de Scandinavie avec toutes les précautions que nous devons faire preuve avec des métaphores du genre.

Ce modèle québécois craque aujourd'hui de partout. Modèle québécois caractérisé par ses soins de santé gratuits, accessibles et universels, par les garderies à faible coût pour les parents, par le régime de congé parental, par les programmes de discrimination positive pour favoriser une plus grande participation des femmes et des membres des communautés visibles, par un régime de droit civil progressiste faisant une place à toutes et tous en éliminant la discrimination envers celles et ceux qui étaient différents et par notre fierté d'être propriétaire des actifs d'Hydro-Québec. Aujourd'hui, il faut bien se rendre à l'évidence, tout cela est remis en question. Ce n'est pas directement lié à la pandémie de la COVID-19, mais celle-ci a joué le rôle d'accélérateur qui, avec le vieillissement de la population, la perte de confiance dans nos institutions, la montée inexorable de l'individualisme et le consumérisme à outrance.

Celles et ceux qui espéraient un nouveau monde plus juste, plus équitable, plus vert après la pandémie se réveilleront bientôt avec une triste gueule de bois

Le je, me, moi

Jamais dans l'histoire de l'humanité, l'Occident a été aussi près de tomber dans un précipice sans fond, le Québec, bien que distinct, n'en est pas exempt. Pire encore, nous sommes une terre particulièrement hospitalière à ce « je, me, moi » qui étends plus que jamais son emprise sur l'ensemble de la société.

Vous voulez que je vous en donne des exemples, allons-y. Prenons tout d'abord, cette question devenue centrale dans nos débats publics de la vaccination obligatoire dans le secteur de la santé. Et bien, la résistance d'une minorité des gens visés par cette mesure essentielle pour protéger les patients qui fréquentent nos hôpitaux et nos résidences pour aînées, soutenue par les syndicats, aurait eu raison de la puissante machine étatique. Le méchant état québécois n'a pas le droit selon ces défenseurs à tout crin des libertés individuelles d'imposer une telle mesure. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, malgré sa détermination a dû rebrousser chemin, marcher sur la peinture fraiche de sa volonté affirmée et faire marche arrière sur la volonté de son gouvernement d'obliger toutes les travailleuses et tous les travailleurs du secteur de la santé à être vaccinés. Une défaite importante de la solidarité nécessaire entre nous tous pour vaincre ce virus.

Ne lançons pas la pierre et soyons empathiques envers ce ministre qui fait du mieux qu'il peut pour mener notre navire à bon port. Qui n'a pas dans sa propre famille ou dans des familles qu'il côtoie des gens qui de façon déraisonnable refusent de se faire vacciner au nom d'innombrables raisons que je refuse de me faire juge. N'empêche que le refus de participer à l'effort collectif en matière de vaccination n'est pas sans conséquences et constitue un message clair de notre échec à vivre-ensemble. Dans nos vies personnelles, ce sont de petits drames, mais à l'échelle de la société c'est une catastrophe. Prenons à témoin, les bris de service dans notre système de santé qui aurait résulté de la vaccination obligatoire de toutes et de tous dans le secteur de la Santé et de services sociaux. Ce n'est pas un simple dommage collatéral puisque le puissant syndicat des infirmières et des infirmiers, La Fédération des infirmières et des infirmiers du Québec, FIIQ, met en demeure le ministre de mettre fin d'ici le 15 novembre aux heures supplémentaires obligatoires (TSO) même si cela signifie la réduction des services à la population. Dans quel monde vivons-nous ? Celui du : « Je, me, moi » ...

Garder le cap sur l'espoir

Je comprends que cette chronique ne suscite pas l'espoir. Pourtant, je crois qu'il faut garder le cap sur l'espoir. L'espoir en une humanité qui ne cesse de s'améliorer malgré les apparences. La vie que nous menons aujourd'hui est un réel progrès sur celui des contemporains du 19e siècle par exemple. Nous vivons dans un monde bien imparfait et nous aurons à traverser encore de nombreuses embûches. Des défis nous attendent et ceux-ci sont colossaux à commencer par celui de la lutte aux changements climatiques. Dans le brouhaha ambiant, nous pouvons désespérer de ce que nous sommes, mais nous pouvons aussi nous encourager de ce qui est beau dans nos vies. Il faut maintenir le dialogue, faire preuve d'empathie envers celles et ceux qui ne partagent pas notre goût pour la beauté du monde. Nous devons nous réjouir de cette jeunesse qui mène le combat de la lutte aux changements climatiques, de nos artistes qui créent et voisinent la beauté dans leur création, de ces femmes et de ces hommes qui s'engagent encore dans la vie politique pour améliorer le monde dans lequel nous vivons, de ces scientifiques qui ne cessent de faire reculer l'ignorance et qui proposent des solutions pour améliorer notre quotidien et enfin de ces parents dévoués qui ne veulent que le bien de leur progéniture.

Croire à demain

Il faut croire. Croire à demain. Tous ensemble. Nous devons faire cause commune pour un meilleur vivre-ensemble. Il faut être ensemble en ces temps troubles. Il faut nous rappeler que nous ne serons jamais plus fort que les liens que nous tissons avec celles et ceux qui font partie de nos vies. Nous vivons un temps difficile, mais ce n'est pas une raison pour ne pas nous efforcer de composer ensemble un chant commun, un hymne à la beauté du monde comme l'a fait de si brillante façon le parolier québécois Luc Plamondon dans une chanson divinement interprétée par Diane Dufresne :

« Ne tuons pas la beauté du monde
Faisons de la terre un grand jardin
Pour ceux qui viendront après nous »

Luc Plamondon

Ensemble, faisons de cette dernière strophe de la chanson de Plamondon notre hymne à la vie de demain. Ne tuons pas la beauté du monde...

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