La politique occupe plus que jamais l'avant-scène de nos
vies. Ce sont les politiciens que nous avons élus qui rétrécissent chaque jour
nos libertés et notre autonomie. Au nom de la survie de plusieurs, nous sommes
soumis à un régime de privation de nos libertés. Cela est justifié dans le
cadre d'une société libre et démocratique à cause de la pandémie. Rien à
redire.
Néanmoins, on ne peut pas faire l'impasse sur le fait que
plus on s'enfonce dans cette crise sanitaire, mieux on comprend que le vaccin
ne résoudra pas tout. Des mutations du virus, des incertitudes sur l'immunité
réelle offerte par le vaccin sont pour le moment des questions qui viennent
gonfler le ballon de nos incertitudes. Nous devons nous résoudre à penser que
nous sommes dans l'obligation d'apprendre à vivre avec la présence de ce virus
et de tous les autres qui ne manqueront pas de se manifester entre autres dans
le sillage de la fonte du pergélisol causée par les changements climatiques.
Réflexion libre sur la vie avec la menace permanente de contagion.
Vivre en repli...
Ça fera bientôt un an que nous sommes repliés sur nous. Un
an de privation de toute sorte. Une longue année d'apprivoisement de recul de
nos libertés démocratiques et de notre liberté de choisir. Une année presque de
désocialisation organisée où l'Autre est devenu une menace. Dans ce brouhaha de
la petite dictature du sanitaire dans nos vies, nous nous sommes peu autorisés
jusqu'à maintenant à critiquer les choix qui sont faits en notre nom par celles
et ceux que nous avons élus. Certains l'ont fait pour de mauvaises raisons et
en vertu de fausses conceptions comme ces complotistes et ces hurluberlus qui
croyaient à l'État profond des trumpistes.
Néanmoins, de plus en plus de voix s'élèvent pour remettre
en question les choix qui sont faits. Par exemple, le dernier en liste par le
gouvernement Trudeau de bannir les voyages en avion vers les destinations
soleil et d'obliger à une quarantaine surveillée assortie d'un coût de 2 000 $
pour tout voyageur. Ne faut-il pas voir dans ce genre de mesures une sorte de
concession à la tyrannie d'une opinion publique vengeresse qui veut punir
celles et ceux qui sortent du rang ? Je veux bien que l'on s'inquiète pour les
variants du Royaume-Uni, du Brésil ou de l'Afrique du Sud, mais si cela est
vrai pourquoi ne pas appliquer la même médecine à celles et ceux qui
franchissent les frontières entre le Québec et l'Ontario ? La science ne nous
dit-elle pas que le variant du Royaume-Uni est présent en Ontario ? La
vice-première ministre Guilbault explique que c'est compliqué de limiter les
échanges entre l'Ontario et le Québec si l'on prend en compte les
caractéristiques de la région de la Capitale nationale ou de nombreuses
personnes transitent chaque jour d'une province à l'autre pour le travail
notamment.
Autre décision envahissante, celle du couvre-feu. Voilà que
notre bon gouvernement Legault a trouvé une façon pour faire ce qu'il ne
pouvait faire il y a quelques mois, empêcher les gens de se visiter en les menaçant
d'une amende. Désormais, c'est un crime que de voir ses amis ou ses parents,
surtout après 20 h.
Pire cette limitation à notre liberté est vue comme l'une
des meilleures mesures du panier de toutes ces limitations à nos vies. Il faut
s'inquiéter du fait que de grands esprits découvrent bientôt que c'est plus
facile de gérer une société qui doit s'endormir à 20 h. N'est-ce pas le Saint-Graal
de la lutte contre la criminalité ? Pourquoi ne pas maintenir cette disposition ad vitam aeternam si cela
fait diminuer la criminalité ? Je blague à peine. L'une des lois qu'il faut
retenir de la longue histoire de l'humanité c'est que la restriction des
libertés s'insinue subrepticement dans nos vies et souvent le retour à la
situation d'origine n'est jamais acquis.
