Hommes et femmes aspirent au bonheur. Tous, personnes
racisées, genrées et non genrés, souhaitent le respect et la sécurité. C'est
légitime. C'est ce qu'a conceptualisé la politologue et philosophe Hannah
Arendt dans son concept de la « vie bonne ». La présente campagne électorale ne
semble pas aller dans cette direction si nous en croyons les manchettes des
médias concernant la violence envers nos élus. Pas besoin de vous dire que je
trouve cela inacceptable que des candidates et des candidats soient menacés ou
intimidés. Les menaces de mort envers la candidate libérale Marwah Rizqy, le
vandalisme au bureau de son collègue Enrico Ciccone et les propos disgracieux
sur les égouts sociaux sont intolérables et doivent être dénoncés.
Il n'en demeure pas moins que ces faits bien que préoccupant
ne sont pas aussi prégnants que l'on veut bien nous le faire croire les
manchettes des principaux médias. Si cela colore la présente campagne
électorale, cela ne la révèle pas dans sa véritable essence. Je n'aurais pas
pensé cela, mais cette campagne électorale aux résultats prévisibles est loin
d'être ennuyeuse. Bien au contraire. Elle est palpitante tant au Québec que
dans notre région. Pleins feux sur la première semaine de campagne électorale...
Les partis se
positionnent et se définissent
Comme c'est d'usage, la première semaine d'une campagne
électorale vise trois objectifs pour tous les partis. Le premier, c'est de se
positionner dans un créneau particulier, une niche où l'on pense faire le plus
grand gain d'électeurs. Le second c'est de dévoiler des engagements politiques,
des orientations qui vont à la fois définir l'âme du parti et qui chercheront à
galvaniser l'appui de la population. Le troisième objectif est de définir ses
adversaires en les campant dans une position. Par exemple, l'expression
suivante : les libéraux sont le parti des Anglais, Québec solidaire sont
des pelleteux de nuages, la CAQ c'est un ramassis de vieux libéraux et de vieux
péquistes, le PQ va disparaître et enfin les conservateurs sont un nid de
complotistes. Ces raccourcis pour définir l'autre sont les thèmes principaux
des commentaires des partisans des uns et des autres à l'endroit de leurs
adversaires. Vous conviendrez avec moi que cela ne vole pas haut.
D'ailleurs à ce sujet précis sur le niveau d'intelligence
que l'on peut retrouver dans les commentaires politiques sur les réseaux
sociaux c'est généralement pauvre intellectuellement. Les réseaux sociaux sont
un lieu où l'on retrouve de nombreuses attaques lamentables et de mauvais goûts,
mais elles ne relèvent pas toutes du registre du discours haineux. Comme
l'écrit Bryan Miles dans l'édition du Le Devoir du 2 septembre
dernier en éditorial : « De nombreuses attaques lamentables sont à ranger
dans la catégorie du mauvais goût, de la vulgarité, de l'injure et de
l'imbécillité crasse... Dans leur indignation compréhensible, les élus doivent
garder le sens des proportions. Les hurluberlus qui comptent leurs abonnés sur
les doigts d'une main sur les réseaux sociaux ne méritent pas toujours notre
attention. Ils crient dans le vide : qu'on laisse leur écho de leur propre
bêtise enterrer leur vacuité. » Des propos sages et pleins de bon sens que je
fais mien.
Des identités bien
affirmées...
Si je reviens à l'essentiel soit le positionnement des
partis dans la première semaine de campagne, nous pouvons convenir que c'est
plutôt réussi pour chacun des partis, même si l'on doit noter que certaines
formations politiques présentent des lacunes inexplicables qui entraîneront des
conséquences sur le résultat de l'élection.
La palme d'or du positionnement revient pour la première
semaine au Parti québécois de Paul St-Pierre Plamondon. Retranché dans les
bas-fonds des sondages d'opinion, le Parti québécois a mené une excellente
première semaine de campagne. Son chef fait preuve d'un dynamisme contagieux en
se positionnant dans ses thèmes fondateurs la langue et le pays. Il a réussi à
s'inscrire dans la conversation publique. À mon avis, c'est un véritable tour
de force.
