Parfois,
il ne s'agit que d'une photo pour déclencher une cascade d'images. Un
photomontage de souvenirs qui prend place dans notre tête. Le cerveau a une
impressionnante capacité de tri et prend aussi plaisir à mélanger des images de
toutes les époques de nos vies.
Parmi
les photos douloureuses du massacre odieux que les hommes de Poutine font vivre
aux Ukrainiens que j'ai pu voir, il y avait celle-ci que je garde en mémoire
précieusement. Deux enfants qui ont, je ne sais pas, peut-être 4 ou 5 ans jouent
à travers des amas de pierres.
Troublante
image.
Ils
jouent. Avec à peu près rien, mais ils jouent. Leurs sourires en témoignent.
Ils
jouent comme les enfants ont le réflexe de jouer pour déjouer l'inqualifiable.
On voit le même phénomène quand il est question de deuil. Parfois, en voyant
leur enfant jouer, des parents s'interrogent du fait qu'il semble bien vivre
malgré le décès d'une personne significative. On a le devoir de demeurer
vigilants, dans ces cas : ce n'est pas qu'ils ne sont pas affectés, c'est
que leur mécanisme de défense est différent du nôtre. Plutôt que de se replier
dans leur peine, ils cherchent à déjouer le malheur en créant des moments
heureux.
Jouer.
Je pense
au jeu parce que c'est le temps des vacances. Un concept relativement moderne
dont l'objectif est de briser une routine parfois éreintante et très souvent
porteuse d'oubli de soi.
L'accès à
des vacances, au sens de voyage ou d'activités spéciales, est à géométrie très
variable dans toutes les sociétés. Les mieux nantis ont des accès privilégiés,
disons-le ainsi.
Ça me
rappelle cette chanson de Nestor, quand j'étais pas mal plus jeune :
« c't'à Balconville que je passe l'été/C'est peut-être pas l'endroit rêvé,
mais on arrive à s'amuser »
Je pense
au jeu quand je me remémore ces petits Maliens de 5 ou 6 ans que j'ai croisés
au gré de ma route vers Dégnécoro il y a plusieurs années. Ils couraient et
riaient, dans leur univers semi-désertique, dépourvus de ces éléments qu'on
qualifie d'essentiels chez nous : des jouets!
Ils jouaient
et riaient. Pour l'anecdote, je garde ce souvenir précis de les voir s'arrêter
sec dans leur course en me voyant. « Toubabou! », s'est exclamé l'un
deux. J'ai appris ensuite que ça désignait un blanc, là-bas. Visiblement, j'étais le premier blanc qu'ils
voyaient en vrai. Ils sont repartis aussitôt, mais en riant différemment. Je me
suis dit qu'ils devaient donc trouver que j'étais pâle! Comme une version pas
complétée d'un humain, ou je ne sais trop!
Jouer
est sain. Nécessaire.
Se
réfugier, par le jeu, dans des mondes un peu parallèles, c'est sain. Si c'est
un mécanisme de défense dans le cas de certaines situations stressantes ou même
traumatisantes, c'est aussi un mécanisme de recharge énergétique essentiel pour
des enfants qui sont soumis à un horaire contraignant dès leur entrée en
garderie.
Le jeu
vient casser le moule pour un moment. Il donne droit à l'invention de
situations loufoques ou inconcevables qui peuvent faire grand bien! Il peut
transformer un simple vélo en véhicule spatial si on le souhaite! Mon vélo est
devenu un cheval très souvent...
Le jeu
joue lui-même avec l'imaginaire. Il lui permet de se développer. De nous
propulser ailleurs. De rire un bon coup. De dépenser une énergie qui éveillera
tout notre corps (et notre esprit!) à la régénérescence.
Il y a
plein de façons de jouer. Quand on décide que notre imaginaire peut s'exprimer,
une simple marche dehors devient un jeu!
C'est
beau le jeu. C'est grand, le jeu. C'est essentiel, le jeu.
Des
fois, je me dis qu'on arrête de jouer quand on se projette un peu trop. J'y
reviens la semaine prochaine.
Allez,
d'ici là, allez, on joue!
Clin
d'œil de la semaine
Est-ce qu'on
« joue » encore au hockey quand tout est devenu calcul, performance
et compétition?