Incroyable, mais vrai. La campagne électorale fédérale,
terne à souhait, vient réveiller de vieux démons au Canada anglais à l'endroit
du Québec et laisse le Québec pantois devant l'expression d'un mépris
décomplexé à l'égard de la langue et de la culture française. Nul Québécois ne
peut rester indifférent devant la charge de la modératrice Shachi Kurl, de
l'entreprise de sondage Angus, à l'endroit du chef du Bloc québécois, Yves-François
Blanchet. Cela a marqué le débat en langue anglaise jeudi dernier et redonné de
l'élan à la campagne du Bloc au Québec. La sortie énergique du premier ministre
Legault dans son uniforme de capitaine Québec est venue confirmer son
intervention musclée dans une campagne électorale fédérale. Réflexions libres
sur une élection aux allures improbables.
Les débats
La semaine dernière, nous avons eu droit à deux débats électoraux
du consortium des médias mercredi avec le débat en français et jeudi avec le
débat en anglais. Des débats, un mot peut-être trop fort, pour décrire les
échanges aseptisés des chefs en présence. N'eût été l'intervention largement
médiatisée de la modératrice Shachi Kurl au débat anglais, ces événements
auraient été de non-événements. Il faut dire, je l'écrivais dans ma dernière
chronique, que la présente campagne électorale ne donne pas lieu à de
véritables confrontations d'idées sur les véritables enjeux qui préoccupent les
Canadiennes et les Canadiens. À titre d'illustration, il est évident que la
lutte aux changements climatiques sera un enjeu majeur non seulement pour le
Canada, mais pour l'ensemble de la planète. On en parle bien sûr. On devise sur
le mérite des uns et des autres, mais on perd la citoyenne ou le citoyen dans
des débats de pourcentage de réduction du taux d'émission de gaz à effet de
serre dans des horizons temporels lointains sans dire un mot sur ce que
signifiera la chute du taux d'émission dans nos vies quotidiennes dans nos façons
de nous alimenter, de voyager, d'habiter nos quartiers et même de travailler et
de nous recréer. La lutte aux changements climatiques se traduira à terme par
des changements majeurs dans nos modes de vie. Qui des chefs en présence
parlent de ces enjeux. La chef du Parti vert, Annamie Paul, n'en fait même pas son
crédo. C'est tout dire.
Armes à feu, financement de la santé, pandémie, politique
internationale, immigration, querelles de juridictions fédérales-provinciales,
avortement, liberté religieuse et réconciliation avec les peuples premiers du
Canada, tous des thèmes effleurés, mais qui ne font pas l'objet de véritables
débats et d'échanges qui permettraient aux Canadiennes et aux Canadiens de bien
saisir l'ampleur des enjeux soulevés. Les débats des chefs sont des formules à
revoir et la couverture médiatique des campagnes électorales devrait faire la
différence entre ce que constitue une approche qui favorise les débats et les
échanges d'idées et celle qui privilégie la mise en contradiction systématique
des positions des partis afin de favoriser une course de chevaux où nous sommes
invités à prédire les gagnants à l'aide des analystes et des commentateurs. Il
serait plus indiqué que l'on mette en contexte la nécessité de préserver la
culture et de la langue française en Amérique du Nord plutôt que de démoniser
une autorité qui doit protéger sa collectivité française dans un océan
anglophone. Cela serait plus indiqué que de se livrer à du Quebec bashing...
Quebec Bashing
Ce n'est pas d'aujourd'hui que les élites canadiennes-anglaises
tout particulièrement celles qui proviennent du milieu des médias ou des
intellectuels se cambrent contre le Québec. Pendant longtemps, le Québec a été
vu comme une Priest-riding Society, peuplé de sorte d'attardés mentaux
rébarbatifs à la démocratie. Le père de l'actuel premier ministre du Canada
Justin Trudeau, Pierre Elliott Trudeau a jadis écrit que les Québécois
n'aimaient pas la démocratie. Dans l'histoire politique canadienne, il n'y a
pas que la chef du Parti vert, Annamie Paul, qui voulait éduquer les Québécois.