La palme d'argent sera décernée ex aequo à Québec Solidaire,
à la Coalition avenir Québec et au Parti conservateur. Québec solidaire a
réussi son pari de s'inscrire dans la conversation comme principal adversaire
du gouvernement de la Coalition avenir Québec. C'est incontestable que c'est ce
qui a de plus opposé à la CAQ comme valeurs et idéologies de parti. Gabriel
Nadeau-Dubois, l'un des personnages politiques les plus talentueux de cette
campagne semble réussir le recentrage de son parti vers une version plus
social-démocrate qui ressemble à bien des égards au Parti québécois des années 1970.
Il faudra surveiller ce Gabriel Nadeau-Dubois, il a du Mario Dumont dans le
nez. La Coalition avenir Québec mène une excellente campagne en dépit de celles
et ceux qui veulent faire croire à des dérapages avec des événements comme la
madame ou la bonne ride. D'ailleurs, la confusion actuelle autour des
divers engagements des différents partis engagés dans cette campagne où tout se
ressemble ne peut que favoriser la CAQ. La CAQ, rappelons-le, a formé un
gouvernement dont près de 60 % des gens étaient satisfaits. Quant au parti
conservateur d'Éric Duhaime, c'est un véritable tour de force pour son chef
d'avoir réussi à s'imposer autant dans la conversation de cette campagne. Ses
positions fortes pour la liberté, la taille de l'État, l'exploitation des
ressources naturelles et le définancement des CPE sont singulières et
distinguent ce parti de tous les autres. Il reste qu'il est vrai que parmi ses
supporteurs on retrouve beaucoup d'hurluberlus qui sévissent sur les réseaux
sociaux et cela nécessite que monsieur Duhaime lance un rappel à l'ordre s'il
souhaite voir son parti progresser dans les résultats des prochaines élections.
On ne peut pas bâtir une alternative de gouvernement sur la colère et la haine.
C'est le parti libéral de Dominique Anglade qui récolte la
palme de bronze. Le dynamisme, l'intelligence, la détermination et le courage
de la cheffe ne sont pas en cause dans ce résultat, mais la piètre qualité de
l'organisation électorale plombe la campagne de la cheffe. Le Parti libéral du
Québec n'est plus l'ombre de lui-même. Cela se répercute dans sa capacité
d'attraction de candidates et de candidats et par le fait que des gens aussi
influents qu'Yvon Vallières, une figure avantageusement connue des libéraux en
Estrie, appuie la candidature d'Éric Lefebvre le député sortant de la CAQ dans
le comté d'Arthabaska. Chose certaine, madame Anglade, que j'ai déjà qualifiée
de mère courage dans l'une de mes chroniques, aura besoin de beaucoup de ce
courage pour terminer cette campagne.
En région, chez nous
Chez nous, la campagne se déroule rondement. Nous pouvons
nous féliciter de la qualité des personnes qui s'affrontent. L'équipe de députées
et de députés que nous avions était de fort bonne tenue alors que les
adversaires notamment Québec solidaire présente une équipe solide avec les
Catherine (clin d'œil madame Christine) Labrie, Mélissa Généreux et Philippe
Pagé. Pour le Parti québécois aussi on note la qualité des gens qui postulent
notre confiance. Les libéraux présentent un candidat solide dans Sherbrooke et
une figure avantageusement connue dans Saint-François. Je connais moins les
candidats du Parti conservateur pour avoir un jugement sur ces candidats. Il
faut aussi dire que madame Caroline St Hilaire est une formidable candidate
pour la CAQ dans Sherbrooke, une femme déterminée, expérimentée et sympathique.
Nous pouvons nous féliciter de compter sur des candidatures de cette qualité
dans la ville de Sherbrooke.
Il faut aussi noter que la première semaine de
campagne aura donné lieu à un engagement majeur à Sherbrooke concernant l'école
Mitchell-Montcalm, il faut s'en réjouir et célébrer le prélude de
l'aboutissement de ce vieux dossier, j'ai aussi été intéressé par l'engagement
des candidates et candidats de la CAQ sur les grands rendez-vous de Sherbrooke.
Cela ressemble à l'un des ingrédients de la recette Gagnon-Tremblay qui a fait
la fortune de notre région pendant plus de 25 ans. Je vous en reparle la
semaine prochaine alors que je commenterai la sortie de l'autobiographie de
madame Monique Gagnon-Tremblay, une grande dame de la politique québécoise,
quelqu'une qui a su donner un sens au concept d'Hannah Arend de la vie bonne...