Le weekend dernier, nous avons eu droit à une sorte de Superbowl de la politique québécoise avec
les rencontres des instances électives de trois des cinq principales formations
politiques présentes sur la scène politique québécoise, la Coalition avenir
Québec, le Parti libéral et Québec solidaire.
C'est bien entendu la rencontre à Jonquière de Québec
solidaire qui soulevait le plus d'intérêt à la suite du bras de fer entre les
partisans de Catherine Dorion, ses sympathisants et l'establishment du
parti avec à sa tête Gabriel Nadeau-Dubois.
Comme c'est souvent le cas, la confrontation appréhendée n'a
pas eu lieu. Un pétard mouillé pour les médias qui avaient tout fait pour
grossir ce désaccord en crise majeure. Chez les caquistes, sauf la sortie du
bon ministre Dubé contre les médecins de famille, la réunion du Conseil
national s'est limitée à l'annonce de la mise sur pied d'une commission
parlementaire transpartisane sur le temps d'écran et les jeunes alors qu'au
Parti libéral du Québec, nous nous sommes évertués à rappeler les mauvais
souvenirs de l'austérité budgétaire du gouvernement de Philippe Couillard. Ah
oui, pas austérité budgétaire, mais rigueur budgétaire, nous a dit le chef
intérimaire, Marc Tanguay.
Pendant ce temps à Gaza, le clan de guerriers de Netanyahou
poursuivait son action assassine contre les femmes et les enfants, les vieillards
palestiniens à Rafah dans la bande de Gaza. Poilievre, notre mini-Trump
canadien, pour sa part, a attaqué la mairesse de Montréal, Valérie Plante,
l'affublant du qualificatif libéral. Surréaliste, vous ne trouvez pas.
Le monde dans lequel nous vivons est complexe, les solutions
à nos problèmes sont difficiles et notre découragement n'ont d'égal que notre
scepticisme. Réfléchissons ensemble, si vous le voulez bien, à notre condition
d'humain en ce 21ᵉ siècle où nous cherchons à cacher la réalité et préférons
entendre des gens qui veulent nous rassurer avec des propos simplets. Il est
temps d'enlever nos lunettes roses.
Un monde complexe
Dans notre
monde complexe, chaotique et interconnecté, l'idée de regarder le monde à
travers des « lunettes roses » - c'est-à-dire de le voir d'une manière
simplifiée et idéalisée, en ignorant sa profonde complexité - peut sembler
attrayante. C'est ce que nous propose la politique de gros bon sens du chef du
Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre qui atteint des sommets de
popularité inégalés dans les sondages ces temps-ci.
Il faut
nous interroger sur cette perspective insistante sur la simplicité et le bon
sens. Celle-ci ne peut que nous conduire à une montée du populisme, mais
également, c'est cette même simplicité qui crée parmi nous une polarisation
croissante, comme au sein des sociétés démocratiques en Occident.
Le
populisme, en sa forme la plus rudimentaire, émane souvent d'une vision
simpliste et dichotomique de la réalité. En revêtant les « lunettes roses » de
la rhétorique populiste, les leaders politiques réduisent les problèmes
complexes en offrant des solutions simplistes et souvent démagogiques à des
enjeux profondément ancrés. Ces solutions en apparence simples, mais souvent
inefficaces trouvent écho auprès d'une partie de la population désireuse de
réponses immédiates à des problèmes complexes et nuancés. Ainsi, le populisme
exploite la vision idéalisée du monde en perceptible avec des « lunettes roses » pour
offrir une réponse réductrice à des enjeux complexes, alimentant ainsi sa
montée dans les sociétés démocratiques.
Parallèlement,
cette tendance à voir le monde de manière simplifiée alimente également la
polarisation sociale et politique. En adoptant une vision idéalisée au moyen de
« lunettes roses », les individus ont tendance à diviser la réalité en
oppositions binaires : le bien et le mal, les « nous » et les « eux ».
