Les Jeux olympiques d'été de Tokyo sont en cours. Comme c'est
l'habitude, cet événement est toujours accompagné de débats avant la tenue de
l'événement concernant les coûts, l'adhésion de la population du pays hôte et
tutti quanti. Les Jeux d'été de Tokyo ont en plus été retardés d'une année à
cause de la pandémie mondiale. Malgré tout, lorsque la cérémonie d'ouverture se
déploie et que les athlètes entrent en scène, on s'abandonne à la magie des
performances et à la beauté du sport. Ainsi va le sport olympique. Cette année,
Les Jeux de Tokyo seront mémorables à cause de la performance exceptionnelle
des athlètes féminines. D'ailleurs, le Canada, au terme des sept premiers jours
de compétition, n'aurait remporté aucune médaille si ce n'était de la
performance des athlètes féminines canadiennes. Les femmes sauvent en quelque
sorte le spectacle. Ce n'est que justice qu'après tant d'années, on mette en
lumière la contribution des athlètes féminines au sport olympique. Réflexion
libre sur la contribution des femmes aux Jeux olympiques d'été de Tokyo.
Le sport, repaire masculin ?
Pendant longtemps, le sport était
le fief réservé aux jeunes hommes. C'est de longues luttes que les femmes ont
pu se faire admettre dans l'enceinte privilégiée réservée à ces humains d'exception
que l'on érige bien souvent en demi-dieux. C'est aux Jeux de 1900 à Paris que les femmes prennent part pour la
première fois aux Jeux olympiques. Sur un total de 997 athlètes, 22 femmes
concourent dans cinq sports : le tennis, la voile, le croquet, l'équitation
et le golf.
Depuis
les choses ont profondément changé, le CIO s'est engagé pour l'égalité des
sexes dans le sport. Il est écrit dans la Charte olympique, chapitre 1,
règle 2.8, que
le rôle du CIO « est d'encourager et soutenir la promotion des femmes dans le
sport, à tous les niveaux et dans toutes les structures, dans le but de mettre
en œuvre le principe d'égalité entre hommes et femmes. » De grands
progrès ont été accomplis en ce qui concerne la promotion de l'égalité des
sexes en termes d'équilibre entre athlètes masculins et féminins participant
aux jeux, de possibilités de développement des capacités de diriger, de
campagnes de sensibilisation, et plus récemment, en nommant des femmes à des
postes de responsabilités au sein de l'administration et de la gouvernance. Avec
l'ajout de la boxe féminine au programme olympique, les Jeux à Londres en 2012
sont les premiers où les femmes concourent dans tous les sports au programme.
Depuis 1991, tout nouveau sport souhaitant être inclus au programme olympique
doit obligatoirement comporter des épreuves féminines. Aux Jeux de Rio en 2016,
45 % des athlètes sont des femmes. En ce qui concerne les Jeux de Tokyo,
c'est la première fois que nous avons droit à des jeux paritaires, ou presque,
alors que près de 49 % des athlètes sont des femmes. Ce sont les premiers
jeux de l'histoire olympique qui respecte le principe d'équilibre des sexes.
C'est aussi la première fois que chaque équipe nationale doit avoir en son sein
au moins un athlète de chaque sexe. Des pas de géants ont été accomplis, mais
ce n'est pas encore suffisant.
Le
sport : dernier bastion masculin
Quoi
que l'on puisse en dire, le sport demeure aujourd'hui un bastion hégémonique
pour les hommes selon l'opinion de Guylaine
Demers, professeure titulaire au Département d'éducation physique de
l'Université Laval et experte internationale sur les questions d'égalité et de
discrimination dans le sport.