Cette idée purement canadienne-anglaise que le Canada était supérieur
moralement au Québec n'est pas apparue jeudi soir dernier. Le mépris à
l'endroit du Québec est à la mode au Canada. Rappelons l'affaire Alexandra
Duval, les hauts cris de certains quant à l'affirmation nationale du Québec par
la défense de sa langue et de sa culture et bien sûr toutes ces fadaises sur le
racisme présumé du Québec qui s'exprime à la fois par la Loi 21 sur la laïcité
et son refus de reconnaître la présence de discrimination systémique sur son
territoire par le gouvernement du Québec.
Pourtant, ce regard méprisant pourrait faire son
autocritique s'il se donnait la peine de regarder les faits quant au traitement
réservé aux minorités dans l'histoire. Le Québec n'a sûrement pas de leçons à
recevoir des élites canadiennes qui ont enfermé les Premières Nations dans des
réserves et qui ont des conditions de vie qui rivalisent avec celles que nous
pouvons retrouver dans les pays les plus pauvres du monde. Un Canada élitiste
toujours prêt à défendre une minorité, mais qui refuse de reconnaître la
discrimination systémique du Québec français au Canada. Si le Canada ne veut
plus du Québec, il devrait en prendre acte et nous le dire. Au fond ce qui
passe mal pour le Canada anglais c'est qu'au Québec il existe une communauté
majoritaire francophone qui a des valeurs similaires à celles qui prévalent
chez nos voisins canadiens. Ils n'ont pas le monopole de la vertu. Cela se
traduit par du mépris...
Les dés sont jetés
Quoi que l'on puisse penser de l'opportunité ou non
d'inviter les Canadiennes et les Canadiens aux urnes, nous y sommes. Nous
devons nous choisir un gouvernement en pleine crise de 4e vague
de la pandémie de la COVID-19 et de ses variants. D'ailleurs, le vote a commencé
ce dernier weekend. J'ai été voté vendredi dernier au Club de golf de
Sherbrooke. Dans un bureau de scrutin, tout parait normal. Il y a une affluence
régulière au bureau de scrutin même s'il est trop tôt pour savoir s'il y aura
un effet pandémie sur le taux de participation électorale.
Le vin est tiré. Il faut choisir laquelle des formations
politiques en présence est la plus apte à combattre la pandémie et à relancer
notre économie. Il est hasardeux de penser aujourd'hui que nous retrouverons
notre vie d'avant. La crise actuelle bat au rythme d'une quatrième vague, celle
des non-vaccinées et de la lutte aux changements climatiques et de ses effets
destructeurs sur nos vies ont des chances de faire de l'actuelle crise un faible
reflet de ce qui nous attend au tournant de la deuxième moitié du 21e siècle
au Canada.
Il reste que choisir un candidat pour lequel nous allons
voter est un exercice plutôt facile si nous le faisons avec une grille
d'analyse sur les éléments qui sont fondamentaux pour nous. De toutes les
questions présentement au programme politique, il m'apparaît que c'est la lutte
aux changements climatiques qui est la plus urgente. La question de la
réconciliation, quel drôle de mot j'y préfère reconnaissance, avec les peuples
autochtones est aussi en tête de ma liste. La question du financement du
système de santé devrait aussi être l'objet des préoccupations des Canadiennes
et des Canadiens tout comme l'inflation et l'équilibre budgétaire.
Non, je n'ai pas trouvé dans une formation politique en
présence la satisfaction de tous mes critères avec toutes les nuances que la
complexité du réel nécessite, j'ai cependant fait un choix éclairé à mon sens.
Un choix libre de toute influence, même pas celle du premier ministre Legault
qui m'indiquait pour qui ne pas voter. J'ai trop confiance à votre jugement et
à votre intelligence pour vous dire pour qui ou pourquoi voter. Je vous
reparlerai des résultats de cette drôle d'élection dans ma prochaine chronique
du 22 septembre.
En attendant, je vous souhaite bon vote et j'espère que tout
comme moi vous ferez un choix éclairé et que vous refusiez de voter pour vous
donner bonne conscience...