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Les Fadaises de la bonne conscience

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 7 juillet 2021

La découverte des restes d'enfants de Premières Nations aux abords des pensionnats dans l'Ouest canadien constitue un traumatisme pour la bonne conscience du Canada. Cela dans la perspective canadienne. Pour les Premières Nations, c'est pire. C'est la confirmation de souffrances de milliers de familles et la preuve documentée d'un génocide et d'une politique d'assimilation. Voilà pourquoi il se trouvait de nombreuses personnes qui se voulaient les thuriféraires de l'annulation des célébrations de la fête du Canada. Pourtant, annuler les célébrations qui soulignent une fête nationale d'un pays ne peut servir d'échappatoire à une réelle reconnaissance de qui nous sommes et de comment nous le sommes devenus. Réflexion libre sur des éléments épars de la condition humaine et des sociétés.

Les pays sont des outres de violence

Si on commence par le commencement. On reconnaîtra que tous les pays se sont construits sur de la violence. Le Canada s'est fait par le vol des terres de ses habitants premiers et par les tentatives d'assimilations de ces mêmes populations par les armes ou la prière. Que l'on tente d'exterminer des populations par les armes comme l'ont fait les Britanniques ou par la conversion des âmes comme l'ont fait les Français, l'objectif demeure fondamentalement le même, l'assimilation et la soumission d'humains à un ordre qui cherche à devenir une norme. Les États-Unis d'Amérique est un pays qui a volé le sang de l'Afrique pour se constituer en puissance économique après avoir exterminé les peuples autochtones. On assiste au même procédé violent en Amérique latine où les Espagnols ont fait preuve d'une cruauté que nous avons peine à nous rappeler en tant qu'Occidentaux tant cela nous fait honte à la lumière de nos valeurs humanistes d'aujourd'hui.

La France, L'Angleterre, l'Espagne, tous les pays se sont construits sur la violence et sur l'exploitation d'une frange ou d'une autre de la population du territoire où ils se sont constitués. Les pays, les entités nationales d'aujourd'hui ont souvent un passé peu glorieux. Un passé que l'on cherche à oublier ou à nier. Comme l'écrivait Jean-François Lisée dans Le Devoir du samedi 3 juillet dernier : « La reconnaissance de périodes noires, voire funestes, dans l'histoire d'une nation est davantage la règle que l'exception. Les vieux pays ont pillé et massacré à intervalles réguliers. L'Espagne porte à son débit l'expulsion des juifs, l'inquisition et le massacre des Aztèques et des Mayas. La France, la terreur et la colonisation. Le Royaume-Uni, la meurtrière répression des indépendantistes indiens, la guerre biologique contre les Autochtones d'Amérique, la déportation des Acadiens, la liste est longue. Même des nations plus jeunes, comme les États-Unis, portent les stigmates de l'esclavage, du vol des territoires mexicain et autochtone. J'en passe. Et combien de générations faudra-t-il aux Allemands pour expier complètement Hitler ? » À cet égard, Le Canada ne fait pas exception. Tout projet de construction nationale a ses parts d'ombre et de lumières. Au Canada, l'ombre se tapit dans le sort réservé aux autochtones et aux Canadiens français. Les deux groupes ont été la cible de tentative de politique d'assimilation même s'il faut reconnaître que les peuples autochtones ont eu moins de succès dans leur résistance.

La leçon d'Haïti

Dans l'histoire de l'humanité, on peut trouver une grande exception non pas à un pays qui s'est bâti sur la violence, mais un exemple où c'est la violence des victimes qui ont donné naissance à un pays. Je pense à Haïti. À Haïti, on assiste à la première révolte d'esclaves réussie du monde moderne. C'est ce que l'on appelle la révolution haïtienne. Les historiens situent traditionnellement son départ lors de la cérémonie vaudou du Bois Caïman en août 1791. Après treize années de conflit armé qui a fait des dizaines de milliers de morts et l'émigration massive de quasiment toute la population blanche de la colonie, Haïti établit en 1804 la première république noire libre et française du monde succédant ainsi à la colonie française de Saint-Domingue, mais sans que les conflits armés cessent. Haïti pourrait nous apprendre de grandes leçons si l'on se donnait la peine d'y prêter attention.

Peuple fier avec une diaspora implantée au Québec, le peuple haïtien a réussi tant bien que mal à se débarrasser des chaînes de l'esclavage, mais son histoire témoigne que cela n'a pas donné les résultats souhaités et que même ce pays construit comme les autres sur la violence ne donne pas matière à célébrer

Une évidence s'impose à quiconque cherche à comprendre le monde dans lequel nous vivons. Rarement, nos constructions imaginaires de la réalité reflètent la complexité du réel. Ainsi en va-t-il du sentiment national qu'il soit canadien ou québécois. Nous sommes prisonniers des mythes et des légendes que nos esprits chagrins se plaisent à croire pour adoucir la dureté du réel.

Le mythe des Glorieux

Un exemple parmi tant d'autres. Le mythe des Canadiens de Montréal en faisant le porte-étendard de la nation canadienne-française largement répercuté par l'histoire du joueur étoile Maurice Richard et de l'émeute du 17 mars 1955. La foule s'est révoltée et elle a cherché à s'en prendre au président de la Ligue nationale de hockey, Clarence Campbell parce qu'il avait suspendu leur idole à la suite d'événements disgracieux ayant eu lieu deux jours plutôt à Boston. Les Montréalais ont senti que l'un des leurs était victime d'une grave injustice.

Cet événement joint aux succès de l'équipe de hockey au fil des ans avec du personnel francophone a largement bâti la réputation de glorieux de ce club de hockey. Pourtant, le club du Hockey des Canadiens de Montréal a longuement appartenu à la famille Molson de Montréal. Le patriarche John Molson fut l'un des hommes d'affaires les plus prospères du Canada au 19e siècle. À sa mort, en janvier 1836, Molson compte parmi les plus importants hommes d'affaires de Montréal. Propriétaire d'une brasserie et d'une distillerie dirigées par ses fils Thomas et William, il contrôle aussi une grande compagnie de navigation à vapeur sur le Saint-Laurent, que John, l'aîné, administre. Il faut s'arrêter un moment à ce John Jr Molson qui a été l'un des activistes les plus actifs dans l'incendie du parlement de Montréal en 1848 en guise de riposte à l'intention de dédommager les victimes de l'armée anglaise durant le soulèvement des patriotes. Revenons à l'émeute dirigée contre les Canadiens français de l'époque et l'un de ses plus actifs acteurs était le fils aîné de John Molson. Il est ironique de constater plus de 172 ans plus tard que l'un des ancêtres de cette famille Geoff Molson est propriétaire de l'un des plus grands symboles de l'identité canadienne-française devenue québécoise. Ce qui me fait dire que les constructions nationales et idéologiques ne sont que des fadaises pour les bonnes consciences...



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