La campagne électorale québécoise est tout sauf ennuyeuse. Cinq
chefs, cinq partis. Des engagements nombreux. Des thèmes majeurs sont abordés.
Le clivage ancien entre souverainistes et fédéralistes a été remplacé par le double
clivage droite-gauche et celui de l'identité et de la diversité. Malgré
l'avance insurmontable dans les sondages de la Coalition avenir Québec, on
trouve quand même notre intérêt quand on se donne la peine de suivre cette
campagne au quotidien.
La dernière semaine n'a pas fait exception. Après la baisse
d'impôt selon des modalités diverses pour les libéraux, les caquistes et les
conservateurs, il y a la volonté d'augmenter les impôts et les taxes de Québec
solidaire. De mon point de vue ce qui caractérise la campagne électorale de la
dernière semaine, c'est l'implosion de Québec solidaire en plein vol avec son
plan de hausse d'impôt pour les ultrariches et son plan ambitieux, voire
irréaliste, en matière de changements climatiques. Réflexions autour d'une
campagne électorale mouvementée...
Le nouveau visage de Québec solidaire
Depuis l'accession de Gabriel Nadeau-Dubois, comme candidat
pour devenir premier ministre, on a bien senti la volonté de recentrage de
cette formation politique pour élargir son auditoire électoral. Longtemps
considéré comme la conscience sociale de l'Assemblée nationale avec les Amir
Khadir et Françoise David, Québec solidaire a cherché à se donner une nouvelle
respectabilité. Cela a commencé par le recrutement des candidates et des
candidats où, on doit l'admettre, Québec solidaire a réussi à attirer des
personnalités d'envergure. Cela est particulièrement palpable chez nous en
Estrie avec le recrutement de Philippe Pagé et de Mélissa Généreux.
On a pu le voir aussi dans les communications préélectorales
de Québec solidaire où on a voulu convaincre de la solidité de l'expertise
économique au sein de cette formation politique. Par ailleurs, porter le
drapeau d'un plan ambitieux en matière de changements climatiques cautionnés
par des experts était une excellente trouvaille. Cela a eu son effet. Là où le
bât blesse, c'est que les approches préconisées par les penseurs de Québec
solidaire en matière de fiscalité, de justice sociale et de changements
climatiques ne passent pas le test de la réalité. À commencer par cette
définition de qui est un ultrariche. Nombreux sont les experts qui ont pointé
le fait que posséder un actif d'un million de dollars est aujourd'hui assez
commun pour la classe moyenne étant donné les éléments pris en compte pour
établir la valeur des actifs. Une maison payée, un fonds de pension d'employés
de l'État par exemple suffisent pour faire un millionnaire. Certes, on ne veut
pas chiquer la guenille, mais force est d'admettre que cette politique est
plutôt rébarbative pour plusieurs Québécoises et plusieurs Québécois.
L'idée de taxer à 35 % les héritages n'est pas l'idée
du siècle. Je sais que d'autres pays le font, mais ce n'est pas une raison pour
que l'État québécois s'empare de plus de 70 % des revenus gagnés par une
personne une fois celle-ci décédée en venant ponctionner l'héritage de ses
enfants. La solidarité, je veux bien, mais les vols, non.
Quant aux changements climatiques, nous sommes nombreux à
comprendre qu'il faut agir, mais cette action ne peut pas, malgré l'urgence que
doit nous inspirer l'état des lieux, se faire en porte à faux avec la
population concernée. Il y a quelque chose de malsain dans le discours de cet aréopage
d'écologistes patentés qui dictent des solutions théoriques comme ne plus manger
de viandes, ne plus consommer de lait, ne plus voyager en avion, bannir les
autos solos et n'utiliser que le transport en commun et vivre dans des édifices
de 10 étages. C'est une certitude absolue que cela diminuera les gaz à
effet de serre produits sur le territoire du Québec. Outre le fait que ces
changements doivent se faire par la sensibilisation et l'éducation, ils doivent
aussi être graduels. Nous ne vivons pas dans une dictature comme la Chine où
l'on peut imposer à la population du Québec une modification draconienne de son
mode de vie. Il restera toujours une question lancinante et pénible, à quoi
sert tout ce spectacle quand on pense que tous ces efforts et ces sacrifices
disparaitront en moins d'un an par l'augmentation des gaz à effet de serre en
Chine. Je veux bien que le Québec fasse plus pour contrer l'augmentation des
gaz à effet de serre, mais je ne suis pas certain de vouloir que nous devenions
les martyrs volontaires de lutte aux changements climatiques. La population ne
suivra pas Québec solidaire dans ces lubies.
En région pendant ce temps...
Chez nous en Estrie, les candidates et les candidats sont
très actifs et les caravanes des chefs s'y arrêtent souvent. Le tourisme
politique est en hausse. J'ai écouté en différé le débat qui a eu lieu sur les
ondes d'ICI Radio-Canada PREMIÈRE
dans le cadre de l'émission Midi info
d'Alec Castonguay. J'ai trouvé le discours des différents candidats inégaux
même s'ils devaient aborder des sujets importants pour nous comme la crise du
logement, l'inflation et l'école Mitchell-Montcalm. J'ai trouvé aussi que
personne n'a donné la réplique au discours de la mairesse de Sherbrooke, Évelyne
Beaudin sur la pénurie de logements alors que son administration est largement
responsable du blocage de nombreux dossiers de construction de nouveaux
logements.
J'ai aussi été frappé par le manque de vision partagée des
différents intervenants. Cela contraste avec le récit de la vie politique de
Monique Gagnon-Tremblay dans le livre qu'elle vient de publier où « la manière
Gagnon-Tremblay » a souvent réussi à mobiliser les acteurs du milieu estrien pour
faire avancer de nombreux dossiers structurants de tous les aspects de notre
vie. J'aurais envie d'inviter tous les acteurs politiques de notre milieu à
lire le livre de Monique Gagnon-Tremblay, ils pourront y tirer des
enseignements qui pourront être utiles à nos débats et au cheminement de nos
projets. Parmi tous ces candidats, j'ai noté que le discours de la candidate de
la Coalition avenir Québec dans Sherbrooke, madame Caroline St-Hilaire faisait
écho aux types de préoccupations soulevées dans le livre de madame
Gagnon-Tremblay.
Rien
n'est joué
Après deux semaines de campagne électorale, les partis ont déballé
leurs idées, dévoilé leur cadre financier et positionné leurs enjeux. Les
esprits s'échauffent et la population commence à peine à s'intéresser à la
campagne. Probablement que le taux de participation sera décevant à plus ou
moins 70 % ou même moins. Comme dans toute élection, il y a beaucoup
d'appelés, mais peu d'élus. La force et les qualités de persuasion de chaque personne
qui se présente pourront faire bouger l'aiguille des intentions de vote pour elles
dans leur comté d'à peine 5 % des intentions de vote de leur parti
respectif. Ce qui signifie que le débat des chefs dans l'émission du Face-à-face
du réseau TVA de demain sera déterminant pour la suite des choses. Cela sera crucial
pour les semaines qui restent et pour le destin de plusieurs candidates et
plusieurs candidats. La politique, c'est aussi simple que cela. La politique
c'est un jeu cruel...