On raconte qu'un homme de
théâtre de la région, dont nous tairons le nom, avait un certain soir profité
d'une de ses courtes sorties en coulisse pour passer rapido à l'urinoir.
Jusque-là, rien pour écrire à sa mère ou à qui que ce soit me direz-vous, mais
voilà que notre homme était pourvu d'un micro... et que le bruit de la chasse
d'eau aurait fait grand écho.
Légende urbaine ou
anecdote juteuse? Qui sait. Mais, mais, mais, on me souffle à l'oreille qu'en
ces temps modernes où les micros sont monnaie courante au théâtre, l'anecdote
s'est quelques fois répétée depuis, dans les drames comme dans la comédie, et
toujours à la surprise générale.
Parce que tout ne tourne pas
toujours rond sur scène et en coulisses, il faut bien l'avouer.
Des éléments de décor qui
prennent le bord, des comédiens et comédiennes qui vomissent leur trac derrière
un rideau avant d'entrer en scène, des projecteurs qui ne projettent plus et
des trous de mémoire qui se perdent dans le silence, ça fait un peu beaucoup
partie des aléas de l'art vivant, de ce rendez-vous en direct où tout peut
arriver, le meilleur comme le pire.
Commençons par le pas
trop pire, comme cet acteur qui n'a finalement pas fait une longue carrière,
gentiment remercié et jamais rappelé après avoir omis de se pointer un soir de
représentation.
Ou cet autre encore qui,
ayant laissé en coulisses d'un théâtre montréalais son épée empoisonnée,
s'est lancé dans un combat à mains nues qu'il a conclu par un coup de pied
empoisonné en expliquant son geste.
Débrouillard quand même.
Le regretté Robert
Gravel, lui, aura été moins tenace lors d'une représentation des Beaux
Dimanches de Marcel Dubé au TNM. Un peu éméché, Gravel, qui personnifiait
Omer, s'arrête au milieu d'une réplique, complètement largué, avant de se
tourner vers ses compagnons de jeu en leur lançant un mémorable « Ah ! Pis de la marde ! »
L'anecdote, survenue
1993, avait fait le tour du milieu. Gravel, racontait Marie Tifo en entrevue
quelques années plus tard, avait compris qu'un trou de mémoire, ce n'était pas
la fin du monde.
Il y a en effet bien
pire.
Washington, avril 1865,
ce brave Abraham Lincoln assiste au théâtre Ford à la présentation de Our
American Cousin, comédie burlesque de Tom Taylor qui a tourné au drame
lorsque John Wilkes Booth, sympathisant de la cause des États fédérés, s'est
pointé dans la loge du président américain, un couteau dans une main, un
revolver dans l'autre, avant de l'assassiner d'un tir à bout portant.
Oui, j'avoue, c'est
peut-être un peu extrême comme événement hors norme, davantage encore que la
mort sur scène de Molière... qui ne s'est en effet pas déroulée sur scène,
pendant la présentation du Malade imaginaire, tel que le veut la
légende, mais plutôt dans les heures qui ont suivi, alors que l'auteur et
comédien était bel et bien de retour chez lui.
Mais bon, ce n'est pas
nécessaire de mourir non plus.
L'automne dernier, le
comédien français Pierre Arditi, 79 ans, a perdu conscience sur scène pas une,
mais bien deux fois, à quelques semaines d'écart, suscitant la frousse des
collègues et spectateurs. On se rassure, petits malaises sans conséquence,
l'acteur a depuis repris ses activités sur les planches.
Mais parfois, c'est aussi
dans la salle que le malaise survient.
En 2017, on présente au
Hudson Theatre, sur Broadway, une adaptation réservée aux plus de 13 ans du 1984
de George Orwell, perturbant roman écrit en 1949 qui fait plonger le lecteur,
ou dans ce cas-ci le spectateur, dans un univers post guerre nucléaire
totalitaire où la libre expression n'existe plus et où Big Brother is watching
you en permanence.
Sujet d'actualité, soit,
mais voilà, la proposition est d'une telle intensité, les scènes de torture
tellement perturbantes, qu'elles provoquent malaises physiques et
psychologiques chez nombre de spectateurs, à tel point que certains quittent,
mais que d'autres encore perdent conscience ou vomissent dans la salle.
Quand même.
Finalement, le bruit de
la chasse des urinoirs, ce n'est pas trop pire.
Sonia Bolduc
Pour l'équipe du Double
signe
Aux deux semaines, l'équipe du Double signe vous invite à jaser théâtre
afin de partager cette passion de la scène et des coulisses, pour créer des
ponts et se donner le goût de rencontres.
Plus vieille compagnie estrienne de théâtre de création tout
public, le Double signe incarne un phare théâtral pérenne qui rayonne au-delà
des frontières de la région.
Ainsi prenons-nous la pleine mesure de notre posture
d'ambassadeur dans notre communauté artistique locale et nationale.
Nous affirmons haut et fort notre envie de participer à la
conversation théâtrale collective. Nous reconnaissons et valorisons les
bienfaits de la pratique et de la fréquentation des arts de la scène en général
et du théâtre en particulier, et faisons vœu de tout mettre en place pour en
faire profiter le plus grand nombre possible.
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