« Les
réactions fusent à la suite de l'annonce du Gouvernement de... »
On
l'entend, celle-là, à gauche, à droite, aux jours pairs et aux jours impairs,
bref, tout le temps.
Et c'est
normal.
Ne sommes-nous
pas dans un système où les réactions sont non seulement permises, mais
nécessaires?
Tout à fait.
Là n'est
pas mon propos.
Tout est
industrialisé. Je réalise l'ampleur de ces trois mots réunis : tout est
industrialisé.
Il
suffit d'écouter et/ou de lire les manchettes de l'actualité. Le Gouvernement
raffermit les règles sanitaires : l'industrie de la restauration réagit.
On bloque les frontières : l'industrie du tourisme réagit. On diminue le
nombre de places dans les salles de spectacle : l'industrie du spectacle
réagit.
C'est
comme si tout ce qui compte est ce qui se compte!
L'industrialisation
des secteurs vient définir des normes, mais impose aussi ses conditions.
On est
là dans l'évolution de l'humain sur terre, je crois bien. On essaie de vivre
ensemble, déchirés entre nos libertés personnelles, la nécessité de performer
économiquement et la notion de responsabilité collective.
Et comme
on ne trouve pas toujours de réponses censées à nos questionnements, on
engueule littéralement l'autre, là, celui qui ne pense pas comme nous. Et avec
les médias sociaux, ça s'engueule solide!
« La conne, qu'on lui arrache donc la tête! »
J'en
étais à me dire tout ça, à enfiler les industries de ci et de ça qui déplorent
ci et ça (à tort ou à raison, c'est selon!), quand j'ai vu passer la nouvelle
de cette jeune femme de Sherbrooke qui sort publiquement, pétition à la main,
pour dénoncer la tenue de feux d'artifice majeurs sur le territoire de
Sherbrooke.
Vous
imaginez bien la déferlante d'insultes qu'elle a essuyée! Ouch! Pourtant, elle
n'a frappé personne et ses questions sont valables et sensées. J'aime beaucoup
les feux d'artifice, mais jamais il ne me serait venu à l'idée de l'insulter
pour cette démarche. Jamais!
Au
contraire, j'avais le goût de porter attention aux arguments. On a toujours
besoin d'un message, porté par quelqu'un, pour faire avancer les choses.
Vous
comprendrez que l'industrie pyrotechnique ne l'entend pas comme ça.
J'en
étais à trouver que notre société était devenue intransigeante, méchante et
résolument fermée quand, enfin, une pause salutaire s'est imposée, comme ça,
l'air de rien. Une affaire aux allures banales, vous allez voir. Et pourtant!
Comme un air de rien qui change tout...
Tout
est industrialisé?
Tout? Tout.
Sauf peut-être un petit endroit. Une espèce de Gaule dans le paysage romain. En
fait, il y a quand même plusieurs « Gaule »
dans le paysage humain.
Une de
ces « Gaule »,
c'est l'amitié.
Vous
savez, ce genre de vendredi lors duquel, au hasard d'une conversation
téléphonique impromptue, une invitation toute simple tombe : « pourquoi
vous ne nous rejoindriez pas ce soir? »
Ben oui,
pourquoi pas?
L'amitié,
c'est une espèce de petite île dont on peut entretenir l'érosion à coups de
présences et d'attentions. Une petite île que les courants, les marées, les
grands vents n'affectent pas tant, si tant est qu'on la garde vivante. Pas une
petite oasis dans laquelle tout le monde pense de la même manière, nenon. Mais
une oasis quand même, parce que l'amitié nous fait passer par-dessus les
variantes d'opinions et de points de vue.
Une
oasis qui en arrive même à survivre au relatif silence.
Une fois
les effusions de départ, les discussions et les grands rires des retrouvailles
un peu estompés, une fois le repas consommé et un bout de veillée fait, voilà
que l'amitié se révèle autrement : le calme de gens heureux d'être là, comme
rassurés d'être ensemble, autour d'un feu, dans ce silence relatif qui devient confortable.
N'industrialisons
pas l'amitié, me disais-je...
Clin d'œil
de la semaine
Ne me
dites pas qu'il faudra industrialiser les maladies pour qu'on réagisse au sort des
patients et des gens qui en prennent soin !