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  CHRONIQUEURS / Deux mots à vous dire

L’empêcheur de tourner en rond

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François Fouquet Par François Fouquet
Lundi le 28 juin 2021

L'expression m'agace (me gosse!) depuis des lunes!

Dans ma petite cervelle, elle dit le contraire de ce qu'elle signifie. L'empêcheur de tourner en rond, c'est l'« embêteur », celui qui vient brouiller les cartes, qui nuit au mécanisme.

C'est le « en » qui est de trop. Dans ma perception des choses, quand on tourne en rond, on n'avance pas. Donc, celui qui m'empêche de tourner en rond, c'est celui qui brise le cycle et permet d'introduire une autre direction dans le parcours.  

En contrepartie, si j'enlève le « en » de la phrase, j'obtiens le vrai sens qu'on cherche : « l'empêcheur de tourner rond » est celui qui vient mettre du sable dans l'engrenage, celui qui empêche la machine de tourner rond. De tourner rondement.  

Je repensais exactement à ça en écoutant un court débat entre Jean-Luc Landry et Jean-Martin Aussant à l'émission Zone économie. Les deux sont économistes. Mais ils ont des perceptions souvent opposées, surtout quand on mêle les éléments de société au débat. M. Landry est un puriste de l'économie. M. Aussant essaie de conjuguer des valeurs sociales au contexte économique.

Ce sont toujours des rencontres bien intéressantes.

Air Canada qui vole au secours de ses dirigeants

Il y a des situations qui commandent de longs raisonnements. Il y en a d'autres qui évoquent bien peu de mots.

Dans le cas d'Air Canada, la nouvelle concernant la bonification dite de motivation de l'ordre de 20 millions de dollars à ses hauts dirigeants. Il faut mettre en contexte que des milliers d'employés ont été mis de côté, que le Fédéral a octroyé plus de 650 millions de dollars en subventions et plus de 5 milliards de dollars en prêts avantageux, ça commandait, pour moi, deux mots : « ben, là! »  

Divergence de point de vue fondamentale

Même s'il admet que la perception du geste pose problème et que, ultimement, il n'aurait probablement pas versé les sommes, Jean-Luc Landry croit fermement qu'il faut motiver à coups de millions de dollars, annuellement, les hauts dirigeants des entreprises pour s'assurer de ne pas les perdre au profit d'autres entreprises.

Jean-Martin Aussant avance que les entreprises devraient être guidées par une conscience sociale en tout temps et qu'il est, conséquemment, indécent de verser ces primes.

Chacun a droit a son point de vue.

De mon côté, j'ai vu là l'illustration crasse de ce qui mène notre économie.

Sans autres paramètres que la simple perception répandue chez les hauts dirigeants et en plus du salaire et des autres bonifications, il faut donc en rajouter annuellement pour conserver un minimum de motivation. Il n'y a que l'argent pour les motiver à rester. Jusqu'à plus soif s'il le faut...

Ça me désole.

Ça illustre ce qu'on vit à vitesse grand V : le fossé qu'on creuse encore et encore entre les classes sociales.

Ce qui me trouble, c'est la facilité qu'a M. Landry à devenir démagogue et à mépriser assez ouvertement la position de M. Aussant. La pureté du modèle économique avant tout!

En plus, le mandat qu'on donne précisément aux hauts dirigeants difficiles à motiver, c'est de réduire les dépenses au maximum. Donc, pour être éligible aux bonifications, le gestionnaire aura tendance à maintenir au plus bas les salaires des employés.

« 15 $ de l'heure, ça va tuer un fleuron de notre économie! », plaident les dirigeants de Couche-Tard, entre autres.

Essayez de vivre, même en cumulant les salaires de deux personnes sous un même toit et qui gagnent chacun 15 $/heure. Et essayez surtout (et au surplus) d'assumer le grand rôle que vous confient ces dirigeants économiques, soit de dépenser pour faire rouler l'économie!

Et là, on se retrouve avec un accès au logement qui se rétrécit par la spectaculaire hausse des coûts, une population vieillissante qui deviennent des freins au développement exponentiel si cher au système et dont on peine à prendre soin, à une pénurie de main-d'œuvre qui s'accentue, etc.

Mais tout baigne, pourtant! La bourse va pas pire!

Je ne peux croire que l'économie soit une science si niaise et aveugle. Qu'elle soit une science si pauvre socialement. L'économie est une science plus riche que à quoi on la réduit.

Vivement les empêcheurs de tourner rond.

 

Clin d'œil de la semaine

Quand l'économie va, tout va, t'sais...  



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