L'équipe de hockey des Canadiens
de Montréal occupe une place démesurée dans l'imaginaire symbolique du Québec.
Toute la mise en marché de cette équipe sportive s'appuie sur les ressorts
inconscients du cerveau de ses partisans. L'imaginaire de l'univers mental du
Canadien fait appel à des sentiments comme la fierté, la détermination, l'oubli
de soi pour l'équipe ou à des concepts guerriers : les porteurs de
flambeau, la flamme d'une grande tradition, etc. En son temps, l'une des plus
grandes icônes de l'équipe de Montréal, le regretté Maurice Richard, a été
associée à la résistance des Canadiens français contre l'Autre, l'Anglais.
Cette mythologie autour de la mise en marché de l'équipe a été savamment
entretenue au fil des ans. Si bien qu'aujourd'hui l'équipe des Canadiens de
Montréal peine à réussir à se maintenir à la hauteur des standards de ses
promesses. Montréal est réputée pour avoir des partisans de hockey connaisseurs
et exigeants et qui sont assoiffés de la conquête de la Coupe Stanley, emblème
de l'excellence dans le sport professionnel du hockey sur glace. Pourtant, ça
fait plus de 25 ans que cela n'est pas arrivé.
Or, voilà que cette grande
équipe, l'équipe qui fait la fierté du Québec, a présenté un alignement pour un
match la semaine dernière dans lequel il n'avait aucun joueur issu du Québec. Le
Journal de Montréal et le réseau des sports de TVA en ont fait grand cas. À
tel point, que même le premier ministre François Legault a commenté le fait. Par
Québécois, même si on prenait des précautions pour affirmer que l'on entendait
par là quelqu'un qui était né au Québec et qui avait grandi sur ce territoire. Il
était sous-entendu dans les commentaires que ce qui posait problème c'est qu'il
n'y avait pas suffisamment de francophones de souche dans l'équipe. Comme dans
bien des occasions où les Canadiens sont dans la discussion, cette affaire
donne dans la démesure. Il faut rappeler que le hockey c'est d'abord et avant tout
un jeu et un spectacle très lucratif pour ses promoteurs et ses artisans.
Observations sur le phénomène que représentent les Canadiens de Montréal pour
le Québec...
Une soupape importante
D'entrée
de jeu, il faut dire qu'il n'est pas étonnant que l'équipe des Canadiens de
Montréal occupe une large place dans l'espace public québécois et le cirque
médiatique. Les Canadiens de Montréal occupent un si grand espace dans
l'univers mental des Québécoises et des Québécois que les autres organisations sportives
professionnelles montréalaises ont peine à faire leur place au soleil. Pour
s'en convaincre, il faut demander aux dirigeants des autres équipes sportives
comme les Alouettes de Montréal au football, au FC Montréal au soccer ou les
défunts Expos de Montréal au baseball, si Montréal est une ville exclusivement
hockey. La plupart s'ils répondent avec sincérité répondront vraisemblablement
que Montréal est une ville quasi exclusivement hockey.
Bien sûr, les gens
s'intéresseront au sort de ses autres équipes professionnelles si elles
présentent des équipes gagnantes, mais malheur à elles si elles connaissent une
saison ordinaire ou pire encore une mauvaise saison. La désaffection sera
immédiate et ces organisations en ressentiront durement les effets dans
l'achalandage de la participation du public à leurs matchs locaux. Ce n'est pas
sorcier, les Canadiens de Montréal sont quasi une religion avec son culte et
ses grands prêtres.
En temps de pandémie, cela était
encore plus manifeste. Regarder un match des Canadiens de Montréal était un
exutoire obligé. Pris dans nos résidences, sans contacts sociaux, plusieurs se
sont réfugiés dans leur passion pour le hockey sur glace et pour les Canadiens.
Ce fut une soupape qui a aidé plusieurs d'entre nous à passer les très longs
mois d'isolement durant la dernière année.
