L'expression
« le petit caporal » est péjorative. À son origine, cette expression fut
utilisée comme surnom à Napoléon Bonaparte pendant la campagne d'Italie
(1799-1800) alors qu'il était 1er consul. Cette expression est
restée, et elle signifie aujourd'hui petit chef, et désigne celui qui a l'allure autoritaire, qui a la
prétention de faire autorité sans
en avoir toujours la fonction officielle.
Dans la présente crise sanitaire, il y a beaucoup de gens qui
n'ont aucune autorité morale ni scientifique pour professer ce qu'il faut faire
ou ne pas faire afin d'enrayer les effets de la présente pandémie. Dans un
contexte où toutes et tous avons la sensibilité à fleur de peau cela devient
lassant et pénible à la fin. Tous ces efforts à discuter et contourner les
consignes, à jouer aux Ti-Jo connaissants, ça devient intenable. Le point sur
la pandémie du point de vue de celles et de ceux qui savent plutôt que celles et
ceux qui prétendent savoir.
La maudite pandémie
Cela fait presque un an déjà que l'on macère dans cette pandémie
qui a bouleversé nos vies. Cela semble une éternité. Pourtant à l'échelle de
l'histoire c'est une bien courte période. Qu'est-ce que 10 mois dans la
vie d'une société ? À peine le bruissement d'une aile de papillon. C'est à nous
demander ce que cette époque aurait fait lors de la Seconde Guerre mondiale
alors que les gens devaient la file pour s'approvisionner en biens essentiels
alimentaires, le sucre, la farine et ce genre de choses. Certes, nous sommes
privés de notre confort habituel, nos repères ne sont plus les mêmes, nous ne
pouvons plus socialiser comme avant et nous sommes privés de nos relations
sociales. Mais il faut en convenir, il y a pire que cela comme catastrophe dans
le monde à l'échelle de la misère humaine.
Il est vrai que si l'on prend la pleine mesure des choses, cette
crise liée à la pandémie nous a révélé beaucoup de choses sur nous-mêmes et sur
notre société. Ainsi, nous avons pu prendre la mesure de la fuite en avant dans
les biens de consommation, de nos efforts à paraître dans cette société où le
Je Me Moi est érigé en parole d'évangile et de notre rapport avec nos aînés que
nous avons parqués dans des CHSLD étaient bel et bien notre réalité. Nous avons
aussi appris qu'une minorité refusait de jouer en équipe même si cela mettait
en péril la santé des autres.
Pourtant, les effets délétères de ce virus sont bel et bien réels.
On approche lentement mais surement des 10 000 décès liés à ce virus
inconnu il y a un an. Notre système de santé a peine à suffire à la tâche, nos
professionnels de la santé sont épuisés, notre système d'éducation n'est pas à
la hauteur du défi et notre volonté d'être solidaire n'est pas si évidente
lorsqu'elle est confrontée à notre petit confort individuel.
L'État sanitaire
De nombreuses voix s'élèvent, elles sont de plus en plus
nombreuses aujourd'hui, contre la mise en place d'un État sanitaire qui nous
prive de nos droits et de nos libertés. Avant de conclure que ces propos ne
sont que le fait de complotistes, il serait sain que nous nous rappelions que
les droits et les libertés dans une société comme la nôtre sont fragiles et
qu'il ne faut pas grand-chose parfois pour que certains se sentent autorisés à
les supprimer au nom d'un certain bien commun. Je ne dis pas que nos
gouvernements ont tort ou qu'ils agissent mal, mais ce que je comprends c'est
que nous devons toujours vouer un respect envers nos droits et nos libertés. La
pandémie ne doit pas devenir une excuse pour que tout soit balayé au nom de la préservation
de notre santé et surtout de notre système de santé. Comme l'a dit un jour
Winston Churchill dans un autre contexte, je paraphrase sa déclaration sur
l'importance de la culture : à quoi ça sert de gagner la guerre si à la
fin nous ne sommes plus ce que nous étions ?
Prenons l'exemple des mesures actuelles, le couvre-feu. Il semble,
même si nous n'avons pas de données probantes évaluées par des scientifiques et
leurs pairs, que cette mesure donne des résultats et que cela a permis de
ralentir la progression des relations sociales que nous avons, ce qui a permis
de diminuer le taux de propagation de la COVID-19 ces derniers jours. Tant
mieux si cette mesure permet de mieux contrôler le virus et de sauvegarder nos
capacités sanitaires, mais il ne faut pas se méprendre, le couvre-feu est une
mesure extrême qui est incompatible avec nos valeurs. Tout démocrate devrait
avoir pour objectif premier de lever ce genre d'interdictions dans les plus
brefs délais. Le couvre-feu est une mesure exceptionnelle et transitoire, mais
elle doit cesser le plus tôt possible.
Il est vrai que si nous n'avions pas une minorité importante qui
cherche constamment à contourner les consignes et qui refuse de reconnaître
l'importance d'être solidaire, nos gouvernements n'auraient pas à mettre en
place de telles mesures. Nous sommes donc collectivement responsables de cette
suppression de nos libertés.
Le cycle de la recherche du coupable
Par ailleurs, il faut aussi dire un mot sur le traitement de cette
crise par les médias et par tous les Ti-Jo connaissants qui s'expriment sur le
sujet dans les réseaux sociaux. Ce qui m'ennuie terriblement c'est cette
recherche persistante du coupable du moment. Un jour, ce sont les gens qui se
rassemblent dans les bars, le lendemain ce sont les adeptes du karaoké, le
surlendemain ce sont les voyageurs. Tout y passe. Cela relève de la pensée
magique. Si le virus est présent, c'est parce que nous avons parmi nous des
gens qui ne respectent pas les consignes. Ce qui est faux à sa face même. Le
virus se propage par les contacts sociaux et il est présent dans notre
communauté et dans toutes les communautés de la planète. C'est un virus mondial
qui fait fi des races, des frontières et du niveau de richesse. Les mesures
mises en place un peu partout contribuent à en ralentir la progression et non
pas à le faire disparaître.
La COVID-19 est parmi nous. Il faut apprendre à vivre avec en
conservant nos valeurs et nos repères. Un jour, vaccination aidant, nous
pourrons prétendre à un retour à une vie normale. Ce jour n'est pas encore
arrivé et il risque de se faire attendre encore pour une bonne période. Les
vaccins c'est bien, mais cela ne règlera pas tout. Qui nous dit que demain à
cause de l'effet pernicieux de la fonte de la calotte glaciaire nous n'aurons
pas à faire face à un nouvel ennemi inconnu aujourd'hui qui menacera une fois
de plus nos vies ?
C'est pourquoi ce que nous devons cultiver c'est la solidarité et
nous devons chercher à taire en nous ces attitudes des Ti-Jo connaissants qui
rendent le tout encore plus difficile pour tous et qui empoisonnent nos
existences. Il faut tuer les petits caporaux en nous...