Il fallait s'y attendre. La deuxième semaine de la campagne
électorale fédérale s'est poursuivie avec les images terribles provenant de
l'Afghanistan. Les questions de la vaccination obligatoire, de l'opposition de
strates conservatrices aux mesures sanitaires, l'annulation d'un événement de
Justin Trudeau et les revendications du Québec ont été à l'avant-plan de cette
drôle de campagne.
Les sondages indiquent que la course se resserre entre
conservateurs et libéraux alors que le Bloc québécois stagne et que le NPD
continue de surprendre. Il est paradoxal de constater à la lecture de l'opinion
que c'est au Québec que Justin Trudeau maintient le plus fermement ses appuis.
Le chef du Parti conservateur, Erin O'Toole, a beau conter fleurette au Québec,
il n'a pas réussi à faire bouger l'aiguille de sa popularité. Il faudra voir le
premier Face-à-Face ce jeudi à TVA pour voir si O'Toole réussira à accroître
sa popularité et constater si le sympathique Jagmeet Singh réussira à gagner la
faveur du public. La seule certitude, c'est que le chef du Bloc Yves-François
Blanchet continuera de pontifier sur sa montagne en s'appuyant sur la
popularité de François Legault. Bilan d'une deuxième semaine de campagne.
La question du Québec
C'est devenu un classique des campagnes électorales
fédérales, le Québec fait part au public de ses doléances et cherche par le
fait même à s'immiscer dans la campagne électorale fédérale. Monsieur François
Legault n'a pas manqué à cette tradition. Cette semaine, il s'est fait un
devoir de rappeler la liste des demandes du Québec au gouvernement fédéral en
prenant bien soin de dire que deux partis en lice, soit le NPD et les libéraux,
sont des méchants centralisateurs. Par cette déclaration, le premier ministre
du Québec invitait les Québécoises et les Québécois à voter pour le Bloc ou
pour les conservateurs. Drôle d'idée, ne trouvez-vous pas ? Les conservateurs
d'Erin O'Toole disent oui à toutes les demandes du Québec à part un petit
détail, il ne respectera pas l'entente de six milliards que le Québec a signée
avec le gouvernement de Justin Trudeau pour les services de garde. Monsieur
Legault a déclaré au sujet de cette entente qu'il s'attendait à ce qu'un
gouvernement respecte la signature du précédent. Or, Erin O'Toole a dit sur le
même sujet que l'argent serait envoyé directement aux parents. Non seulement
cela n'est pas compatible avec nos programmes, un crédit d'impôt peut sembler
généreux ailleurs au Canada, mais ne l'est pas autant au Québec où le coût des
places est de 8,50 $ par jour. Malgré les déclarations d'Erin O'Toole,
l'engagement des conservateurs en matière de service de garde est une intrusion
dans une compétence québécoise et en plus il vient priver le gouvernement
Legault d'une somme de six milliards de dollars sur cinq ans.
Ce genre d'embrouille est typique du fédéralisme canadien
avec les responsabilités parfois enchevêtrées où l'utilisation par le
gouvernement du Canada de son pouvoir de dépenser lui permet de s'ingérer dans
des responsabilités qui ne sont pas les siennes. Il faut cependant dire
qu'aujourd'hui les gens s'attendent à ce que tous les gouvernements coopèrent
pour offrir des services à la population.
On peut faire les gorges chaudes à l'endroit des libéraux et
de Justin Trudeau et de leur volonté d'orienter les investissements en santé,
mais on doit admettre qu'une certaine coordination est nécessaire si l'on
souhaite que les services de santé soient pareils partout au pays.
Le Québec a choisi à deux reprises de demeurer au Canada. Il
faut aujourd'hui en assumer les conséquences et vivre avec la réalité de deux
paliers de gouvernement aux responsabilités enchevêtrées. Comme si une
déclaration de revenus unique aurait quelque importance pour les citoyennes et
citoyens. Par ailleurs, je suis heureux de constater que cet enchevêtrement des
responsabilités évitera peut-être la réalisation du projet de troisième lien à
Québec. Projet largement incompatible avec nos objectifs de réduction des gaz à
effet de serre et de contrer l'étalement urbain.
