Mercredi soir dernier, le président des États-Unis
d'Amérique, Joseph R. Biden, s'est adressé aux chambres du congrès et du Sénat
pour faire le bilan de son action politique des 100 premiers jours et pour
tracer les orientations de ses politiques au cours de la prochaine année. S'il
il y a une évidence qui s'impose à nous aujourd'hui c'est que le quolibet de
Joe l'endormi, que lui avait affublé son prédécesseur, l'ancien clown aux
cheveux orange, était tout ce qui a de plus faux. Quelques réflexions en marge
d'une présidence nettement marquée par une volonté de transformer les
États-Unis d'Amérique.
Les 100 premiers jours de Biden
Ce que l'on peut observer à première vue comme
principal changement depuis l'arrivée de Joe Biden comme président des
États-Unis c'est le retour à une certaine normalité malgré qu'en temps de
pandémie rien n'est vraiment normal. Néanmoins, on peut dire que les choses se
sont calmées depuis l'arrivée de ce nouveau président démocrate. Nous ne sommes
plus bombardés d'opinions instantanées sur tout et rien et la politique se fait
par les voies normales plutôt que par les chambres d'échos que représentent les
médias et réseaux sociaux. Nous n'avons plus accès aux états d'âme du président
et c'est bien tant mieux. C'est la plus grande rupture avec l'administration
précédente. On pourra qualifier cela de la présidence de l'apaisement.
La seconde rupture c'est la volonté
ferme de l'administration actuelle de vaincre la pandémie et de travailler à la
reprise d'une vie normale. Dès son arrivée, Joseph Biden a fait siennes les
recommandations des autorités sanitaires de son pays et a demandé aux États de
les respecter notamment par la promotion active des gestes barrières comme
porter le masque, respecter la distance de deux mètres et surtout éviter les
rassemblements. Cela a été accompagné d'une formidable opération de
vaccination. Biden avait promis 100 millions de vaccinations dans les 100 premiers
jours. Son opération a largement dépassé les attentes en vaccinant plus de 200 millions
de doses dans ses 100 premiers jours.
Enfin, le style de gouvernement qu'a
imposé le président Biden a réussi à mettre en sourdine pour un moment du moins
l'extrême polarisation de la vie politique américaine. Il a réussi à présenter
un visage de rassembleur et a évité de jeter de l'huile sur le feu envers les
partisans de son prédécesseur qui carburent aux théories complotistes et
surtout au discours anti-Washington. Sans avoir fait de miracles, le président
Biden et son équipe ont réussi à calmer le jeu même si le mal de la division
extrême est toujours présent dans la démocratie américaine.
Voilà les trois grandes ruptures qui
marquent un changement majeur avec ce que nous avons connu les quatre dernières
années. Cela dit, il faut comprendre du discours livré par Biden mercredi
dernier que des changements encore plus profonds s'annoncent chez nos voisins
ou du moins qui ont été mis à la liste de priorités de Biden. Comme il l'a
affirmé mercredi dans son allocution, il y a place aux discussions, mais pas à
l'inaction.
Les États-Unis canadiens ?
Un observateur politique habitué aux
enjeux politiques canadiens n'aura pas été choqué outre mesure par le discours
livré par le président Biden mercredi soir dernier devant les deux chambres. Nous
avons eu droit à un énoncé de politique de centre gauche, ce qui aux États-Unis
s'apparente à une révolution socialiste.
Le président Biden a rappelé son
vaste plan de relance économique de qui se chiffre à près de 2 000 milliards
de dollars. Il a aussi annoncé son intention de remettre sur pied la société
américaine en se servant de sa mince majorité au Congrès par diverses actions
comme une hausse du salaire minimum fédéral ; une bonification de l'aide
gouvernementale offerte aux jeunes familles et des mesures plus musclées pour
protéger l'environnement ; un plan majeur d'infrastructure.
Il propose aussi une expansion sans
précédent de l'État fédéral depuis la Great Society du président Lyndon
B. Johnson dans les années 1960 au lendemain de l'assassinat du président
John F. Kennedy. Ce fut à cette époque où les lois sur les droits civiques ont
été adoptées. Biden veut aider les familles américaines en augmentant le nombre
d'années de gratuité pour la fréquentation des collèges américains, légiférer
les prix des médicaments à la grande satisfaction du sénateur du Vermont Bernie
Sanders. Il présente le virage vert comme une occasion favorable pour créer de
bons emplois pour les cols bleus américains. Il fait aussi sien le discours
protectionniste américain avec son propos sur le Buy American Act, ce
qui n'annonce rien de bon pour l'économie canadienne. Cela est surtout vrai
dans la mesure où le président Biden a bien pris soin qu'il sera très réticent
à ce que des exemptions soient accordées. Comme Canadien, cela devra nous
préoccuper en matière de nos capacités d'exportations de nos petites et
moyennes entreprises.
Il faut aussi rappeler que depuis son arrivée
l'administration Biden a bien pris soin de déconstruire l'œuvre de son
prédécesseur notamment en matière d'immigration. Exit le mur de la honte entre
le Mexique et les États-Unis du dictateur à la chevelure orange. Malgré la
crise qui sévit au sud de la frontière des États-Unis, Biden a mis fin à
l'incarcération des enfants et souhaite régler le cas des Dreamers, ces
jeunes Américains sans papier menacés d'expulsion du seul pays qu'ils ont
connu. Conscient que l'immigration est un caillou dans son soulier, Joseph
Biden en a confié la gestion à sa vice-présidente Kamala Harris. Un dossier à
suivre, mais qui devra que se régler avec une aide financière substantielle au
pays d'Amérique centrale pour les aider à donner des conditions de vie dignes à
leurs populations si l'on souhaite qu'elles ne cherchent pas leur eldorado aux
États-Unis. L'époque est mûre pour un plan Marshall 2.0 pour l'Amérique
centrale.
Que réserve l'avenir à Joe Biden ?
Contre toute attente, les appuis
envers Joe Biden sont d'une grande stabilité malgré les grands chantiers
annoncés. Peu de présidents avant Biden peuvent se targuer d'une aussi grande
stabilité de ses appuis dans l'opinion publique américaine, et ce malgré
l'extrême polarisation de la politique américaine. Il faut dire que Joseph
Biden a connu un score électoral assez remarquable malgré le déni de son
adversaire. Ce qui explique peut-être la tendance actuelle c'est que Biden
gouverne avec une approche ultra-partisane. Malgré son discours de
réconciliation nationale, il fait peu de cas de ses adversaires républicains
desquels il n'espère aucune coopération politique. Par ailleurs, la
polarisation extrême de la vie politique américaine met à mal la plus grande
promesse de Biden soit de réussir à unifier le pays. S'il ne réussit pas à
réunifier le pays, il a tout au moins réussi à l'apaiser. Ce qui n'est pas rien
pour un président endormi. Joe l'endormi fait mentir ses détracteurs et il nous
prouve tous les jours qu'il est un homme au sommeil léger...