J'ai
souvent parlé de mes anciens professeurs. Plusieurs m'ont marqué. Denis Charest
et Robert Milot en sont. Je nomme ces deux-là particulièrement pour une raison
qui était évidente, mais dont je viens de prendre conscience.
Les deux
profs m'enseignaient respectivement le français et l'histoire. M. Charest m'a
enseigné (entre autres!) que le contexte de la phrase pouvait donner différents
sens à un même groupe de mots. M. Milot, s'il nous racontait une guerre,
évitait de tomber dans les bons et les méchants. Il nous a fait comprendre que
même si elle souligne un acte de bravoure, une médaille a toujours deux côtés.
Ces deux
enseignements m'ont amené à entendre et lire les choses différemment dans
quelques situations ces dernières années.
La
relecture qui dévoile
Je ne
sais pas pourquoi, c'est presque biologique. Le rythme résolument western d'une
pièce musicale, surtout lorsque c'est appuyé d'une trop évidente « steel
guitar », joue sur mon système nerveux de façon négative. Comme une
allergie.
En fait,
c'est comme être allergique au pollen : ce n'est pas un jugement de valeur
envers les plantes, c'est une allergie!
Pourtant,
des fois, comme ça, sans qu'on ne s'y attende, la relecture d'une œuvre est
proposée. Ainsi, j'avais catégorisé « Mille après mille » de Willie
Lamothe dans la colonne allergique. Voilà que j'ai été bousculé par la valeur
du texte lorsque servi via la relecture de Fred Pellerin. Un rythme
complètement différent a d'abord agi comme un comprimé de Claritin sur moi.
Puis, doucement, le texte a dévoilé son histoire. Parce que servi différemment.
Parce que relu, je crois bien.
Une
histoire de quête qui colle tellement à nos vies. La quête de ce bonheur qui
nous échappe. Ce sentiment de ne pas pouvoir exprimer correctement ce qu'on
ressent quand on est dans la même pièce que l'autre, mais qu'on aurait le goût
de crier quand on est loin.
C'est
ça, la maturité d'un texte, d'une poésie: le pouvoir de semer des images
différentes dans la tête de personnes aussi différentes.
Plus
tard, Louis-Jean Cormier sort sa guitare et, avec la douceur qui le caractérise
bien, propose une nouvelle approche de « Ce soir, l'amour est dans tes
yeux » de Martine St-Clair.
Encore
une fois, l'enrobage m'avait éloigné de l'œuvre. Pour moi, c'était une chanson
rose bonbon. Ce rose qui peut être tentant, mais qui tombe sur le cœur assez
vite ensuite. Encore une fois, c'est une réaction épidermique chez moi. Même
chez les allergiques au pollen, tout le monde ne réagit pas aux mêmes plantes.
N'y voyez pas d'offense, surtout!
Mais
quand Cormier brise le rythme pour attaquer doucement le refrain, disons que
les phrases « ce soir, l'amour est dans tes yeux, mais demain matin,
m'aimeras-tu un peu » dévoilent subitement, à mon oreille, toute la notion
de l'engagement. Toute l'importance des promesses faites parfois sans trop réfléchir
et qu'on oublie trop vite, faute de réflexion, probablement.
C'est ce
que j'entends par la relecture qui dévoile.
Il y a
plus de 25 ans, Piché chantait : « une sensation m'envahit, quand
j'entrevois tes yeux ». Une phrase marquante pour moi quand j'ai rencontré
celle qui marche à mes côtés depuis.
Et j'ai
réalisé, quand j'ai entendu Vincent Vallières relire la Dame en bleu de Michel
Louvain, qu'une phrase tout aussi belle y était, mais que je n'entendais pas
parce que l'enrobage me rendait sourd à la poésie toute simple de la
phrase : « à cause d'un regard, maintenant plus rien ne nous
sépare ».
L'amour
n'est pas quelque chose de rationnel qu'on encadre avec sa volonté. Piché et
Louvain ont chanté la même chose, de façon différente.
Au
revoir, M. Louvain
Ça fait quand
même un bout que j'ai décidé de ne plus bouder le plaisir de fredonner des airs
de Louvain. Disons que c'était rare qu'en prenant une bière avec les amis,
quelqu'un dise: "il est hot, Louvain"! Pourtant, l'homme est marquant
pour sa qualité fondamentale d'être humain. Il incarne la classe, mais surtout,
la constance dans la classe. La constance dans le respect. Il a été parodié,
souvent ridiculisé. S'il n'a pas sombré, c'est probablement à cause de cette
bouée qu'il chérissait sans prétention aucune : son public.
Sa
foisonnante et florissante carrière, étalée sur plus de soixante ans, est une
leçon d'humilité profonde dont on a bien besoin quand on constate les dérapages
multiples des gens parvenus à une popularité dans le showbusiness.
Se
rappeler Monsieur Louvain devient une source d'inspiration solide. Ce n'est pas
rien comme empreinte!
Je lui
dis simplement au revoir parce que sa marque va demeurer présente. Ce qui est vrai
marque la pierre pour toujours.
Clin
d'œil de la semaine
Une
relecture des oeuvres de Normand L'Amour ne m'a pas permis d'introspection
digne d'une chronique...