Plus
jeune, je trouvais qu'il manquait un mot dans la langue française. Quelque
chose comme le verbe « amitier ». Pour donner une phrase comme :
« tu sais, je t'amitie! »
En fait,
je cherchais une façon de signifier à une personne de même sexe ou non qu'elle
était importante. Donc, que je l'aimais. Mais là, aller dire à un ami que vous l'aimez
peut saupoudrer une assez importante quantité de sous-entendus ou malentendus
dans un entourage donné!
Alors,
en bon gars né au début des années 1960, j'ai choisi de ne rien dire.
Pendant
longtemps.
L'amitié,
c'est une drôle de bête, quand même.
On la
définit souvent comme une relation d'empathie ou de sympathie entre deux
personnes sans égards à la famille ou au sexe.
Mais,
dans l'arborescence des relations entre les individus, l'amitié a quand même
une place primordiale.
Je ne
parle pas ici de l'amitié exprimée par un vendeur qui te lance un clin d'œil
pas du tout discret en te disant : « juste, pour toé, mon ami! »
Ni de l'amitié qu'on invoque pour créer
un contexte propice à obtenir un contrat ou une avance de fonds...
Je parle
de l'amitié au sens noble.
Je parle
de l'amitié qui, somme toute, se définit assez mal.
L'amitié
qui se bâtit, parfois, mais qui, autrement, se crée d'abord par une sorte de
déclic. Une sorte d'aise envers une personne. Une sorte de coup de foudre
amical.
L'amitié
qui ne se définit pas par la fréquence des rencontres, mais par l'intensité ou
la qualité de celles-ci. Vous savez, cette personne qui ne croise pas notre
route souvent dans une année, mais avec qui, semble-t-il, on reprend toujours
exactement où on en était la dernière fois.
On parle
beaucoup des « amis Facebook ». Le mot est pompeux. Vraiment. En
choisissant le mot ami, on a créé une aura autour d'un o0util de communication
utile (si on s'en sert bien!), mais ça demeure pompeux de prétendre qu'on a 300
ou 900 amis!
Et ça
dénature l'amitié, je trouve.
L'amitié
est un sentiment fort. Plusieurs ont des liens plus serrés avec des amis
qu'avec leur propre fratrie. Ne dit-on pas qu'on choisit nos amis, mais pas
notre famille?
Au cours
des derniers mois, j'ai eu à renouer avec des amis. Pas en groupe, mais bien un
à un. Ou à deux ou trois dans une occasion donnée.
C'est
que je ne suis pas (et ne serai jamais) un gars de gang. Sociable à souhait,
mais tout de même pas très compétent dans les rencontres de groupe.
Et au
fil de ces rencontres plutôt individuelles, j'ai remarqué un élément qui me fait
différencier un ami d'une connaissance : l'aisance. Vous savez, celle qui
se vit comme un repère sur notre route. Un repère tranquille, dirait Vincent
Vallières.
Dès le
début de ces rencontres, plus rien n'a d'importance. Ce qu'on fait comme
métier, la sorte de char, l'habillement, les réussites, les échecs... Non, rien
de tout ça ne compte. Bien sûr, on veut savoir comme l'autre va. Mais il y a
quelque chose d'inconditionnel dans la relation qui fait qu'on ne porte pas un
jugement sur la personne, mais on est là, avec elle.
Ce genre
d'amitié là.
Et j'ai
fini par réaliser (il faut bien que mes 61 ans servent à quelque chose!) qu'il
ne manque rien dans la langue française ou ailleurs pour dire à quelqu'un qu'on
tient à elle ou lui. Non seulement il ne manque rien, mais il y a surtout trop
d'orgueil ou de vieilles peurs de « ce que les autres vont bien
penser » dans notre approche.
Pas
besoin d'inventer un verbe.
Je
t'aime fait bien l'affaire. Reste à l'assumer...
Clin
d'œil de la semaine
Les
« amis du parti » ne s'attendent à un « je t'aime »,
aussi sentit soit-il...