L'Afghanistan
Le dossier de l'Afghanistan est un cuisant échec de la
politique américaine et de ses alliés. Vingt ans plus tard, on revient à la
case départ avec les talibans de retour au pouvoir. Pas besoin d'une grande
connaissance de la politique internationale pour être capable de prédire la
suite pour les femmes afghanes et leurs droits et pour les libertés en général.
Sans compter que le terrorisme pourra à nouveau fleurir en terres afghanes. On
peut bien faire des reproches au gouvernement Trudeau, mais manifestement
ceux-ci ne lui sont pas attribuables sinon que par son association avec les
États-Unis. L'Afghanistan est l'échec des États-Unis et de leur politique
étrangère défaillante en matière de lutte contre le terrorisme à l'échelle de
la planète. On comprend avec les exemples de la Lybie, de la Syrie, de l'Irak
et de l'Afghanistan que la démocratie ne se plaque pas dans des régions qui
sont étrangères aux valeurs de l'esprit des lumières occidentales.
Les entretiens de Radio-Canada et le Face-à-Face TVA
Ce dernier dimanche, ICI Radio-Canada a diffusé des
entrevues avec les cinq chefs. Cette chronique ayant été écrite avant la
diffusion de cette émission, je ne commenterai pas ces entrevues dans cette
chronique. Jeudi, il y aura le Face-à-Face à TVA entre les différents
chefs des partis politiques en présence. Deux grands rendez-vous télévisuels
pour celles et ceux qui veulent se faire une idée des choix qui s'offrent à eux
à cette élection.
Néanmoins, les enjeux sont grands pour tous les chefs. Dans
le cas d'Annamie Paul, la cheffe du Parti vert, il s'agira de se présenter à
l'électorat québécois et faire oublier les tumultes vécus dans son parti. Pour
le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, il s'agit plus de consolider
son vote tout en essayant de moins pontifier sur la montagne, ce qui lui donne
des airs d'arrogance. Le chef des conservateurs Erin O'Toole a pour sa part le
défi de connecter avec le Québec en se parant de ses habits du bon monsieur
tolérant et qui veut mettre fin aux dépenses inconsidérées du gouvernement de Justin
Trudeau. Il devrait éviter les pièges des antivax, de l'avortement et de
l'opposition de son parti à l'existence même des changements climatiques. Celui
qui a le plus à perdre de ce face-à-face c'est bien entendu le premier ministre
sortant Justin Trudeau. Pour sa part, il suffira d'être capable de montrer
qu'il est à l'écoute de la population et de rappeler toutes les bonnes choses
que son gouvernement a faites pour gérer la pandémie actuelle. Il devra
cependant nous projeter dans l'avenir et nous dire ce qu'il fera dans les
prochaines années plutôt que de faire le bilan des deux dernières années.
Justin Trudeau a cependant à porter le fardeau des promesses
brisées à l'endroit par exemple du mode de scrutin, de la réconciliation avec
les peuples autochtones et surtout en matière de luttes aux changements
climatiques. Malgré son cri du cœur « Canada is Back », Justin Trudeau
est à la tête d'un gouvernement qui n'a aucune personnalité internationale. La
politique étrangère canadienne est famélique. Sans compter l'absence totale de
préoccupations de son gouvernement pour l'état des finances publiques. Je suis
curieux de voir comment le Justin Trudeau lénifiant se sortira de ce face-à-face
où ses opposants feront ressortir les contradictions de son discours avec ses
actions.
Monsieur le premier ministre, Justin Trudeau, je vous le dis
comme je le pense, vous risquez d'être votre propre mouche du coche.