Cette polarisation accrue conduit à la formation de camps idéologiques
antagonistes, rendant la communication et le compromis difficiles. Les
individus enfermés dans leur vision simplifiée du monde ont souvent du mal à
comprendre et à accepter des perspectives différentes, renforçant ainsi les
clivages et les tensions au sein des sociétés démocratiques.
Pour un vivre ensemble différent
Dans un
contexte mondial marqué par une montée du populisme et de la polarisation
politique, le concept du « vivre ensemble » se révèle être un remède efficace
pour atténuer les divisions et les conflits qui affligent nos sociétés. Le
vivre ensemble incarne l'idée de coexistence harmonieuse et respectueuse entre
des individus de diverses origines, cultures et croyances, favorisant ainsi la
compréhension mutuelle, la solidarité et la paix sociale.
Le
populisme, caractérisé par la simplification des enjeux politiques, la
stigmatisation des minorités et le rejet de l'establishment politique,
prospère souvent sur les divisions et les peurs au sein de la société. En
favorisant le vivre ensemble, nous encourageons au contraire la reconnaissance
et le respect de la diversité de nos sociétés. En célébrant nos différences et
en valorisant la pluralité des perspectives, le vivre ensemble offre une
alternative constructive au discours populiste en promouvant une vision
inclusive de la société.
De même, la
polarisation politique, qui se traduit par une fragmentation croissante de la
société en factions opposées et hostiles, peut être atténuée par la promotion
du vivre ensemble. En encourageant les échanges interculturels, le dialogue
interreligieux et la coopération entre les différentes communautés, le vivre
ensemble favorise la construction de ponts entre les individus et les groupes
sociaux, contribuant ainsi à réduire les tensions et les conflits. En
promouvant une culture du respect, de l'écoute et de la collaboration, le vivre
ensemble offre un cadre propice à la résolution pacifique des différends et à
la construction d'une société plus juste et équitable.
Par
ailleurs, le vivre ensemble renforce le sentiment d'appartenance à une
communauté diverse et plurielle, permettant aux individus de se reconnaître
dans un projet commun fondé sur le respect mutuel, la solidarité et la
coopération. En favorisant l'inclusion sociale, l'égalité des chances et la
justice pour tous, le vivre ensemble contribue à renforcer le tissu social et à
promouvoir une citoyenneté active et engagée. En cultivant des valeurs de
civisme, de non-discrimination et de pluralisme, le vivre ensemble offre un
cadre idéal pour construire une société résiliente et harmonieuse, capable de
relever les défis du populisme et de la polarisation.
Le vivre
ensemble apparaît comme un antidote essentiel au populisme et à la polarisation
en promouvant des valeurs de respect, de solidarité et de dialogue. En
encourageant la diversité, l'inclusion et la coopération entre les individus et
les groupes sociaux, le vivre ensemble offre une voie alternative et
constructive pour construire des sociétés plus justes, ouvertes et pacifiques.
Ainsi, en cultivant une culture de la tolérance, de la compréhension et de la
collaboration, le vivre ensemble constitue un puissant levier pour contrer les
forces de division et de fragmentation qui menacent notre vivre ensemble
commun.
Abandonner nos lunettes roses
En conclusion, l'utilisation persistante de « lunettes
roses » pour aborder les défis complexes de notre époque peut être pernicieuse.
En encourageant une vision simpliste du monde, le populisme prolifère en
offrant des solutions trompeuses à des problèmes complexes, tandis que la
polarisation s'accroît en fragmentant davantage les sociétés démocratiques.
Pour naviguer avec succès dans ce monde complexe et interconnecté, il est
impératif de regarder au-delà des apparences simplifiées, de reconnaître la
nuance et la complexité des enjeux contemporains et de promouvoir un dialogue
constructif basé sur la diversité des perspectives. En fin de compte, une
vision lucide et objective du monde peut apporter des solutions durables et
inclusives à nos défis communs. Devant ce gros bon sens, de la polarisation et
du pessimisme, il faut opposer un vivre ensemble qui nous permettrait
d'abandonner collectivement nos lunettes roses...