Je l'ai écrit dans mes chroniques précédentes, l'actuelle
campagne électorale québécoise est prévisible, convenue et divertissante. Elle
est au diapason de ce que nous sommes. En fait, cette campagne électorale
mériterait de faire l'objet de recherches par les sociologues tant elle est
révélatrice de notre époque. Je suis persuadé que les historiens de demain
auront pour objet de recherche ce moment que nous vivons comme un point de
bascule où la démocratie libérale se sera transformée. C'est pour moi un objet
de curiosité d'un incroyable intérêt.
La dernière semaine écoulée ne vient pas contredire mon
sentiment. Nous avons droit au cirque ordinaire d'une campagne électorale au 21e siècle
au Québec. Le débat sur le débat fait rage. Le réseau TVA et ses thuriféraires
patentés cherchent à convaincre, cote d'écoute à l'appui, que le Face-à-Face
entre les chefs diffusés sur leurs ondes a été déterminant. Les sondages
d'opinion se contredisent, le cirque politique est à son paroxysme. Pourtant la
population demeure dubitative. Elle se demande si elle doit croire à celles et à
ceux qui dépensent notre argent sans compter ou qui souhaitent augmenter nos
taxes pour nous obliger à modifier nos comportements afin de sauver la planète
sans nous dire que ce qu'il souhaite au fond c'est la fin de notre mode de vie
actuel pour être remplacée par un monde nouveau de partage, de solidarité et
d'humanité. Nous votons tous pour l'épiphanie d'un monde meilleur et plus
juste. Cela va de soi. Retour sur le cirque d'une campagne électorale étonnante
et ma foi décevante.
Les chefs en performance
La dernière semaine aura été marquée par la diffusion du Face-à-Face
sur les ondes du réseau TVA jeudi soir dernier. Événement soigneusement mis en
scène tant par les participants que par le diffuseur. Tapis rouge, accueil des
chefs, diffusion de photos prédébat, retour de la grande vedette Pierre Bruneau
sorti de sa retraite, émission d'avant-match, d'après match avec la période de
questions des chefs. Nous allons voir et sentir l'état des lieux dans le
vestiaire. Puis, les jours qui suivent, nous avons droit au débat sur le débat
qui aux dires du sondeur Jean-Marc Léger est un moment crucial de la campagne.
Le moment où nous nous formons vraiment notre opinion qui sera porteuse du
choix du Québec pour son avenir.
Le débat qui a eu lieu est à mon avis le pire débat face à
face de l'histoire. Un débat ou le format ne convient plus à la présence de
cinq candidats. Le temps imparti aux échanges pour chacun des chefs accentue la
nécessité de le transformer en concours de clips de 15 à 20 secondes.
D'ailleurs, les analystes ne retiennent que des impressions fugaces et des
clips comme celui de Nadeau-Dubois utilisé contre Duhaime « vous devriez vous
présenter au Texas » alors que celui-ci a rétorqué qu'il avait la « gentillesse
de ne pas lui suggérer de se présenter à Cuba. » En un coup de cuillère, les
deux protagonistes venaient d'étiqueter son adversaire, l'un accusant l'autre
d'être de droite ou de gauche. Il y a aussi cet échange entre Legault et
Duhaime où l'un accuse l'autre d'être le plus grand « confineur » de
l'histoire, normal il n'y a pas eu de pandémie depuis plus de 100 ans
alors son adversaire rétorque que pendant que tous ramaient dans le même sens,
lui « il lançait une roche dans le fond de la chaloupe. » Cela ne nous apprend
rien sur le contenu des programmes des partis politiques en présence. Ce sont
des effets de toge, des clips qui font de la bonne télé, mais de la mauvaise
politique.
Dans cette cacophonie assourdissante, il y avait de quoi
perdre son attention pour un électeur moyen. De mon point de vue, le grand
gagnant de ce débat a été Paul St-Pierre Plamondon qui a été de loin le plus
posé, le plus rassembleur et celui qui a cherché à respecter notre intelligence
collective. Son problème c'est que son argumentation tournait court puisque la
solution à tous nos problèmes c'est de faire l'indépendance du Québec. Le pays
du Québec remède à tous nos problèmes. Fallait y penser.