Dans
une entrevue accordée au journal Le Devoir
le 20 juillet dernier, la professeure de l'Université Laval trouve que
mettre la lumière sur l'aspect paritaire de la participation des athlètes féminines
c'est regarder un seul bout du tableau. Elle a déclaré au Devoir :
« Mais si l'on porte attention à l'ensemble de l'œuvre, le bilan est bien moins
reluisant. Les chiffres globaux sur le nombre d'athlètes cachent d'importantes
disparités entre les pays. Dans certains endroits, il est encore presque
impossible pour les femmes de seulement rêver de se rendre aux Jeux. Mais le
prochain enjeu majeur porte sur tout le reste. Lorsqu'on regarde la place des
femmes dans le personnel d'entraîneurs, parmi les officiels, dans les équipes
de soutien médical et technique, dans les postes de direction... On se rend
compte que ça ne bouge vraiment pas vite. Pour les postes d'entraîneurs, je
dirais même qu'on est pris dans la bouette. »
La
professeure Demers ajoute, toujours selon l'article du Devoir paru le 20 juillet,
« Le Québec et le Canada ne font pas tellement mieux à ce chapitre, en 2019,
seulement 19 % de l'ensemble des entraîneurs-chefs en sport organisé
étaient des femmes, tous niveaux confondus. Cette proportion était un peu plus
élevée aux niveaux collégial et universitaire, avec 28 %, mais nettement
plus faible dans l'équipe olympique canadienne aux derniers Jeux d'été de Rio
et d'hiver de Pyeongchang, avec respectivement 17 % et 11 % de
l'ensemble des entraîneurs. Quant aux femmes qui ont une place dans les
conseils d'administration des fédérations sportives québécoises, elles sont à
peine moins rares, à 22 %. »
Guylaine
Demers a terminé son entrevue par une formule choc : « Au risque de sonner
comme une professeure d'université, on voit bien là que le sport est l'un des
derniers bastions de l'hégémonie masculine. En sport de haut niveau, la
question est importante, parce que les femmes aussi devraient pouvoir aspirer à
atteindre des sommets dans leur sport - non seulement comme athlètes, mais
aussi comme entraîneuses, officielles ou dirigeantes. »
Valoriser
le sport au féminin
Comme
de nombreuses autres questions concernant l'égalité réelle des hommes et des
femmes, malgré les progrès accomplis, il reste beaucoup de chemin à parcourir
pour vivre une pleine égalité entre les athlètes masculins et féminins. Il y a
des lueurs d'espoir. Par exemple, cette innovation des épreuves de compétition
mixte notamment en natation. Cela a pour effet de voir les performances des
athlètes féminines sans le préjugé qu'elles sont moins intéressantes à regarder
parce que moins performantes. Ce qui apparaît comme un leurre pour celles et
ceux qui ont vu la performance exceptionnelle de la gardienne Stéphanie Labbé
contre le Brésil en tir de barrage, ce qui a permis de propulser le Canada en
demi-finale contre les États-Unis. Que dire des performances de Maude Charron
en haltérophilie ou encore celle de nos avironneuses ou de Penny Oleksiak en
natation avec ses nombreuses médailles ?
Les
performances sportives des athlètes féminines à ces jeux olympiques d'été de
Tokyo sont spectaculaires et suscitent de l'intérêt. Cela est encore plus vrai
pour les athlètes canadiennes sans lesquelles le Canada serait sans médailles
au terme de la première semaine des compétitions.
Ce
qui doit cependant retenir toute notre attention c'est que la présence des
femmes dans le sport olympique de haut niveau ne change pas le niveau de
performance ni l'intérêt du spectacle, mais vient humaniser le sport. Je pense
ici à la décision de la super-athlète américaine en gymnastique, une surdouée,
Simone Biles, qui a décidé de se retirer de la compétition pour préserver sa
santé mentale, malgré le fait que ces choses-là ne se font pas. Non seulement
elle brise le plafond de verre de l'invincibilité et de l'invisibilité de
l'athlète au profit de son sport pour parler librement et ouvertement de ses
problèmes d'équilibre mental. C'est en quelque sorte rafraîchissant dans un
monde de performance. La santé mentale est de moins en moins un sujet tabou et
des gestes comme ceux posés par la jeune Simone Biles contribueront à faire en
sorte que de moins en moins de gens souffriront en silence de leur maladie
mentale. Voilà pourquoi nous pouvons nous réjouir d'avoir plus dans l'avenir
des Jeux olympiques au féminin...