La saison des attentes
S'il y a un domaine où la pandémie a eu un côté
positif, c'est vers les Canadiens de Montréal qu'il faut porter notre regard. À
l'issue d'une autre saison de misère l'année dernière, l'équipe de Montréal
était une fois de plus éliminée de la « vraie saison », celle des séries
éliminatoires qui mènent à la détermination du champion de la Coupe Stanley.
Or, pandémie oblige, la Ligue nationale de hockey a dû mettre fin à ses
opérations avant la fin de la dernière saison en mars 2020. Coup de théâtre à
la reprise des activités dans des bulles sanitaires, les Canadiens de Montréal sont
retrouvés dans les séries qui se sont déroulées l'été dernier et contre toute
attente, le club de Claude Julien a fait plutôt bonne figure en disposant des
Penguins de Pittsburgh avant de s'incliner en ayant vendu chèrement sa peau
contre les Flyers de Philadelphie.
Il
n'en fallait pas plus pour qu'une frénésie s'empare de l'équipe de direction des
Canadiens et de son directeur général, Marc Bergevin qui a connu un été de
rêves en signant plusieurs excellents joueurs afin de compléter son équipe pour
qu'elle participe aux séries dans l'avenir, mais qu'en plus, selon les propos
de Bergevin, « elle fasse beaucoup de dommages ». De nouveaux visages comme
ceux de Josh Anderson, Tyler Toffoli, Jake Allen, Joel Edmundson, Corey Perry
se sont ajouté à un noyau prometteur constitué des vétérans Shea Weber et Carey
Price, des valeurs établies de Jonathan Drouin, Brendan Gallagher, Phillip
Danault, Joël Armia, Paul Byron, Artturi Lehkonen et
des recrues prometteuses comme Nick Suzuki, Jesperi Kotkaniemi et Aleksandr
Romanov.
Les adversaires de la division
nord auraient une solide équipe de hockey à jouer contre s'ils voulaient faire
leur place dans les séries. Les Canadiens étaient de retour. Après un départ
fulgurant, l'équipe s'est enferrée dans la médiocrité et le manque de
constance. Cela a couté le poste d'entraîneurs à Claude Julien, Kirk Muller et
Stéphane Waite. Les blessés ont décimé l'équipe, de plus, Jonathan Drouin est
parti chez lui victime de la trop grande pression et les Canadiens ont assuré leur
place en séries à l'avant-dernier match avec la récolte du petit point qui lui
manquait et ont terminé leur saison avec cinq défaites et une équipe décimée.
Demain, une nouvelle saison commence et les Canadiens affronteront les Maple
Leafs de Toronto dans une série de quatre de sept en quart de finale.
La quête du Saint Graal
Malgré
les évidences, les commentateurs sportifs ne finissent plus d'analyser les
chances des Canadiens contre les Maple Leafs de Toronto. On analyse sur toutes
les coutures un jeu pourtant simple et on mêle cela au jeu des prédictions
concernant la carrière de l'entraîneur-chef par intérim, Dominique Ducharme, du
directeur général Marc Bergevin, de la possibilité de ne pas protéger le
défenseur étoile Shea Weber, de la possibilité de laisser aller le gardien
étoile Carey Price au profit du repêchage spécial de l'expansion qui accueille
cette année une nouvelle équipe le Kraken de Seattle et des performances
attendues du nouveau prodige franc-tireur, le jeune et prometteur Cole
Caufield, un Américain malheureusement. Quel bonheur sut été si Caufield avait
été un Québécois francophone de souche ! Tiens j'ai une idée, échangeons
Caufield aux Rangers de New York contre Alexis Lafrenière... Vous aurez compris
que je fais de l'ironie. Mon propos ce matin ne vise qu'à vous faire réfléchir
à la religiosité du phénomène des Canadiens de Montréal au Québec. En tous cas,
attacher bien vos lunettes de soleil, ça commence demain. À mon avis, le
résultat prévisible va se traduire par une victoire des Maple Leafs de Toronto
en cinq parties. Dans ce cas, il y aura toujours un sauveur en attente. Cette
fois, il s'agit de Patrick Roy pour remplacer Marc Bergevin. Ainsi va la vie de
la Sainte-Flanelle...