Gabriel Nadeau-Dubois a été excellent dans le rôle du
premier de classe, arrogant et à la limite fendant, mais pas plus que les
autres il n'a pas répondu aux questions fondamentales que posent son programme
politique. Quels sacrifices, quelle facette de notre mode de vie remet-il en
question par sa volonté de lutter contre les changements climatiques ? On n'a
pas dénoté chez Nadeau-Dubois l'honnêteté minimale que l'on retrouve chez les
vrais écologistes qui nous disent que lutter contre les changements climatiques
c'est mettre fin à l'autosolo, à l'habitation dans des maisons unifamiliales, à
une alimentation carnée et j'en passe. Tout cela sans que personne ne réponde
vraiment à la vraie question qu'est l'impact de ses sacrifices que nous ferions
collectivement sur le sort de la planète aux prises avec la lutte aux
changements climatiques. Les statistiques par personne de production de gaz à
effet de serre obscurcissent le fait tout simple que le Québec comme
territoire, somme toute, fait mieux en cette matière que tous les États
américains et toutes les provinces canadiennes. Ça, monsieur Legault a eu le
mérite de le rappeler.
Au prix de la meilleure performance à la production de la
cacophonie, la cheffe libérale Dominique Anglade a remporté les grands honneurs
suivis de près par Gabriel Nadeau-Dubois et Éric Duhaime. Les plus posés et
polis ont été sans conteste le premier ministre Legault, mais la palme du
respect de l'autre est remportée par le chef du Parti québécois Paul St-Pierre
Plamondon. Je ne sais pas pour vous, mais moi je n'ai rien appris de ce débat
sur mon choix. La formule est à revoir.
En région pendant ce temps
Chez nous en Estrie, la campagne s'est aussi mise en marche.
Il y a eu aussi un débat à la Chambre de commerce et de l'industrie au Club de
golf de Sherbrooke, débat diffusé sur les ondes de la radio locale de Cogeco.
Un débat qui avait une bien meilleure tenue que celui de TVA du lendemain. Je
l'ai écouté en différé, car au moment du débat je ne pouvais être présent. Il n'y
a pas eu de cacophonie. Félicitations à Martin Pelletier pour son animation et
pour la pertinence des questions. Ce débat a révélé que la candidate du parti
conservateur, Zoé Saint-Amand, était mal préparée et ne connaissait pas
vraiment ses dossiers, que le candidat libéral François Vaes était plutôt sur
le mode agressif, alors que la candidate de la CAQ, Caroline St-Hilaire
connaissait très bien les enjeux de notre région et de la ville et faisait
preuve de beaucoup d'expérience.
Le débat a aussi révélé que la députée sortante et candidate
de Québec solidaire, Christine Labrie, était dévouée à son travail de militante
professionnelle à Sherbrooke, mais qu'elle n'était pas une représentante de
tous, elle n'a jamais rencontré la Chambre de commerce et de l'industrie en
quatre ans par exemple. Le candidat du parti québécois, Yves Bérubé-Lauzière a
très bien fait et il est apparu comme un homme intelligent aux propos sensés.
Il n'y a pas eu de gagnants ou de perdants à ce débat, mais les gens présents
et à l'écoute ont appris sur la position des différents partisans en lice dans
le comté de Sherbrooke.
Au moment où cette chronique est écrite (dimanche 18 septembre),
j'apprends la nouvelle la plus stupéfiante de la campagne au Québec. Québec
Solidaire a promis de dépenser 4,2 milliards pour développer deux lignes
de tramway et neuf lignes d'autobus à haute fréquence. Je suis sidéré. Personne
n'a jamais évoqué cela à Sherbrooke. La Ville de Sherbrooke dans son plan de
mobilité durable n'a jamais évoqué un projet. On vient nous plaquer un projet
coûteux dont il n'existe aucune étude sérieuse sur l'opportunité, la
faisabilité et sa rentabilité. Les solidaires devraient ressortir leur
rhétorique sur le troisième lien. Celle-ci pourra servir à invalider ce projet
farfelu pour une ville comme la nôtre. En quoi investir dans un réseau
d'autobus électriques avec voies réservées, qui seraient selon moi beaucoup
moins coûteux et plus adaptés à une ville de la taille de Sherbrooke, est moins
efficace pour diminuer les gaz à effet de serre qu'un ésotérique tramway. Au
moins si on en parlait comme attraction touristique. Nous vivons vraiment au
pays des licornes.