Voilà,
c'est fait. Le pape est passé nous voir. Et il est reparti.
«Veni,
vidi, vici », disait Jules César. « Je suis venu, j'ai vu, j'ai
vaincu. »
Pour le
pape, ça se résume à « Je suis venu, j'ai vu et j'ai demandé pardon pour
avoir essayé de vaincre par tous les moyens, incluant les plus vicieux »
Je sais,
ma mère me l'a rappelé : ce n'est pas le Pape qui a tout fait ça. Oui,
mais il porte le « jacket » de chef des prêtres. C'est à lui de
donner la direction à ses ouailles et de porter le chapeau.
J'ai
jeté un œil intéressé à cette visite. C'est un événement, quand même.
Je l'ai
fait en accompagnant ma mère dans l'exercice. Elle y tenait plus que moi,
j'avoue. Même si sa foi est forte, elle n'en revient pas du sort réservé aux
jeunes autochtones. Et elle trouve répugnants les abus (sexuels et autres) subis
par ces enfants, tout autant que la façon annoncée et assumée de tout faire
pour briser une culture, pour anéantir les racines d'un peuple installé sur ses
terres depuis quelques millénaires.
Les
excuses
Franchement,
je les ai trouvées bien, dans l'ensemble. J'ai trouvé, en fait, qu'il était
moins encarcané dans un cadre de communication qui veut dire peu en essayant de
faire croire qu'il dit beaucoup. Vous savez, ce qu'on entend souvent :
« sans admission de notre part, nous tenons à nous excuser auprès de
quiconque aurait pu se sentir, de façon plus ou moins directe, offusqué ou brimé
de telle ou telle situation »...
Bien
sûr, après, j'ai entendu les commentaires. « Il n'a pas dit ce mot, cette
phrase ». « Il ne m'a pas convaincu ». « Ce n'est pas
suffisant ».
On
s'attendait à quoi, au juste?
Qu'en
écoutant le pape, les victimes sentent la chape de plomb des conséquences
perdre tout son poids sur leurs épaules?
Un
pardon est une démarche. Essentielle démarche pour espérer une suite. Dans le
mot démarche, il y a le mot marche. Marcher demande qu'on se laisse le temps
d'avancer.
Est-ce
que la marche sera significative? Ça, ce sera à suivre.
C'est
comme un parent qui reçoit, en cour, les excuses de la personne qui a tué son
enfant. Le geste a une valeur, mais ne ramène pas l'enfant à la vie.
Je
retiens ceci, par exemple : quand une victime décide de pardonner à
l'agresseur, elle prend surtout la décision de mettre la rancœur et la haine de
côté. La victime se donne alors une chance d'avancer.
C'est
aussi ça, la marche dans le mot démarche.
La
date de péremption
J'ai été
frappé de cette image d'une église dont les acteurs (prêtres, évêques et
autres) sont vieillissants. Sur l'écran radar, très peu de jeunes personnes en
soutane. Et presque juste des hommes.
Le
décalage avec la société dans laquelle on vit m'a sauté aux yeux. On ne parle
pas d'une institution en renouvellement.
Lors de
la visite, les foules ne se sont pas massées comme prévu. Ou comme ça avait été
le cas en 1984 alors que des ailes jeunesse de l'Église catholique s'étaient
fait voir et entendre de belle façon. C'était au siècle dernier, visiblement!
Le
rituel
Les
peuples autochtones ont mis en place des rituels intéressants pour marquer les
étapes de leur vie personnelle et collective. Au centre de ces rituels, il n'y
a pas un dieu comme on l'entend généralement. Il y a « Mère Nature »,
celle qui crée la vie et qui ne peut le faire que si on la respecte. (on
devrait résolument s'inspirer de cette philosophie, me dis-je...)
Lorsque
les représentants des peuples autochtones se sont rendus rencontrer le pape à
Rome, ils avaient apporté 2 paires de mocassins qu'ils ont remis au pape en
l'invitant à venir les rencontrer au Canada. Les mocassins signifiaient
justement cette invitation à marcher ensemble vers le pardon et la réparation.
Le Pape devait rapporter les mocassins s'il acceptait. Ce qu'il a fait.
Je l'ai
dit souvent et je le pense de plus en plus. En lieu et place des protocoles
souvent guindés et vaniteux, on devrait introduire des rituels à nos actions et
rencontres.
Le Pape
est parti. Reste la marche...
Clin
d'œil de la semaine
Ironique
de voir qu'un Pape, qui sert de papa à son groupe, dans la définition même de
son nom, vienne s'excuser auprès des autochtones qui mette la « Mère
Nature » au centre de tout...