Ouvrir l'économie...
Bien entendu, le premier ministre Legault a fait savoir la
semaine dernière qu'il y aura un certain relâchement des mesures coercitives
qui briment nos vies. Cela tombe sous le sens, car au Québec certaines régions sont
présentement selon des codes de couleur d'hier dans des zones jaunes ou orange.
Au moment où j'écris cette chronique, c'est hier que le premier ministre
Legault a fait ses annonces alors que cette chronique est écrite dimanche, je
ne sais pas ce que le gouvernement Legault aura choisi de relâcher, mais chose
certaine, comme le premier ministre Legault nous l'a affirmé il ne faut pas
s'attendre à retrouver notre vie d'avant même dans les régions où le virus ne
circule plus beaucoup. Cela parce que d'une part c'est plus simple pour l'État
sanitaire. Ouvrir des régions même éloignées poserait la question des barrages
interrégionaux et le gouvernement ne veut pas aller là. Il est plus simple de
demander au gouvernement Trudeau de limiter la liberté de se mouvoir des
citoyens que de le faire soi-même. D'autre part, il y a la question de la
capacité et de l'efficacité de notre
réseau de la santé en temps de pandémie.
L'éléphant dans la
pièce
D'entrée de jeu, je tiens à manifester mon soutien et mon
admiration sans bornes pour toutes les catégories de personnel du réseau de la
santé et de l'éducation au Québec. Ces gens, du médecin au concierge, font un
travail difficile dans un contexte surréaliste. Ce que nous demandons comme
société à ces femmes et à ces hommes c'est immense et en retour nous les payons
souvent mal et notre reconnaissance malgré nos bons mots de circonstances ne se
traduit pas dans leur rémunération et leurs conditions de travail. Le secteur
public a fait l'objet de coupes budgétaires année après année. Cela étant dit,
comme contribuable et payeur de ces réseaux, nous sommes en droit de nous
questionner sur l'incroyable incurie que nous retrouvons dans nos réseaux
d'éducation et de santé. Nous consacrons plus de 50 % du budget total du
Québec à ces missions et nous n'en avons pas pour notre argent. Pire encore,
selon les dires même du premier ministre Legault, nous devons nous priver de
nos libertés pour sauver le système de santé. Non seulement il nous coûte la
peau des fesses, mais en plus il faut restreindre nos libertés pour lui
permettre de survivre en temps de pandémie. Malgré les nombreuses tentatives de
réformes par le passé, nos réseaux d'éducation et de santé performent largement
en deçà de nos attentes. Il faudra y voir au lendemain de cette crise.
Vivre avec
À terme, il semble qu'il faudra apprendre à vivre avec ce
virus plutôt que de penser que nous le vaincrons et qu'il disparaîtra. La
question qui se pose est quel genre de vie pourrons nous avoir en sachant que
nous pouvons attraper un virus qui peut nous conduire bien au trépas. Cette
réflexion sur la façon de vivre avec un risque de pandémie n'est même pas
amorcée. On vit plutôt dans le cadre d'une pensée magique qui veut nous faire
croire qu'un jour, tout redeviendra comme avant. Moi je n'y crois pas. Croire
en cette version postmoderne des contes de fées signifiera que nous ne vivrons
pas de crises en lien avec le réchauffement climatique, qu'il n'y aura plus de
virus inconnu qui s'abattra sur nous et cela je trouve que c'est faire preuve de
peu d'esprit scientifique de le croire. C'est dans cet esprit qu'il faut
réfléchir sur les conséquences de la limitation de nos droits et de nos
libertés. Nous sommes une démocratie occidentale, pas une dictature. Dans ce
contexte, loin de vouer comme plusieurs notre premier ministre Justin Trudeau
aux gémonies pour ses hésitations à restreindre nos libertés, je suis porté à
le glorifier pour ce comportement. Justin Trudeau plus que nul autre sait que
désormais le virus est là pour de bon, ce virus est l'un des nôtres...