L'auteur du livre « De la honte à la fierté : 250 jeunes de la diversité sexuelle se révèlent », Michel Dorais, explique les grandes lignes de son enquête réalisée au mois de mars 2013, auprès de jeunes LGBTQ (lesbiennes, gais, bisexuels, transsexuels, transgenres ou en questionnement), âgés de 14 à 21 ans.
L'ouvrage paru au mois de février dernier dresse un portrait préoccupant qui porte à réflexion. EstriePlus s'est intéressé à recueillir les commentaires de l'auteur et sociologue de profession, Michel Dorais.
Multiplier par 10 pour les jeunes LGBT
La moitié des jeunes intimidés songent au suicide, explique M. Dorais. « 2 à 3 % des adolescents québécois pensent au suicide. Pour les jeunes LGBT, il faut multiplier par dix », regrette-t-il. L'enquête révèle également que les filles homosexuelles ont davantage de problèmes que les garçons homosexuels. « Elles sont beaucoup plus rejetées que les garçons dans leur famille. Elles sont donc un peu plus à risque de tentative de suicide », indique le sociologue. Il est de son avis que les parents sont plus exigeants envers leurs filles, ce qui expliquerait leurs plus grandes difficultés à accepter l'homosexualité de leur fille. « L'enquête indique que 80 % des pères acceptent l'homosexualité de leur garçon et seulement 60 % des pères acceptent l'homosexualité de leur fille. » Une attention particulière doit être portée auprès des jeunes filles lesbiennes, explique M. Dorais qui soutient que les conclusions de son enquête à cet effet sont confirmées par de nombreuses recherches.
Intimidation sur les bancs d'école
Plus de la moitié des jeunes LGBT sont victimes d'intimidation à l'école et 30 % le sont sur une base régulière. Parmi ces derniers, 22 % ont songé au suicide. Une situation que le sociologue juge de « catastrophique ». L'auteur explique que bien qu'il y ait des avancées en terme de droits des personnes homosexuelles, le travail à faire auprès des jeunes doit être permanent : « Les jeunes ont toutes les mêmes réactions lorsqu'il est question de différence. » C'est pourquoi il faut sensibiliser les jeunes pour qu'ils développent une plus grande ouverture d'esprit, juge-t-il. Contrairement aux adultes qui connaissent leurs droits « et savent s'en servir », les jeunes ne sont pas toujours en mesure de bien se défendre, ce qui explique « la grande souffrance de certains jeunes. »
Implication des écoles
Dans les cours d'école, les mots à caractère homophobe (qui réfèrent à la sexualité LGBT) sont toujours utilisés pour insulter les jeunes. L'homophobie est étroitement liée avec le sexisme soutient M. Dorais. « On ne peut pas combattre l'homophobie, sans combattre le sexisme. Les jeunes souffrent beaucoup des rôles masculins et féminins que la société impose. »
L'enquête confirme que les jeunes souhaitent que les « écoles parlent plus d'eux pour combattre l'intimidation ». Bien qu'il y ait plusieurs campagnes menées par les écoles pour contrer l'intimidation, les jeunes estiment qu'on parle peu d'homosexualité, alors que ce sont les jeunes qui sont plus souvent victimes d'intimidation, rappelle le chercheur. Les jeunes ont également fait le souhait d'avoir plus de modèles près d'eux : « Si vous ouvrez la télévision, vous pouvez voir plusieurs modèles LGBT, mais les jeunes ont besoin de modèle dans leur entourage. Les professeurs LGBT, il y en a sans doute, mais pas ouvertement. »
Souffrir d'isolement en campagne
Pour l'auteur, il y a une différence significative entre l'acceptation de la diversité sexuelle en milieu urbain et en milieu rural. L'enquête révèle que « les jeunes qui vont le moins bien parmi les 260 LGBT sont ceux qui viennent de la campagne. Ils souffrent beaucoup d'isolement, ils disent avoir de la difficulté à trouver des jeunes comme eux. »
L'étude a également mis en lumière l'importante sensibilisation opérée dans les écoles des grands centres et à contrario, il y aurait peu d'activité de sensibilisation dans les écoles régionales. « Les jeunes qui se plaignent le plus d'isolement, d'intimidation, de dépression sont ceux qui vivent dans les campagnes. Il y a moins d'associations, moins de lieux physiques pour se rencontrer alors c'est plus difficile », soutient M. Dorais. Être membre d'une minorité est souffrant, raconte le chercheur : « Si vous êtes ostracisé, intimidé, si vos parents vous rejettent, vous avez besoin de réconfort, d'un groupe de soutien », a-t-il conclu.