« Ouin,
je sais pas trop, là, maman... mais on mange du spaghetti! »
Je
répondais ainsi à ma mère qui se demandait si j'allais assez bien pour souper.
Assez bien au sens où les dernières 24 heures de ma vie avaient
brillamment démontré la pertinence des installations sanitaires dans nos
maisons modernes.
« Tu
sais sens assez bien pour souper? »
Le
spaghetti aux boulettes de ma mère est un élément marquant de ma jeunesse. Je
ne badine même pas! Maman prenait soin de façonner, à la main, des dizaines de
boulettes de viande qui meublait sa sauce à spaghetti. Je me souviens de ma
déception, au restaurant, un beau jour, quand mon assiette de « spaghetti
boulettes de viande » est arrivée sur ma table :
une grosse boulette déposée au centre du plat comme une météorite tombée d'on
ne sait où...
Le
spaghetti...
Je sais,
il faudrait probablement dire les spaghettis. Mais bon, pour moi, c'était un
plat, une entité, une affaire bien plus grande qu'un repas!
La sauce
à spag, c'est une source de réconfort, de joie, de rejet, de conflit,
d'acceptation, de modernité et de repère.
« Tu
y vas pas un peu fort? »
« Pantoute !
T'chèque ben! »
C'est
d'abord un réconfort. Pour le ventre, sûrement. C'est nourrissant, satisfaisant,
plein d'énergie, en fait! Un repas qui avait le pouvoir de me réconcilier la
vie quand ça allait moins bien. Ou qui portait une puissante dose de joie quand
il célébrait, ma foi, n'importe quel évènement! L'odeur même d'une sauce à spag
qui mijote est une source de réconfort, de joie attendue et de paix, rien de
moins!
C'est
une source de conflits, aussi! Comme cette fois, dans la boutique de la Réserve
du Cafetier où je travaillais, il y a... longtemps! On y vendait du café, bien
sûr, mais aussi toutes sortes de bidules de cuisine marqués du sceau du
designer. Parmi les bidules, un « portionneur »
pour le spaghetti. Une plaquette de plastique rouge pompier et perforée de
trois trous de dimensions variables. Pour 1, 2 ou 3 portions de spaghettis.
Une dame s'exclame : « C'est donc bien génial! »
Une autre dame, qui assiste à la scène, s'insurge : « Moi,
ma mère, elle savait exactement comment placer ses doigts pour portionner le
spaghetti. Pas besoin de ça! »
Ma mère
est plus forte que la tienne! Pis la sauce de ma mère est meilleure que celle
de ta mère!
Beaucoup
trop d'agressivité pour si peu!
Conflit
aussi dans certains couples : mais quelle sauce à spaghetti adopterons-nous
? Pas simple... Et quand le consensus était fait et que le couple résistait, une
ultime étape demeurait : recevoir la maman « adverse »
avec la sauce ennemie! Si ça passait le test, c'est une sorte de rituel
initiatique d'acceptation réussi! Sinon, ben, ça dépendait!
Ah! Oui,
autre situation conflictuelle : il suffit de manger ton spaghetti avec une
fourchette ou, pire, de le couper, pour risquer l'exclusion d'une communauté,
d'un groupe! Le jugement envers celles et ceux (dont je suis, lapidez-moi!) qui
coupent les spaghettis pour se sustenter peut être impitoyable. Pas de procès
possible. Pas d'explications.
Honnis
soient qui mal y mangent!
Le
spaghetti s'est aussi introduit dans la modernité! 1 famille sur 2 est
redéfinie, disons-le ainsi. Le papa a donc souvent introduit, tant bien que mal,
la sauce à spaghetti dans l'alimentation de ses oisillons. Par souci de leur
procurer une source de réconfort, sûrement, mais pourquoi pas, en même temps,
donner une jambette non perceptible à la sauce de l'ex ?
Allez,
on s'amuse, ne vous choquez pas pour si peu!
La sauce
à spaghetti, dans bien des familles, est un repère solide. Comme chez mon amie
Pascale. Là-bas, le samedi soir, c'était sacré. Le spaghetti était au menu.
J'en parle parce que j'ai pu partager le rituel à 2 reprises. La table
animée, les pitreries continues d'un des grands frères... J'avais l'impression de
vivre un moment privilégié.
Le
spaghetti n'est donc pas une anecdote dans un menu. C'est un ancrage. Un repas
réconfort. Un mets accessible. Il me semble qu'il est universel...
Mais j'arrête
là la réflexion.
J'ai
faim!
Clin
d'oeil de la semaine
Le
spaghetti : un mets si universel dans la forme et tellement personnel dans
la fabrication!