Pour l'instant, les mesures
sanitaires sont levées dans presque tous les milieux de travail et il est enfin
permis à l'économie de prendre son envol à nouveau. Mais tout n'est pas facile.
Les ressources humaines se font rares, les augmentations de salaire
vertigineuses et l'inflation omniprésente.
Les entreprises profiteront
peut-être de ce moment pour faire les évaluations de personnel qui avaient été
bien souvent mises de côté depuis mars 2020. C'est parfois lors de ces
entrevues qu'il est discuté des conditions d'emploi et que certaines décisions
se prennent ou encore sont annoncées.
Parfois, ces rencontres font en
sorte que le salarié a une augmentation de salaire, mais aussi certaines
contraintes qui n'existaient pas à l'original dans le contrat de travail. Ce
contrat de travail qui n'a pas besoin d'être écrit pour être valide.
Prenons un exemple fictif :
L'entreprise « Au royaume du bonheur » a profité de sa période de ralentissement
forcée pour repenser ses ressources humaines. Des politiques ont été mises en
place, une nouvelle échelle salariale élaborée et enfin, des contrats d'emploi
ont été rédigés. L'employeur, bien fier du travail accompli, présente le tout à
ses employés sur l'heure du dîner. Pour l'occasion, des boîtes à lunch
individuelles ont été fournies à la totalité des employés présents.
La nouvelle réorganisation
prévoit de belles augmentations de salaire à court terme, mais par contre vient
réduire le nombre de jours de maladie. Le nouveau contrat d'emploi prévoit une
clause de non-concurrence comme le permet l'article 2097 du Code civil. Les
nouvelles politiques prévoient qu'il n'y aura plus de système de bonification
et que les employés auront dorénavant des horaires variables selon les besoins
de l'entreprise. En général, la nouvelle a été très bien accueillie par les
employés. Sauf pour Marie et Tom qui ont chacun respectivement 5 et 4 ans
d'ancienneté, qui restent étrangement silencieux. Après deux mois de ce nouveau
régime, Tom démissionne et Marie peu longtemps après. Marie qui n'a jamais
travaillé de soir trouve pénible le fait d'avoir régulièrement cette plage
horaire dans son horaire. Tom, de son côté, regrette le fait qu'il ne puisse
plus avoir droit à son programme de bonification qui lui ramenait plusieurs
milliers de dollars supplémentaires que ne comble pas la nouvelle échelle
salariale.
Mais est-ce que ces démissions
en sont vraiment? En effet, la jurisprudence tend à assimiler un changement de
conditions de travail comme l'ajout d'une clause de non-concurrence comme étant
un congédiement déguisé et qu'à partir de ce moment, un délai-congé devrait
être donné à l'employé qui « démissionne ». C'est, bien entendu, une analyse
cas par cas. Les tribunaux n'ont pas retenu le fait que l'employeur était de
bonne foi. Donc, il faut surtout retenir qu'avant d'entamer une grande refonte
des ressources humaines de s'assurer que les conditions d'emploi de tous ne
seront pas diminuées.
Une question demeure dans notre
mise en situation. Est-ce que « Au royaume du bonheur » pouvait faire cette
rencontre sur l'heure du dîner en ne payant pas les employés en échange du
lunch qui à lui seul vaut plus qu'une heure de salaire au taux horaire ? La
réponse suivra sous peu......
Karine Jobin, avocate
Monty Sylvestre, conseillers juridiques inc.