L'expression
m'agace (me gosse!) depuis des lunes!
Dans ma
petite cervelle, elle dit le contraire de ce qu'elle signifie. L'empêcheur de
tourner en rond, c'est l'« embêteur »,
celui qui vient brouiller les cartes, qui nuit au mécanisme.
C'est le
« en »
qui est de trop. Dans ma perception des choses, quand on tourne en rond, on
n'avance pas. Donc, celui qui m'empêche de tourner en rond, c'est celui qui
brise le cycle et permet d'introduire une autre direction dans le
parcours.
En
contrepartie, si j'enlève le « en »
de la phrase, j'obtiens le vrai sens qu'on cherche : « l'empêcheur
de tourner rond » est celui qui vient mettre du
sable dans l'engrenage, celui qui empêche la machine de tourner rond. De
tourner rondement.
Je
repensais exactement à ça en écoutant un court débat entre Jean-Luc Landry et
Jean-Martin Aussant à l'émission Zone économie. Les deux sont économistes. Mais
ils ont des perceptions souvent opposées, surtout quand on mêle les éléments de
société au débat. M. Landry est un puriste de l'économie. M. Aussant
essaie de conjuguer des valeurs sociales au contexte économique.
Ce sont
toujours des rencontres bien intéressantes.
Air
Canada qui vole au secours de ses dirigeants
Il y a
des situations qui commandent de longs raisonnements. Il y en a d'autres qui
évoquent bien peu de mots.
Dans le
cas d'Air Canada, la nouvelle concernant la bonification dite de motivation de l'ordre
de 20 millions de dollars à ses hauts dirigeants. Il faut mettre en
contexte que des milliers d'employés ont été mis de côté, que le Fédéral a
octroyé plus de 650 millions de dollars en subventions et plus de 5 milliards
de dollars en prêts avantageux, ça commandait, pour moi, deux mots : « ben,
là! »
Divergence
de point de vue fondamentale
Même
s'il admet que la perception du geste pose problème et que, ultimement, il
n'aurait probablement pas versé les sommes, Jean-Luc Landry croit fermement
qu'il faut motiver à coups de millions de dollars, annuellement, les hauts
dirigeants des entreprises pour s'assurer de ne pas les perdre au profit
d'autres entreprises.
Jean-Martin
Aussant avance que les entreprises devraient être guidées par une conscience
sociale en tout temps et qu'il est, conséquemment, indécent de verser ces
primes.
Chacun a
droit a son point de vue.
De mon
côté, j'ai vu là l'illustration crasse de ce qui mène notre économie.
Sans autres
paramètres que la simple perception répandue chez les hauts dirigeants et en
plus du salaire et des autres bonifications, il faut donc en rajouter annuellement
pour conserver un minimum de motivation. Il n'y a que l'argent pour les motiver
à rester. Jusqu'à plus soif s'il le faut...
Ça me
désole.
Ça
illustre ce qu'on vit à vitesse grand V : le fossé qu'on creuse encore et
encore entre les classes sociales.
Ce qui
me trouble, c'est la facilité qu'a M. Landry à devenir démagogue et à
mépriser assez ouvertement la position de M. Aussant. La pureté du modèle
économique avant tout!
En plus,
le mandat qu'on donne précisément aux hauts dirigeants difficiles à motiver,
c'est de réduire les dépenses au maximum. Donc, pour être éligible aux
bonifications, le gestionnaire aura tendance à maintenir au plus bas les
salaires des employés.
« 15 $
de l'heure, ça va tuer un fleuron de notre économie! »,
plaident les dirigeants de Couche-Tard, entre autres.
Essayez
de vivre, même en cumulant les salaires de deux personnes sous un même toit et
qui gagnent chacun 15 $/heure. Et essayez surtout (et au surplus) d'assumer
le grand rôle que vous confient ces dirigeants économiques, soit de dépenser
pour faire rouler l'économie!
Et là,
on se retrouve avec un accès au logement qui se rétrécit par la spectaculaire
hausse des coûts, une population vieillissante qui deviennent des freins au
développement exponentiel si cher au système et dont on peine à prendre soin, à
une pénurie de main-d'œuvre qui s'accentue, etc.
Mais tout
baigne, pourtant! La bourse va pas pire!
Je ne
peux croire que l'économie soit une science si niaise et aveugle. Qu'elle soit
une science si pauvre socialement. L'économie est une science plus riche que à
quoi on la réduit.
Vivement
les empêcheurs de tourner rond.
Clin
d'œil de la semaine
Quand
l'économie va, tout va, t'sais...